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Partie I Introduction 1

I.3 Principes physiques et méthodes expérimentales

I.3.1 La microscopie à deux photons

I.3.1.1 La fluorescence en excitation à deux photons

Rappel sur la fluorescence classique

Lorsqu’une molécule fluorescente absorbe un photon dont l’énergie 4 5 est égale à la dif-férence d’énergie entre le niveau électronique fondamental et un niveau électronique de plus haute énergie, elle subit une transition électronique vers cet état électronique excité. Elle peut ensuite se désexciter spontanément en émettant un autre photon d’énergie un peu plus faible, et donc de longueur d’onde plus grande, à cause des pertes internes2, notamment d’origine vibrationnelle, en général beaucoup plus rapides que le processus de désexcitation radiative (de l’ordre de 106 7 8 contre 106 9 ). Ce phénomène est l appelé fluorescence. Ce processus est illustré sur la figure I.3.1.

FIG. I.3.1: Diagramme dit «de Jablonski» illustrant le phénomène de fluorescence en excitation à un photon.: ;< : fréquence de la lumière d’excitation,: ;= : fréquence de la lumière émise,> ? : niveau électronique fondamental,> @ : premier niveau électronique excité.

Dans un flux de photons donné, une molécule a une probabilité d’être excitée du niveau électronique fondamental à un niveau électronique excité. Cette probabilité dépend de la sec-tion efficace et du flux incident :A B C D EGF B C D H

7

I J K

, où F BC D désigne le flux de photons etH

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la section efficace de la molécule en excitation à un photon. Cette dernière dépend de la longueur d’onde de la lumière incidente (donc de l’énergie des photons incidents) car la transition élec-tronique peut se faire entre différents niveaux avec une efficacité différente. La connaissance de la section efficace en fonction de la longueur d’onde de la lumière incidente donne le spectre

2C’est le décalage de Stokes qui explique qu’une molécule fluorescente verte doive être excitée par de la lumière bleue, plus énergétique.

I.3.1. LA MICROSCOPIE À DEUX PHOTONS 33

d’excitation de la molécule. La figure I.3.2 montre un exemple de spectre d’excitation d’une molécule fluorescente. L’ordre de grandeur de la section efficace à un photon est :L M NPO Q R

M S

cmT , ce qui correspond à environ 1 ÅT soit la surface typique d’un atome.

FIG. I.3.2: Spectres d’excitation (à gauche) et d’émission (à droite) typiques d’une molécule fluorescente. Chaque spectre possède un pic en intensité, le pic d’émission étant décalé vers les grandes longueurs d’onde (décalage de Stokes).

Le nombre de photons absorbés par unité de temps est proportionnel au flux de la lumière d’excitation :

U V WX Y

L M Z [ \ ] ^ _ ` a

Néanmoins, la molécule excitée n’émet pas systématiquement un photon de fluorescence car il existe d’autres voies par lesquelles la molécule peut perdre l’énergie acquise (nous y revien-drons par la suite). On définit donc un rendement quantique de fluorescence (QY : quantum

yield), notéb M , comme le rapport entre le nombre de photons émis et le nombre de photons ab-sorbés. Pour la fluorescéine, ce rendement quantique vaut enrivon 0,9 [Demas and Crosby, 1971].

D’un point de vue temporel, la durée de vie du niveau excité est de l’ordre de 1 ns. Ceci entraîne un découplage entre l’émission et l’excitation car la molécule peut avoir pendant ce temps des échanges d’énergie avec d’autres systèmes et se retrouver dans l’état excité le moins énergétique. La forme du spectre d’émission est donc différent du spectre d’excitation avec un pic décalé vers les grandes longueurs d’onde à cause des pertes d’énergie internes. La figure I.3.2 montre la forme typique du spectre d’émission d’une molécule fluorescente.

De plus, la molécule dans son état excité peut réagir avec son environnement, avec d’autres molécules ou ions, ceci d’autant plus que la température est élevée et la concentration de l’autre espèce élevée. L’émission de fluorescence est donc souvent sensible à l’environnement de la molécule. C’est le cas, par exemple, de la fluorescéine dont le spectre d’émission varie en fonc-tion du pH comme on le voit sur la figure I.3.3.

FIG. I.3.3: Spectre d’émission de la fluorescéine pour différentes valeurs du pH. L’intensité d’émission de fluores-cence dimininue avec le pH, avec un léger changement de longueur d’onde du pic d’intensité maximale.

L’excitation à deux photons

Le processus de fluorescence peut également se produire si à la place d’un seul photon d’énergiec d , deux photons d’énergie moitié egf sont absorbés par la molécule3. D’un point de vue «mécanistique», le premier photon excite la molécule jusque dans un état virtuel de durée de vie d’environh i j k l s, le second photon doit donc arriver «sur» la molécule dans cet interval de temps, et exciter la molécule vers un état excité réel (c’est-à-dire correspondant à un niveau électronique de la molécule). Ensuite, la molécule se désexcite en émettant un photon de la même façon que dans le cas précédent car la transition électronique lors de la désexcitation a lieu entre des niveaux d’énergie identiques.

Ce processus de fluorescence en excitation à deux photons est illustré sur la figure I.3.4.

FIG. I.3.4: Diagramme de Jablonski illustrant le phénomène de fluorescence en excitation à deux photons.m n o : fréquence de la lumière d’excitation en excitation à un photon,m n p : fréquence de la lumière émise,q r : niveau électronique fondamental,q s : premier niveau électronique excité.

La probabilité d’excitation à deux photons est nettement plus faible que dans le cas préce-dent. En effet, la section efficace à deux photons peut s’écrire :t

g u t k t k v w , où v w est le temps

3Ce phénomène a été prédit théoriquement dès 1931 par Maria Göppert-Mayer [Göppert-Mayer, 1931] et fut démontré expérimentalement en 1961 [Kaiser and Garrett, 1961].

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de coïncidence des deux photons. L’ordre de grandeur de la section efficace à deux photons est d’environ x y z { | } ~  € . On utilise une unité plus pratique : le Göppert-Mayer (ou GM) égale à

x y z { | } ~  € . Cette fois, le nombre de photons absorbés par unité de temps n’est plus propor-tionnel à l’intensité de la lumière d’excitation, mais au carré de l’intensité :

‚ ƒ „… † ‡ ˆ ‰ Š‹ Œ €

Nous verrons plus loin les conséquences importantes de cette excitation non-linéaire et son utilisation en microscopie.

Comme dans le cas de l’excitation à un photon, la section efficace à deux photons dépend de la longueur d’onde de la lumière d’excitation. La figure I.3.5 montre le spectre à deux photons de différentes molécules fluorescentes usuelles.

FIG. I.3.5: Spectre d’excitation à deux photons de quelques fluorophores courants [Xu et al., 1996].

On remarque tout de suite que la gamme de longueurs d’onde excitant les fluorophores est dans le proche infrarouge et non dans le visible. En effet, les deux photons absorbés doivent avoir au moins une énergie moitié de celle de l’unique photon absorbé en excitation à un pho-ton, c’est-à-dire une longueur d’onde double d’après la relation Ž‘ ’ Ž‘ } “ ”’ est la fréquence, } , la célérité de la lumière dans le vide et ” , la longueur d’onde. Les fluorophores usuels émettant dans le visible (400-650 nm), il faut donc une source excitatrice dans le proche infra-rouge (700-1000 nm) pour que l’absorption de deux photons soit possible.

Cependant, il faut noter que le pic du spectre d’excitation à deux photon n’est pas systéma-tiquement situé au double de la longueur du pic d’excitation à un photon. Il est souvent décalé vers le bleu, c’est-à-dire les faibles longueurs d’onde. Cela peut s’expliquer en supposant que les molécules sont plus facilement excitées dans des états d’énergie plus grande en excitation à deux photons qu’en excitation à un photon. La figure I.3.6 montre les spectres d’excitation à un et deux photons de la fluorescéine, du DiI et de la rhodamine B.

Une conséquence de la forme des spectres d’excitation à deux photons est que l’on peut ex-citer plusieurs fluorophores avec une seule longueur d’onde et donc visualiser simultanément

FIG. I.3.6: Comparaison entre les spectres d’excitation en un (en pointillés) et deux photons de trois fluorophores

courants[Xu and Webb, 1996].

des marquages multiples (jusqu’à quatre [Xu et al., 1996]). Cette propriété de la fluorescence en excitation à deux photons permet des études nouvelles, par exemple le suivi simultané du mou-vement des différents partenaires moléculaires lors du déroulement d’un processus biologique donné. On peut ainsi envisager de nombreuses expériences biologiques inédites.

Les spectres d’émission sont par contre identiques dans les deux modes d’excitation. On peut le voir sur la figure I.3.7 où est représenté le spectre d’émission de la fluorescéine en ex-citation à un et deux photons [Xu and Webb, 1996]. On considère également que le rendement de fluorescence est identique à un et deux photons à cause du découplage entre l’excitation et l’émission du fait de la durée de vie relativement grande du niveau électronique à partir duquel se fait la désexcitation.

FIG. I.3.7: Comparaison entre les spectres d’émission en excitation à un (trait continu) et deux (pointillés) photons

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