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La fissuration par corrosion sous contrainte : généralités

Parmi les diverses manifestations de la corrosion, la corro- sion sous contrainte* (CSC) est certainement l’une des formes les plus redoutées, dans la mesure où elle se traduit par une fissuration dont la phase de propagation peut être relativement rapide et intervenir après une phase d’incubation plus ou moins longue et exempte de tout signe précurseur. De surcroît, elle se produit souvent dans des milieux peu agres- sifs. Elle est définie dans la norme ISO 8044 (avril 2000) comme une « fissuration due à une corrosion assistée par la contrainte ». Trois acteurs principaux sont donc en jeu : le matériau et le milieu (comme toujours, en corrosion) et la contrainte. C’est ce qui est illustré par le diagramme de Venn (fig. 37).

Aucun matériau ne peut être considéré comme sensible ou insensible à la CSC (même si, pendant longtemps, les métaux purs ont été considérés comme insensibles). Mais dans un milieu donné, les matériaux peuvent être plus ou moins sensibles. C’est, par exemple, ce qui a conduit à rem- placer l’alliage 600*, sensible à la CSC en milieu primaire REP, par l’alliage 690*, considéré comme pratiquement insensible en milieu primaire.

Aucun milieu ne peut être considéré comme promoteur intrin- sèque de CSC, même si les milieux chlorurés ou certaines espèces soufrées sont à l’origine de nombreux cas de fissu- ration. Dans les réacteurs, on veillera, par exemple, à limiter les teneurs en oxygène et en chlorure, afin de se situer en des- sous des concentrations qui peuvent conduire à une fissura- tion des aciers inoxydables.

La fissuration s’amorce lorsque la contrainte dépasse une valeur limite ou se propage sur une fissure déjà existante quand le facteur d’intensité de contrainte* dépasse un seuil critique (K1SCC). Les contraintes limites sont parfois très basses ; cependant, dans nos applications en réacteur, elles sont très souvent voisines de la limite d’élasticité des maté- riaux. Il convient, dans l’appréciation du niveau de contrainte, de ne pas oublier les contraintes résiduelles, ce qui justifie les traitements de détensionnement réalisés systématiquement. La fissuration se traduit par une rupture fragile des matériaux, sans grande déformation apparente. Les fissures peuvent être transgranulaires ou intergranulaires, comme illustré sur la figure 38, ou encore mixtes, en fonction principalement du matériau et de l’environnement, comme illustré sur la figure 39. La corrosion dans les réacteurs à eau : phénoménologie, mécanismes, remèdes

Corrosion sous contrainte

Matériau Contrainte

Milieu

Fig. 37. Diagramme de Venn illustrant les trois facteurs de la corrosion sous contrainte.

La corrosion sous contrainte a souvent été décrite comme une maladie de l’état passif, c’est-à-dire qu’elle affecte surtout des matériaux protégés par un film d’oxyde en surface (matériaux à l’état passif). Ainsi, dans de nombreux systèmes, la fissura- tion se produit dans des domaines de potentiels de corrosion très limités, comme illustré sur la figure 40.

Il s’agit :

• de potentiels très bas pour lesquels l’hydrogène produit par la réduction de l’eau est impliqué dans le mécanisme de fis- suration (fragilisation par l’hydrogène) ;

• de potentiels proches de la transition active-passive et qui correspondent à des valeurs de potentiels où le film passif est en construction, donc pas très stable ; c’est le cas de l’alliage 600* en conditions primaires REP où le seuil de sensibilité maximal se situe aux potentiels voisins de l’équilibre Ni / NiO ;

• de potentiels élevés, proches des potentiels de rupture du film passif ; c’est le cas des aciers inoxydables austénitiques en milieux chlorurés neutres.

En pratique, la phénoménologie des processus de CSC est complexe (fig. 41). Une fois que les conditions électrochimiques et mécaniques requises par le phénomène sont éta- blies, les fissures s’amorcent après une durée dite « d’incubation ». À souligner que l’alliage 600 en milieu primaire REP est connu pour pré- senter des temps d’incubation très importants qui peuvent atteindre plusieurs années. En pratique, la notion de temps d’amorçage apparent est souvent utilisée. Elle inclut l’incuba- tion proprement dite, l’amorçage, et une certaine propagation des fissures pour qu’elles deviennent détectables. La phase d’incubation est donc suivie par l’amorçage et la propagation des fissures. La propagation des fissures comprend habituel- lement deux stades : un premier stade de croissance à vitesse modérée suivi d’un stade de croissance rapide. Enfin, au-delà d’une certaine taille, les fissures peuvent se ramifier et d’autres se regrouper.

Cette complexité est également illustrée par l’effet de la tem- pérature : en général, les phénomènes de CSC sont accélé- rés thermiquement, et il existe souvent une température seuil en dessous de laquelle la fissuration ne se produit pas. Cependant, il arrive qu’un maximum de sensibilité* soit observé pour une température donnée. De nombreux modèles ont été propo- sés pour rendre compte de la rupture fragile de matériaux ductiles sous l’ef- fet d’une sollicitation mécanique et d’un environnement corrosif. La multiplicité des paramètres, leurs interactions et la nécessité d’une approche pluridiscipli- naire expliquent qu’aucun des modèles développés jusqu’ici n’a été capable de rendre compte de tous les aspects de cette fissuration. Néanmoins, ces der- nières années ont vu apparaître de nets progrès dans l’élaboration des

Joints de grains

Fissures intergranulaires

Alliage 600 Acier inoxydable (17 % Cr, 4% Ni) Fissures transgranulaires

Fig. 38. Représentation schématique des fissures intergranulaires et transgranulaires.

Fig. 39. Exemple de fissuration intergranulaire (Alliage 600, milieu primaire REP, 325 °C) et de fissuration transgranulaire (acier inoxydable austéno-ferritique, milieu pollué en chlorures).

Densité de courant cathodique anodique Densité de courant cathodique anodique

Fragilisation par l’hydrogène Corrosion sous contrainte

Potentiel

Ecor Ecor Potentiel

Fig. 40. Domaines préférentiels de fissuration : influence du potentiel de corrosion et de la passivité.

théories et la mise au point de méthodes pour les valider. Parmi les modèles proposés pour expliquer la fissuration de l’alliage 600, deux familles de modèles sont aujourd’hui privi- légiées : les modèles mettant en jeu des concentrations locales d’hydrogène et les modèles d’oxydation interne. L’alternative oxydation / hydrogène demeure largement au centre des débats.

Les moyens d’essais pour l’étude

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