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L’action de la radiolyse sur l’altération des bitumes

Le bitume est un continuum de composés organiques, de masse molaire variant entre 400 et 4 000 g / mol, majoritaire- ment insaturés et polycycliques. Cette composition organique confère au bitume la propriété d’émettre des gaz de radiolyse, très majoritairement de l’hydrogène, sous l’effet de l’auto-irra- diation. Ces gaz sont issus de la rupture des liaisons C-H dis- ponibles.

Selon l’activité incorporée, un fût produit, pendant les cent pre- mières années après la production, entre 1 et 10 L de gaz de radiolyse par an. Le terme source gaz devient inférieur au litre par an après un millier d’années, par suite de la décroissance d’activité. Sur un millier d’années, le volume cumulé est de l’ordre d’un mètre cube par fût.

Des bitumes qui gonflent

Les gaz produits dans tout le volume de l’enrobé se solubili- sent dans la matrice jusqu’à saturation (entre 1 et 5 % en

volume). Au-delà, la nucléation de poches de gaz est permise, et, par suite, la croissance des bulles peut conduire à un gon- flement de l’enrobé. Certains colis ont montré une vitesse de gonflement de l’ordre du centimètre par an.

L’évolution du gonflement peut, dans certains cas (exemple de colis fabriqués sans aucun vide apical), provoquer un débordement de l’enrobé hors de son conteneur, voire induire une mise en pression. Ce débordement ne remet pas fonda- mentalement en cause les propriétés confinantes du bitume mais peut nécessiter un reconditionnement, sous peine de provoquer une dégradation mécanique des conteneurs. La cinétique de gonflement suit une courbe en cloche, avec un maximum atteint en quelques dizaines d’années après pro- duction (fig. 145), résultant de la compétition entre l’accumu- lation de gaz produit par radiolyse, d’une part (terme source RN), et de leur évacuation par différents mécanismes de trans- port, d’autre part.

La migration ascensionnelle des bulles de gaz, de plus faible densité que l’enrobé, permet de limiter le gonflement. Elle est d’autant plus efficace que les bulles sont volumineuses et que la viscosité de l’enrobé est faible. La diffusion / perméation, quant à elle, contribue à l’évacuation d’environ 1 L /an de gaz. Ces différents mécanismes ont été mis en évidence expéri- mentalement sur enrobés inactifs de synthèse, pour lesquels l’auto-irradiation a notamment été simulée par irradiation externe, et sur des enrobés actifs pour validation. Une expé- rimentation directe consiste, pour une irradiation contrôlée, à corréler la production des gaz (par prélèvements et dosages) au gonflement (radiographie X). La solubilité les gaz dans l’en- robé, la tension superficielle du bitume, la viscosité et les coef-

ficients de diffusion des gaz (de l’ordre de 10-11m2/s) sont éga-

Fig. 144. Observation au microscope électronique à balayage « environnemental » d’un enrobé bitume de synthèse, représentatif des enrobés industriels. Le bitume constitue le fond gris foncé. Les sels majoritaires sont aisés à reconnaître : le nitrate de sodium correspond aux cristaux gris clair de quelques dizaines

de micromètres, alors que le sulfate de baryum est présent sous forme de petits points blancs, d’une taille inférieure au µm.

Fig. 145. Variation avec la température de la cinétique de gonflement d’un enrobé bitume de référence. La température influe sur la viscosité de l’enrobé et impacte donc la capacité d’évacuer les gaz de radiolyse par migration ascensionnelle des bulles créées.

0 % 20 % 40 % 60 % 80 % 100 % 0 20 40 60 80 100 22 °C 24 °C 26 °C Temps (années) Gonflement Venrobé(t) / Venrobé(O)

lement déterminés expérimentalement. L’ensemble des phé- noménologies et des données expérimentales sont mises en œuvre dans un code numérique, JACOB2, qui permet de déterminer l’évolution du gonflement dans le temps (fig. 145). L’utilisation du code JACOB2 permet, par exemple, d’optimiser les paramètres de fabrication des colis bitume pour contrôler le gonflement (remplissage partiel des fûts, limites d’activité incorporable, piégeage chimique des gaz de radiolyse dans les premières années de vie du colis, etc.).

Ainsi, par exemple, l’ajout d’un dopant, à base de sulfure de cobalt, a pour fonction d’oxyder in situ l’hydrogène produit et d’inhiber pendant un temps donné son accumulation dans

l’enrobé [6]. Aucun gonflement n’est alors attendu sur la

période effective de piégeage, et nous profitons de la décrois- sance du terme source hydrogène pour diminuer l’amplitude du gonflement.

Le rôle de la lixiviation*dans l’altération

des bitumes

[7,8]

Bien que le bitume pur soit très peu perméable à l’eau et aux espèces dissoutes, la présence initiale de sels favorise la reprise d’eau par diffusion et osmose. Au contact de l’eau à l’intérieur de l’enrobé, les sels les plus solubles passent loca- lement en solution. La formation de poches de solutions salines entraîne le développement de la porosité, qui facilite la diffusion des espèces dissoutes vers le lixiviat extérieur. Les cinétiques de reprise d’eau et de relâchement des sels les plus solubles suivent des lois en racine carrée du temps, caractéristiques d’un mécanisme de diffusion. Ces cinétiques sont principalement contrôlées par les teneurs et solubilités des différentes espèces salines enrobées, d’une part, et, par l’activité de la solution lixiviante, d’autre part (fig. 146). En effet,

l’augmentation de l’activité de la solution lixiviante, qui est contrôlée principalement par la concentration en nitrate de sodium, produit une augmentation de la cinétique de la reprise d’eau et du relâchement des sels solubles.

À noter que, pour un temps d’altération donné, la reprise d’eau est environ 100 fois plus rapide que le relâchement des sels les plus solubles, ce qui est à relier aux valeurs des coeffi- cients de diffusion effectifs déterminés expérimentalement par

ailleurs, et qui sont de l’ordre de 10-13m2/s pour l’eau et, en

moyenne, de l’ordre de 10-15m2/s pour des sels solubilisés

dans l’eau. Cette différence a pour conséquence le gonflement de l’enrobé, lié à la maturation de la zone poreuse et à l’avan- cée du front de lixiviation (fig. 147). Ainsi la profondeur du front de dissolution des sels solubles (qui matérialise, par consé- quent, l’épaisseur de matière réellement dégradée) progresse dans l’enrobé en suivant une loi proportionnelle à la racine

carrée du temps (de l’ordre de quelques mm/an1/2).

L’ensemble des données expérimentales obtenues pour des conditions aux limites très variées (lixiviation sous eau liquide renouvelée ou stagnante, eau pure ou représentative d’un milieu argileux ou cimentaire, altération par l’humidité de l’air) a été intégré dans le code opérationnel COLONBO, qui déter- mine, par un couplage chimie-transport, et ce, de manière majorante, les transferts de matière entre un enrobé en cours de lixiviation, son colis de stockage et la barrière ouvragée. Nous noterons, enfin, que ces études sont effectuées en pre- nant comme référence le relâchement de sels traceurs, de grande solubilité, comme le nitrate de sodium. Des essais sur enrobés actifs ont confirmé le caractère majorant de cette approche, puisqu’il a été montré que les vitesses de relâche- ment des radionucléides sont inférieures de deux à quatre ordres de grandeur à celles des sels traceurs.

Fig. 146. Cinétiques expérimentales de reprise d’eau

et de relâchement des sels, lors de la lixiviation d’un enrobé bitume, en fonction de la racine carrée du temps et pour trois conditions d’activité du lixiviat périodiquement renouvelé.

y = 4,6x y = 2,0x y = 1,6x 0 20 40 60 80 100 120 140 0 5 10 15 20 25 30 a0 = 0,9 a0 = 0,95 a0 = 1 y = 0,053x y = 0,024x y = 0,024x 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 0 5 10 15 20 25 30 a0 = 0,9 a0 = 0,95 a0 = 1 Temps (jours1/2) Temps (jours1/2) Reprise d’eau (mg/cm 2) NaNO 3 relâc hé (mg/cm 2)

Des prédictions opérationnelles robustes

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