BANCAIRES MUSULMANES
Section 1- La diversité des doctrines
Lʼanalyse des divergences doctrinales que nous avons déjà envisagée sous un angle historique sera ici développée et actualisée (§1). Nous verrons quʼà côté de lʼhéritage idéologique en matière de droit musulman, le contexte politique et culturel, dans lequel émergent les institutions financières islamiques, définit largement le modèle bancaire islamique quʼelles proposent (§2).
Ces développements viendront compléter notre thèse affirmant la difficulté quʼil y a dʼenvisager le droit bancaire islamique sous un angle unitaire.
§1- Les différents madhaïb
Nous avons déjà eu lʼopportunité dʼenvisager la variété des écoles juridiques dans le droit musulman classique. Nous accentuerons donc ici notre analyse sur le fait que leurs divergences traditionnelles (A) peuvent aujourdʼhui être relativisées (B).
A- Les divergences
En commençant par montrer les causes des divergences entre les écoles juridiques musulmanes (1), il nous sera plus aisé dʼen déduire les conséquences sur lʼélaboration du droit bancaire islamique contemporain (2).
1- Causes
Dans les premières années de lʼIslam, « lʼapprobation conjointe des califes bien guidés et des compagnons a contribué à lʼunité de la norme »529. Ce sont les conquêtes, lʼéloignement spatial et temporel aux sources, qui seront la cause de lʼémergence des écoles juridiques, nous lʼavons vu. Ces écoles se développèrent donc à lʼorigine sur des particularismes locaux530 (Médine et Koufa ou Basra par exemple) et furent étendues à lʼensemble des musulmans par la reconnaissance de leur infaillibilité au moment de la fermeture des portes de lʼijtihad. Lʼaffirmation de lʼégale orthodoxie des écoles a permis leur maintien tout au long de lʼhistoire musulmane, lʼaffiliation des peuples aux écoles majoritaires de leur région dʼorigine se perpétuant jusquʼà aujourdʼhui.
Ainsi, lʼAsie du Sud-Est, convertie à lʼIslam par le biais de savants de lʼécole
shafiʼitecontinue de suivre ce rite. La perception de la niya dans cette école et les
529 PHILIPS Bilal, Op. cit., p. 60.
530 Les écoles juridiques musulmanes sont tributaires de leur enracinement local. Sur ce point cf. URVOY Dominique, Averroès, Les ambitions dʼun intellectuel musulman, Paris, Flammarion, 1998, p. 113.
évolutions permises par lʼagrégation des coutumes locales en droit musulman531, ont conduit à ce que le controversé contrat de bayʼ al ʻinah soit accepté là-bas bien que son usage demeure interdit dans les autres régions musulmanes. De même,
le Maghreb est demeuré malikite depuis les premiers temps des conquêtes, de
Kairouan en Tunisie ou de Fès au Maroc et les anciens territoires Ottomans ont dans leur grande majorité continué de suivre le rite hanafite qui fut lʼécole référence de lʼEmpire. Le cas de lʼArabie majoritairement hanbalite mérite toutefois dʼêtre mis à part. Le développement du wahabisme ayant largement contribué à faire disparaître le rattachement aux autres écoles532 autrefois présentes côte à côte dans le berceau de lʼIslam.
2- Conséquences
« Les différences entre les écoles sont simplement les conséquences de lʼexercice légitime de lʼijtihad en lʼabsence de référence explicite provenant de lʼinspiration divine […] les divergences peuvent toutes sʼexpliquer par la relative sévérité ou lʼindulgence de lʼinterprétation »533. Ces divergences constituent, prises dans leur ensemble, un corpus de règles cohérentes si bien quʼen utilisant les règles dʼune école pour les transplanter dans le corpus dʼune autre école on en obscurcit la cohérence. Cʼest dʼailleurs en ce sens que lʼimam Malik refusa que sa
Muwattah soit appliquée à tous les musulmans534.
Si la situation mérite dʼêtre envisagée à nouveau aujourdʼhui, cʼest parce que le passage du temps a entraîné la pénétration croisée de sources de droit étrangères535 ayant différemment influencées les structures politiques et sociales traditionnelles. Les pays dans lesquels lʼapport occidental a été le plus fort ont au fil du temps amalgamé certaines de ses règles ou de ses institutions536, alors que dʼautres, construits en réaction à la perception dʼune perte des valeurs islamiques
531 Cf. MILLIOT Louis, BLANC François-Paul, Op. cit., p.153.
532 Lʼécole shafiʼite était majoritaire à La Mecque, mais tous les rites y étaient représentés, lʼécole
malikite, nous lʼavons vu étant originaire de Médine, la ville dʼaccueil du Prophète après lʼHégire. 533 Shaʼrani dans le Mizan al kubra cité par COULSON Noël J., Op. cit., p. 99
534 Il nʼy a pas dʼanachronisme dans cette affirmation, car, dans lʼoptique de Malik, et dʼailleurs du droit musulman classique en général, les particularismes locaux qui sʼexprimaient déjà à son époque quoi que dans une forme moins structurée, participaient de la force de lʼensemble, ou, comme lʼaffirma le Prophète Muhammad, « la différence dʼopinion (ikhtilaf) au sein de mon peuple est une miséricorde ».
535Common law et Civiliste essentiellement.
ont moins subi les influences étrangères dans leur droit interne537. Ainsi, la construction dʼun droit bancaire par la relecture des sources anciennes, doit, pour être légitimement reconnue, emprunter des voies propres à chaque pays, en tenant compte du poids de lʼhistoire.
B- Relativité des divergences
Si depuis toujours les divergences entre écoles ont pu être relativisées, notamment en raison du rôle des juridictions (1), il apparaît aujourdʼhui que la doctrine majoritaire du droit bancaire islamique utilise opportunément les divergences classiques, pour permettre la légitimation de nouveaux instruments juridiques. Cʼest cette véritable interconnexion des madhaïb dans la doctrine contemporaine que nous nous proposons dʼanalyser (2).
1- Rôle des juridictions : fonction traditionnelle du qadi
Traditionnellement, le qadi est le détenteur du pouvoir judiciaire. En tant quʼémanation du khalife, il assure également une fonction religieuse, dire le droit en application des textes sacrés538.
Dans les régions où cohabitaient plusieurs madhaïb plusieurs qudat étaient nommés, un par madhab539. Avec lʼaffirmation du pouvoir central dans lʼempire musulman, le rite de rattachement du gouvernant pouvait prendre le pas sur les autres540 et, si théoriquement tout musulman pouvait demander à être jugé par les lois de son école, en pratique ce droit était surtout appliqué pour les contentieux portant sur les pratiques cultuelles ou le statut personnel. De plus, nous lʼavons vu, le qadi sʼattachait principalement à la forme pour juger de la validité des actes juridiques qui lui étaient soumis541. Ainsi, les hiyal, structurés pour éviter le riba
537 En Arabie Saoudite, les banques occidentales ne proposaient jusquʼà récemment des services quʼaux entreprises, les conflits de loi avec la Shariʼa faisant lʼobjet dʼun traitement particulier sur lequel nous reviendrons.
538 Sur lʼinstitution classique du qadi cf. MILLIOT Louis, BLANC François-Paul, Op. cit., p. 539 et ss.
539Ibid., p. 541.
540 COULSON Noël J., Op. cit., p. 176.
nʼétaient frappés de nullité quʼà raison de la nullité des différents actes qui les composaient542.
Cʼest ainsi que la pratique commerciale sʼémancipa peu à peu du droit théorique, son traitement devant les juridictions contribuant à en unifier les règles543.
2- Interconnexion des madhaïb
Historiquement, lʼemprunt de solutions juridiques entre les écoles a, depuis le début du taqlid, souvent été utilisé pour résoudre des problèmes que lʼécole dʼadoption nʼavait pas directement envisagés. La légitimation par lʼopinion dʼautres écoles, dont on a vu lʼinfaillibilité principielle, faisait lʼobjet dʼune réappropriation à lʼaune des propres sources et méthodes du madhab dʼadoption. Cette grande tolérance544 quʼavaient les écoles les unes envers les autres a souvent contribué à ce quʼune solution agréée par lʼune le soit également par les autres545.
La doctrine du takhayyur, dont nous avons déjà dévoilé les principes, contribua grandement au rapprochement des doctrines. Il était dʼailleurs permis de changer de rite en fonction des situations, mais à lʼexpresse condition que cela ne soit pas en vue de contourner lʼapplication de règles issues des sources principales546. Les emprunts se faisaient prioritairement au sein même dʼun rite, lʼintervention dʼune autre école ne sʼeffectuant ainsi quʼà titre subsidiaire. La division de lʼenseignement reprenait traditionnellement la même structure, selon les rites dʼappartenance547.
De cette évolution historique résultèrent les législations modernistes du Proche-Orient, qui utilisent la combinaison de thèses de plusieurs écoles reconnues, et même de nʼimporte quelle opinion exprimée à un moment quelconque du passé. Comme lʼa dit lʼéminent orientaliste Joseph Schacht, « plutôt que de changer directement les règles du droit islamique traditionnel et
542 BENMANSOUR Hacène, Op. cit., p. 74.
543 Particulièrement à partir de lʼadoption de la Majallah, entre 1867 et 1877, codification inspirée majoritairement par le rite hanafite, qui devint le droit commun de lʼempire Ottoman.
544 Ou cette indulgence dans lʼinterprétation que relevait Shaʼrani.
545 LINANT DE BELLEFONDS Y., « Immutabilité du droit musulman et réformes législatives en Egypte », Revue internationale de droit comparé, Paris, 1956, p. 16 et ss.
546 Comme par exemple dans le cas dʼun mariage entre deux personnes issues de madhaïb
différents.
sʼopposer à la population qui y est traditionnellement attachée, les juristes et
législateurs modernes en modifièrent le contenu par lʼimportation dʼidées
occidentales »548. Ces dernières furent ainsi légitimées par lʼutilisation conjointe de
solutions classiques, permettant dʼaboutir aux résultats souhaités. Le
développement dʼun droit bancaire islamique sʼinscrit en grande partie dans cette
évolution méthodologique, mais lʼon craint parfois, en analysant les processus de
légitimation que le takhayyur ne soit entendu comme la possibilité dʼun
syncrétisme549 entre écoles, dénaturant le fond de la pensée musulmane. Ce qui
différencie en effet le développement du droit bancaire islamique des travaux de
codification modernes, mais inspirés de la Shariʼa, entrepris depuis le XIXe siècle,
cʼest que, dans le cas dʼespèce, la création du droit est envisagée comme la
légitimation, non pas de situations ignorées par le droit classique, mais
littéralement prohibées. Si bien quʼà ce stade de notre argumentation, il ne soit
pas aisé de dire si le droit bancaire islamique constitue une évolution du droit
musulman ou au contraire une coquille vide. La disparition de la notion dʼécole
juridique, quʼelle soit tacite ou affirmée par les tenants dʼune unité principielle
idéalisée de la Shariʼa, sur lesquels nous aurons lʼoccasion de revenir, viendra
renforcer cette dernière idée. A ce propos, lʼinterprétation de la Shariʼa donnée par
la commission sur la finance islamique diligentée par le gouvernement français (et dans laquelle les autorités religieuses sont représentées par la tendance que nous qualifions de libérale, au sens économique du terme, de la finance islamique) est
révélatrice de la manière spécifiquement utilitariste dʼenvisager le droit bancaire
islamique : « la Chariʼa admet que la détermination de la règle applicable se fasse
aux termes dʼune approche casuistique et syncrétique qui permet aux parties et à
leurs juges de choisir celle de la jurisprudence de lʼune ou de lʼautre des écoles de
jurisprudence islamique qui légitimerait leur contrat, au besoin en recourant au
dépeçage des diverses obligations du contrat »550.
§2- Conséquences sur la diversité des modèles de banques islamiques
Dans ce paragraphe, nous montrerons que la diversité des écoles
juridiques joue un rôle central dans lʼélaboration des normes (A) mais que dans
548 SCHACHT Joseph, Op. cit., p. 91.
549 Sur cette distinction Ibid., p. 167.
550 AFFAKI G., FADLALLAH I., HASCHER D., PEZARD A., Rapport du Groupe de travail sur le droit applicable et le règlement des différends dans les financements islamiques, F-X Train, 21 septembre 2009, p. 21.
cette perpective, la fonction politique de la banque islamique ne doit pas être occultée (B).
A- Dans lʼélaboration des normes
Nous constaterons dans les développements à suivre que lʼélaboration des normes bancaires islamiques procède de ce que nous qualifions de « compétition » des madhaïb (1). Nous constaterons, que plus largement, le droit musulman contemporain semble sʼémanciper de la distinction traditionnelle entre les écoles juridiques (2).
1- La mise en compétition des madhaïb
Pour permettre la création dʼun corpus bancaire islamique, la tendance majoritaire procède à des emprunts opportunistes entre les différentes opinions classiques (a). Ces emprunts caractérisant à nos yeux la volonté de proposer des produits islamiques aussi efficients économiquement que leurs équivalents conventionnels (b).
a- Les emprunts opportunistes
Lʼobjectif premier du droit bancaire est dʼasseoir sa crédibilité religieuse. Dans lʼanalyse de la création de ce droit nous avons constaté que pour légitimer les contrats que proposent les banques à leur clientèle, les juristes cherchent les réponses classiques à des problèmes modernes. Cʼest en effet en référence aux pratiques traditionnelles que les contrats modernisés sont légitimés, la mourabaha
par exemple nʼayant pu devenir un instrument financier à part entière quʼen raison du rapprochement des opinions de lʼimam Al Shafiʼi et dʼun avis minoritaire du courant malikite551.
Dans notre analyse des emprunts que nous qualifions dʼopportunistes552
nous identifions deux voies, qui se complètent plus quʼelles ne sʼopposent.
551 Cf. supra p. 78.
552 Au sens propre de conduite qui consiste à tirer le meilleur parti des circonstances, parfois en le faisant à l'encontre des principes moraux.
La première sʼattache plutôt à la conformité au droit musulman traditionnel et vise à légitimer « islamiquement » des utilisations inconnues de notion classique du droit musulman, mais pratiquées au quotidien. Par exemple pour
lʼutilisation de la mourabaha comme technique de financement, décrite ci-dessus.
Nous qualifions cette méthode dʼislamisation du domaine bancaire.
La seconde est axée sur le développement des notions classiques dans le
sens de lʼefficacité économique et cherche dans les différents courants doctrinaux,
les moyens légaux lui permettant de contourner des normes trop rigoureuses.
Cʼest lʻexemple de lʼutilisation des contrats classiques rénovés (ijara, salam par
exemple) dans le but de contourner les interdictions principielles de la philosophie
que sʼest assignée la banque islamique. Cette financiarisation du droit musulman,
comme nous la qualifions, découle selon nous dʼune mauvaise analyse de la
notion de niya en droit classique. Prenant pour base la validité formelle de ces
méthodes, nombre de juristes ont légitimé des produits contournant implicitement
les prohibitions du riba ou du gharar. Ces produits ont ensuite été proposés à la
clientèle dans un argumentaire commercial axé sur leur conformité à la Shariʼa.
Or, dans son sens originel, la Shariʼa nʼest pas formaliste et est de plus avant tout
fondée sur la soumission à la volonté divine ; le musulman est ʻabd, serviteur, de
Dieu. La validité des hiyal découle ainsi dʼune part de la volonté de préserver
lʼéquité dans les échanges contractuels553, dʼautre part de lʼaffirmation
non-équivoque de la sanction divine à lʼencontre de celui qui sʼy engagerait, avec une
intention blâmable. Donc, beaucoup de produits bancaires islamiques sont légitimes dans la forme, mais illégitimes dans le fond. La clientèle bien sûr ne poussant pas le raisonnement au-delà de la promesse de conformité qui lui est soumise, est rassurée sur son traitement au regard de la justice divine, nous y reviendrons.
b- Efficience économique et finance islamique
Le second objectif de la banque islamique est la crédibilité économique554.
Ainsi, la légitimation progressive des contrats va dans le sens dʼune reproduction
des pratiques conventionnelles, dont lʼefficacité a fait ses preuves, et qui sont de
plus globalement utilisées.
553 Ainsi, il apparaîtrait inique dʼannuler un contrat de vente de charbon si le vendeur nʼest pas impliqué dans la volonté de lʼacheteur de revendre immédiatement le charbon dont il nʼa cure, à un autre acheteur, et créer ainsi un prêt dʼargent non affecté classique, le tawarruq.
554 Sur la volonté du système bancaire islamique de rejoindre lʼefficacité économique des banques conventionnelles cf. BADER Mohammed, SAMSHER Mohammed, ARIFF Mohammed, « Cost, revenue and profit efficiency of Islamic versus conventional banks », Islamic economic studies, Janvier 2008, volume 15, N°2, 54 p.
De fait, depuis lʼinstitution des banques islamiques sur un modèle participatif (mousharakah et moudharabah), le paiement à crédit indexé sur le coût de lʼargent a été légitimé (mourabaha). Ensuite, des techniques permettant les prêts non affectés ont été admises (tawarruq ou ʻinah). Enfin, on a validé des instruments permettant de reproduire tout type de produits financiers complexes. Les produits les plus conformes à la pratique conventionnelle rencontrent le plus grand succès commercial. La mourabaha a ainsi permis le développement du modèle bancaire islamique, au détriment de lʼutilisation de la mousharakah et elle est aujourdʼhui dépassée, dans les pays qui le proposent, par le tawarruq.
Construits à lʼorigine sur la seule exigence de lʼefficacité économique et nʼétant pas limités par le poids de lʼéthique musulmane, il est normal que les produits conventionnels, islamisés, soient ceux qui rencontrent la plus grande réussite. La clientèle cherchant avant tout une légitimité religieuse, ou tout au moins la tranquillité dʼesprit quʼelle implique, il est normal quʼelle favorise parmi ceux-ci, les contrats lui offrant la plus grande facilité dʼutilisation. La Loi de Pareto555 est ici vérifiée. Lʼutilisation des opinions émanant de différentes écoles importe finalement peu à ce stade, lʼessentiel étant la confiance envers le légitimateur ultime qui appose son sceau sur les argumentaires commerciaux des banques. Nous y reviendrons.
2- La disparition induite des écoles juridiques
Si jusquʼà aujourdʼhui, lʼappartenance aux écoles juridiques classiques sʼest perpétuée dans les foules musulmanes, cʼest principalement en raison de lʼadhésion coutumière à la définition des pratiques rituelles quʼelles proposent556.
Le shafiʼite ne se souciant que rarement de la position de son madhab dans les
muʼamalat ne manquera pas de se conformer à cette école dans
lʼaccomplissement de la prière ou du pèlerinage. La conversion des populations au fondamentalisme, salafiste ou wahabite remet en cause cet état de fait et, plus globalement, la hiérarchie classique des autorités religieuses. Les développements subséquents distinguerons la situation des écoles juridiques en Orient (a) et en Occident (b).
555 La loi de Pareto est une loi empirique proposée à partir des observations de lʼéconomiste italien Vilfredo Pareto, elle dispose que 80 % des effets sont produits par 20% des causes. Cette observation a été étendue à différentes matières telles que le marketing ou la gestion. En lʼespèce, lʼon constate effectivement que les produits fondés sur la vente représentent 80 % des produits bancaires islamiques. Cf. graphique supra p. 116.
a- En Orient
Dʼune manière générale, le droit musulman sʼabsout de la nécessité du
rattachement à une école juridique en vigueur depuis la fermeture des portes de
lʼijtihad. Si lʼenseignement des différents madhaïb demeure, la formation
traditionnelle est de moins en moins suivie. Les difficultés économiques remettent en cause le statut du clerc dans de nombreux pays musulmans où la jeunesse se
tourne vers la formation moderne issue des influences occidentales557 et par
laquelle elle aspire à accéder à une meilleure situation sociale. Dans la banque islamique, la référence aux écoles est globalement peu présente en dehors des processus de légitimation. Ainsi, au Maroc par exemple, on se référera en amont,
dans le conseil supérieur des ʻulama marocains, à lʼenseignement malikite. Mais,
en pratique, les contrats seront élaborés en application des directives standards
émanant des organismes internationaux558 créés à cet effet. Seules quelques
différences subsisteront pour, à lʼexemple de ce que déclarait lʼimam Malik que
nous avons cité plus haut, ne pas froisser les croyances populaires solidement ancrées.
b- En Occident
Si lʼinfluence du salafisme se fait sentir en Europe, le rejet de lʼinstitution
bancaire par cette population, doublé dʼune mauvaise image médiatique, conduit
naturellement à ce quʼelle soit exclue du ciblage marketing des banques
souhaitant développer la commercialisation des produits bancaires islamiques. Par ailleurs, les populations musulmanes en Occident sont majoritairement issues des anciens territoires coloniaux, les écoles juridiques classiques sont donc
représentées de manière assez homogène. En France559, cʼest le rite malikite qui
est majoritaire, comme il lʼest en Algérie, en Tunisie, et au Maroc. Au
Royaume-Uni, cʼest le hanafisme qui est majoritairement présent en raison de la présence