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Introduction

1- L’organisation intergouvernementale (O.I.G.) comme décideur intergouvernemental

1.1- Les organisations intergouvernementales, aspects généraux 1.1.1. Organisation Internationale et O.I.G.

1.1.2. Typologie des organisations internationales 1.1.3- Structure des organisations internationales 1.1.4- Des décisions sans influence ?

1.2- Les O.I.G. et la décision intergouvernementale

1.2.1- Les procédures de décision et le poids des inégalités entre Etats 1.2.2- L’évolution vers la décision par consensus

1.2.3- La prise de décision : reflet des rapports de force entre Etats ou autonomie des acteurs 1.3- Des décisions sous influence : les acteurs non étatiques

1.3.1- Le rôle du secrétariat

1.3.2- Les relations entre O.N.G., O.I.G. et Etats

1.3.3 - Comment les O.N.G. influencent les décisions des O.I.G. 1.3.4- Les experts et les « communautés épistémiques » 2- L’O.I.G., un lieu de négociations multilatérales

2.1- Quelques caractéristiques de la négociation

2.1.1- La présence d’éléments de conflit et d’éléments de coopération 2.1.2- La mise en jeu d’un pouvoir de négociation

2.1.3- L’interaction de personnes physiques 2.1.4- Le négociateur et ses mandants

2.2- Les négociations multilatérales, des négociations « multi-tout » 2.3- La construction de coalitions dans les négociations multilatérales Conclusion

Introduction

Dans ce deuxième chapitre d’étude de la littérature, nous précisons ce qu’est une

organisation intergouvernementale (O.I.G.), en tant que lieu de décision collective (sous-

chapitre 1), ce qui nécessite de faire appel à des travaux de recherche en droit et en

sciences politiques. Puis nous ouvrons un peu plus la « boîte noire » des O.I.G. grâce aux

travaux sur les négociations internationales et multilatérales (sous-chapitre 2).

1- L’O.I.G. comme décideur intergouvernemental

Le droit et les sciences politiques sont les principales disciplines qui se préoccupent des

organisations intergouvernementales avec pour ce qui concerne la France un rôle

prépondérant des juristes (Smouts [1995 : 5]). C’est donc à ces deux champs de recherche

que nous faisons appel pour éclairer notre recherche1.

Dans ce premier sous-chapitre, nous nous intéressons aux organisations

intergouvernementales essentiellement comme lieu de décision collective d’un groupe

d’Etats, c’est à dire que dans « organisation intergouvernementale », nous privilégions le mot

« intergouvernementale ». C’est donc moins l’origine, la raison de la création des

organisations intergouvernementales, leur rôle, leur place dans les relations internationales,

leur fonctionnement bureaucratique qui nous intéressent, que la façon dont l’interaction des

Etats membres conduit à des décisions sous la forme de textes, conventions ou normes.

Après avoir rapidement défini les O.I.G. et explicité leur structure, nous nous focalisons donc

sur la prise de décision collective par les Etats, et voyons que dans les O.I.G. les Etats sont

entourés d’acteurs non-étatiques qui influent eux aussi sur les décisions.

1

Soulignons qu’il ne s’agit pour nous que de nous appuyer sur ce qui dans la littérature sur les O.I.G. concerne directement notre travail. Pour une critique des différentes théories des relations et des organisations

internationales, voir par exemple le numéro 138 (Novembre 1993) de la Revue internationale des sciences

1.1- Les organisations intergouvernementales, aspects généraux

1.1.1- O.I. et O.I.G.

Plutôt que le terme d’organisation intergouvernementale, les ouvrages de droit et de

sciences politiques utilisent le plus souvent le terme d’organisation internationale (O.I.) 2.

Cependant pour les juristes, une organisation internationale ne peut être qu’une organisation

intergouvernementale3, c’est à dire : « une association d’Etats, établie par accord entre ses

membres et dotée d’un appareil permanent d’organes[4], chargé de poursuivre la réalisation d’objectifs d’intérêt commun par une coopération entre eux. » (Virally [1980 : 52]).

L’organisation internationale est aussi caractérisée par son autonomie de décision, qui en

fait un acteur en tant que tel, capable de « prendre des décisions qui ne se confondent pas

avec la somme des décisions individuelles de ses membres. »5 (ibid., p. 54).

D’autres définitions rappellent qu’avec l’accord entre les Etats qui sert de constitution à

l’organisation et le secrétariat permanent, l’O.I.G. est aussi caractérisée par une conférence

des Etats - c'est-à-dire l’assemblée des Etats - où des représentants d’acteurs non étatiques

peuvent exercer leur influence (Reinalda et Verbeek [2004a : 12]).

Les organisations intergouvernementales doivent être « sépar[ées] soigneusement » (Virally

[1980 : 53]) des organisations non gouvernementales dont elles se distinguent par leur base

interétatique.

En science politique, des tentatives ont été faites pour voir les organisations internationales

plus largement comme des organisations à caractère non territorial, englobant « les forces

transnationales qui s’organisent par-delà les frontières étatiques et les gouvernements. » (Abi-Saab [1980 : 12]). Galtung définit les organisations internationales comme des « acteurs

2

L’ouvrage collectif dirigé par Reinalda et Verbeek et intitulé Decision Making Within International Organizations traite exclusivement des O.I.G. [2004 : 37].

3

terme auquel Virally préfère « interétatique » (Virally [1980 : 53]). 4

Par l’appareil d’organe permanent, l’organisation internationale se distingue par ailleurs de la conférence internationale, même si les deux ont néanmoins des points communs, par exemple pour ce qui concerne le processus de décision (Virally [1980 : 52-56]).

5

Ceci s’obtient « soit par les modalités de participation des Etats membres à la prise de décision (application du

système majoritaire, existence d’organes restreints auxquels ne participent pas tous les membres en même temps), soit par la constitution d’organes de décision indépendants, au moins relativement, des

non territoriaux», un « continent invisible », où l’appartenance est fondée non pas sur la localisation dans un espace géographique donné mais « sur le fait de se trouver dans une

sorte d’espace socio-fonctionnel, défini par la similitude et l’interaction » (Galtung [1980 : 68- 69]). Il distingue trois types d’organisations internationales, selon le degré de « non

territorialité »6 :

- les organisations intergouvernementales (OIG), dont les membres sont les

gouvernements nationaux ;

- les organisations inter non gouvernementales (OING), dont les membres sont des

associations ou des organisations nationales non gouvernementales. Une sous-

catégorie des OING est constituée des organisations inter non gouvernementales

commerciales (OINGC), c’est à dire des entreprises multi ou transnationales.

- les organisations transnationales non gouvernementales (OTRANG), dont les membres

sont directement des individus7. (Galtung [1980 : 68-77]).

Malgré ces velléités d’extension, la plupart des travaux portent8 sur les O.I.G. et notamment

sur celles du système des Nations Unies (Jönsson [1993 : 539], Thérien [1993 : 575-576]).

Par souci d’homogénéité avec le vocabulaire des champs de recherche auxquels nous

faisons appel, nous utiliserons les termes d’organisation internationale ou d’organisation

intergouvernementale pour les organisations d’Etats, et pour les organisations non étatiques,

nous n’utiliserons que le terme d’organisation non gouvernementale.

1.1.2- Typologie des organisations internationales

Les organisations internationales ont une double origine historique, d’une part les

conférences internationales et les traités multilatéraux ayant pour but d’aider au maintien de

la paix entre les Etats, d’autre part des accords de coopération technique notamment en

matière de communication (Abi-Saab [1980 : 10-11]). Le début du XIXième siècle a été

marqué par la signature de traités régissant la navigation commerciale et une cinquantaine

6

La non-territorialité est composée des « composantes territoriales » (le découpage territorial est visible/non visible dans l’organisation) et des « relations territoriales » (les rapports de force entre Etats ont une influence directe/ pas d’influence directe dans l’organisation) (Galtung [1980 : 73]).

7

d’organisations internationales techniques9 ont été créées dans la seconde moitié du XIXième

siècle et dans les premières années du XXième siècle (Gerbet [1980 : 37-38]). C’est

seulement après la première guerre mondiale que le Pacte de la Société des Nations,

adopté le 28 avril 1919, créa une organisation internationale traitant des relations politiques

entre Etats. L’organisation des Nations Unies fut créée après l’échec de la SDN et la

seconde guerre mondiale et entra en fonction en 1946, avec un champ d’activité plus global

que la SDN. Certaines des organisations techniques anciennes ont alors été transformées

en institutions spécialisées rattachées au système des Nations-Unies (Gerbet [1980 : 47-

48]). Ces institutions spécialisées ont une grande autonomie par rapport à l’O.N.U. (Weiss

[1998 : 50]).

Virally propose plusieurs façons de classer les organisations internationales10, que nous

résumons dans le tableau ci-après.

Organisations mondiales Ont vocation à accueillir tous les Etats pour traiter de problèmes à l’échelle de la planète

Organisations partielles Regroupent certains Etats, sur la base d’intérêts communs, distincts de ceux des autres Etats Organisations générales Large domaine de coopération

Forte sensibilité aux questions politiques

Organisations sectorielles Coopération limitée à un secteur d’activité ou un ensemble de secteurs d’activité délimité

Dominées par questions techniques

Organisations normatives Harmonisation et orientation des comportements et des actions des membres y compris la

réalisation d’objectifs communs par des opérations collectives

Organisations opérationnelles Actions opérationnelles sous la responsabilité de l’organisation qui gère les moyens nécessaires11 Tableau 2.1 : Typologies des organisations internationales (d’après Virally [1980 : 61-66]).

Merle [1988] distingue pour sa part les organisations qui sont des forums où sont négociés

des textes de conventions et de résolutions, et les organisations qui fournissent des

8

Implicitement ou explicitement. Voir par exemple la plupart des chapitres de Abi-Saab (dir.) [1980]. 9

Parmi les exemples cités par Gerbet [1980] : l’Union télégraphique internationale (1865), la Convention sanitaire internationale (1853), l’Office international pour l’agriculture (1905).

10

Virally fait une catégorie en soi – et non un sous-ensemble des organisations internationales - des

organisations qui ont une fonction d’intégration de certaines fonctions de l’Etat et donc un caractère supranational (Virally [1980 : 55-56]). De ce choix découle le critère de coopération dans la définition de Virally [1980 : 56], qui vise à marquer la différence avec les organisations à visée intégrative.

Ce n’est pas le choix fait par Merle [1988] qui inclue le Conseil de l’Europe et la Communauté Economique Européenne parmi les O.I.G., en relevant les particularités de leur organisation interne et la relative indépendance de la Commission par rapport aux Etats [1988 : 366]. Voir infra.

11

services12, mais tant Merle que Virally soulignent qu’en fait dans la pratique de nombreuses

organisations internationales ont des fonctions mixtes.

1.1.3- Structure des organisations internationales

Le plus souvent les organisations intergouvernementales13 sont composées d’un organe

intergouvernemental plénier, d’un secrétariat et d’un organe intergouvernemental restreint

(Virally [1980 : 60]) qui en général prépare les travaux de l’organe plénier. Le fonctionnement

est assuré par les contributions financières des Etats, peu d’organisations internationales

ayant des ressources propres (Weiss [1998 : 17-18]).

Merle distingue i/ les organisations qui n’ont qu’un organe plénier et un secrétariat, ii/ celles

qui, à côté d’un organe plénier où siègent tous les Etats membres, disposent d’un organe

restreint de membres élus, iii/ les organisations disposant d’un conseil des ministres et

d’une assemblée parlementaire, tous les Etats étant représentés dans les deux instances

(ex. le Conseil de l’Europe), iv/ les organisations ébauchant la séparation des pouvoirs (ex.

Communauté Economique Européenne) (Merle [1988 : 365-366]).

La représentation des Etats est assurée selon les cas par les chefs d’Etats ou de

gouvernement eux-mêmes, par des diplomates ou, surtout dans les institutions techniques,

par des spécialistes des sujets traités14 (Weiss [1998 : 19 et 55]).

1.1.4- Des décisions sans influence ?

Le plus souvent les décisions des organisations internationales ne sont pas opposables aux

Etats membres15 mais cela ne permet pas de conclure pour autant que les organisations

internationales n’ont pas d’influence (Merle [1988 : 370-375]). Merle distingue quatre aspects

des organisations intergouvernementales qui leur confèrent une capacité d’influence :

12

Merle cite la lutte contre les épidémies pour l’O.M.S., ou la fourniture d’informations pour l’Organisation météorologique mondiale.

13

Pour une description des structures du système des Nations Unies on peut lire Weiss [1998]. Pour un organigramme du système des Nations Unies : http://www.un.org/french/aboutun/frchart2002.pdf (consulté le 28/10/2005).

14

Par exemple les chefs des services météorologiques ou hydrologiques à l’Organisation Météorologique Mondiale (exemple cité par Weiss [1998 : 55]).

15

C’est le cas des résolutions ou des recommandations de l’Assemblée générale de l’O.N.U. par exemple. En revanche dans les organisations qui fournissent des services, les choix concernant les prestations et les bénéficiaires sont opposables aux tiers. (Merle [1988 : 370-375]). A cet égard, la procédure de règlement des différends de l’O.M.C. qui fait obligation aux Etats de se conformer aux décisions de l’organe de règlement des différends est très inhabituelle (Fidler [2002 : 25]).

- les organisations internationales sont un lieu de dialogue permanent. En cela elles

peuvent permettre de traiter des différends et empêcher qu’ils dégénèrent ;

- elles sont une instance de légitimation des Etats16. Elles donnent une valeur symbolique,

à défaut de valeur juridique, aux textes qu’elles adoptent ;

- elles sont une source d’information sur les situations et les comportements des Etats ;

- elles sont un « réducteur de tension » à l’échelle internationale par le fait que le principe

égalitaire « un Etat, une voix » réduit l’expression des inégalités existant entre les Etats.

(ibid., p. 375-383).

Toutefois les influences de différentes O.I.G. peuvent s’exercer dans des sens

contradictoires. Merle souligne ainsi les problèmes d’harmonisation des travaux des

différentes O.I.G., même à l’intérieur du système des Nations Unies, dus au fait que les

organisations internationales subissent les conséquences des contradictions internes aux

politiques des Etats17 (ibid., p. 363).

1.2- Les O.I.G. et la décision intergouvernementale

1.2.1- Les procédures de décision et le poids des inégalités entre Etats

Les membres des Nations Unies bénéficient du « principe de l’égalité souveraine » (Article 2

de la Charte des Nations Unies)18. Néanmoins même si de nombreuses organisations sont

régies par la règle « 1 Etat = 1 voix » et par le système majoritaire, d’autres cas de figure

existent. Les règles de décision peuvent prévoir l’unanimité et l’existence d’un droit de veto

(par exemple les droits de veto des membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU),

une majorité qualifiée (comme pour certaines décisions de l’Assemblée générale de l’ONU),

ou le consensus. Les droits de vote peuvent par ailleurs être pondérés, par exemple par le

poids économique des Etats comme c’est le cas au Fonds monétaire international et à la

Banque mondiale19. (Weiss [1998 : 20-23 et 61]).

16

L’admission d’un Etat comme membre des Nations Unies bien que n’imposant rien aux autres Etats membres donne une légitimité protectrice (Merle [1988 : 377]).

17

Qui s’ajoutent à la défense par les différentes organisations internationales de leurs prérogatives respectives (Merle [1988 : 363]).

18

cité par Roche [1999 : 89]. 19

Au delà des droits de vote statutaires, le principe d’égalité est mis à mal dans la pratique par

« l’inégalité flagrante de chances entre les Etats développés et les autres pour faire valoir

leurs positions respectives » (Bedjaoui [1980 : 251]). En effet, le grand nombre d’instances des organisations internationales (commissions, sous-commissions, groupes de travail...) et

le manque de ressources humaines et financières des pays en développement empêchent

ces derniers de participer pleinement aux travaux des organisations internationales (ibid., p.

250-251). Par ailleurs, les Etats industrialisés peuvent utiliser divers moyens de pression

pour s’assurer des voix favorables lors d’un vote (ibid., p. 240-245).

Les organisations intergouvernementales sont alors en tension permanente entre le principe

juridique égalitaire et la réalité des inégalités internationales20 (Merle [1988 : 379]).

1.2.2- L’évolution vers la décision par consensus

La méthode du consensus a commencé à se généraliser dans les organisations

internationales à partir des 6ième et 7ième sessions extraordinaires21 de l’Assemblée

générale des Nations Unies ; elle vise à « parvenir à l’élaboration d’un texte par voie de

négociation et à son adoption sans vote » (Bedjaoui [1980 : 258]).

Pour Bedjaoui, le passage à la méthode du consensus est dû à la constatation par les

grandes puissances que les Etats du tiers monde étaient devenus majoritaires22 dans les

organisations internationales et que cela sapait la suprématie dont elles avaient bénéficié

pendant longtemps. Il fallait donc trouver des moyens de « riposte », parmi lesquels Bedjaoui

relève les pressions exercées sur les Etats du tiers monde pour obtenir des votes favorables,

l’utilisation des divergences entre Etats du tiers monde, le transfert de décisions dans des

organes restreints etc., ainsi que l’abandon du vote majoritaire au profit d’autres modalités

parmi lesquelles le consensus était la plus acceptable (Bedjaoui [1980 : 233 et suiv.]). Ce

serait donc pour contrer la montée du tiers monde dans les O.I.G. depuis les années 1960-

20

Cette tension a amené en plusieurs occasions des Etats puissants, mécontents des orientations prises par certaines organisations intergouvernementales, à les quitter, les privant ainsi d’une partie de leurs ressources (Merle [1988 : 379]).

21

qui se sont tenues respectivement en 1974 et en 1975 (http://www.un.org/french/aboutun/agse.htm, consulté le 13/07/2004).

22

Cela étant, si les Etats du tiers monde détiennent la majorité des droits de vote, cela n’assure en rien qu’ils vont voter de la même façon (Bedjoui [1980]).

1970 que les Etats occidentaux auraient tenté de substituer le consensus au vote majoritaire

(ibid., p. 256).

En prolongeant le modèle de Bedjaoui, on déduit que les Etats occidentaux pensent avoir

une meilleure capacité d’influence dans un processus de décision par consensus que dans

un processus par vote majoritaire. On peut en effet imaginer que le manque de ressources

des Etats du tiers monde pour participer aux travaux des organisations internationales

(Bedjaoui [1980 : 250-251] peut être plus handicapant encore pour faire valoir une position

dans les discussions de construction d’un consensus que pour participer à un vote.

Le consensus n’est pas l’unanimité ; il peut y avoir consensus malgré des réserves, à

condition que celles-ci ne soient pas pour leurs auteurs des « objections formelles »23

(Bedjaoui [1980 : 288, note 57]). En revanche, si les Etats émettent des réserves qui leur

permettent de considérer qu’ils ne sont pas liés par un texte et qui remettent en cause

l’existence même du texte, les réserves équivalent alors à un droit de veto ; c’est pourquoi il

est parfois recouru au vote si le consensus n’a pas pu être atteint24 (ibid., p. 259-262).

Le consensus peut être atteint plus ou moins rapidement. La question se pose alors de qui

évalue si le consensus est atteint (c’est à dire que le nombre des opposants n’est pas assez

significatif pour que l’on en tienne compte), comment et à quel moment.

Certains textes peuvent être rédigés sans divergences d’opinion et d’autres nécessiter des

concessions pour réduire les divergences (Bedjaoui [1980 : 276]) ; par conséquent, si sur un

23

Le consensus est ainsi « une pratique en vertu de laquelle la minorité des délégations qui n’approuvent pas

entièrement un texte se contentent de formuler leurs réserves aux fins d’inscription au compte-rendu sans insister pour voter contre ; on n’entend pas nécessairement par consensus une règle d’unanimité requérant l’appui affirmatif de tous les participants, ce qui reviendrait à donner à chacun un droit de veto. La pratique du consensus est essentiellement une manière de procéder qui évite les objections formelles. » (Stavropoulos Constantin, Nouvelles de l’UNITAR, vol. 6, n°1, p.23, cité par Bedjaoui [1980 : 288, note 57]).

Zartman a une définition plus courte, pour lui le consensus est atteint quand « un nombre de parties significatif

mais non spécifié est en faveur et que les autres ne s’opposent pas » [1994a : 5]. En fait, « les parties qui s’opposent peuvent être laissées de côté tant que leur nombre n’est pas significatif »» (ibid., p.6).

24

plan juridique la valeur d’une résolution ne dépend pas des conditions du consensus ayant

conduit à son adoption, sur un plan politique il en est autrement25 (ibid., p. 276-277).

Un des inconvénients du consensus - qui « signifie avant tout compromis et concession de

part et d’autre » (Bedjaoui [1980 : 262]) - est qu’il produit des textes de compromis, parfois vidés de tout contenu ou contradictoires entre eux (ibid., p. 259-262), des textes empreints

d’une « ambiguïté créative » (Benedick [1992 : 59]).

1.2.3- La décision : reflet des rapports de force entre Etats ou autonomie

des acteurs

L’organisation internationale peut être vue comme une arène, dans laquelle les Etats

interagissent, ou comme un acteur autonome capable d’influencer le système international

(Abi-Saab [1980 : 17]). Cette question du statut d’acteur des O.I.G. fait l’objet de débats

entre différents courants de la recherche en sciences politiques (Smouts [1995 : 22-28])26.

Certains auteurs soulignent ainsi que, si juridiquement l’organisation internationale est une

entité distincte des Etats membres, politiquement elle n’est pas pour autant un acteur

autonome (Abi-Saad [1980 : 12]). Pour d’autres auteurs, certaines O.I. ont la capacité à

« écrire » leur propre agenda (Smouts [1995 : 53]) et, bien que dépendantes des Etats, elles

sont « les dépositaires de principes et de normes qui confèrent à leur secrétariat une

certaine autonomie d’action politique. » (Senarclens [1993 : 534]).

Pour Cox et Jacobson « [é]tudier la prise de décision revient [...] à étudier la dynamique des

rapports de force », en analysant comment la structure des rapports de force telle qu’évaluée initialement peut être maintenue ou modifiée pendant le processus de décision [1980 : 82].

25

Pour M’Bow : « la portée véritable du consensus varie selon les conditions dans lesquelles il est intervenu.

Toutes les nuances sont possibles, depuis l’adhésion sincère de tous les intéressés à un texte négocié, donnant satisfaction à toutes les parties, jusqu’à la lassitude ou l’indifférence de la minorité. Pour apprécier la valeur, la portée et la signification politique du consensus, il importe dans chaque cas d’examiner les circonstances qui l’ont