Alimentarius : les spécificités des aliments pour l’activité
réglementaire
Introduction
1- La réglementation comme obstacle ou aide aux échanges commerciaux 1.1- Les réglementations nationales : des obstacles au commerce 1.2- Contre les obstacles au commerce, l’harmonisation réglementaire 1.3- Les autres moyens de favoriser les échanges
2- La réglementation des aliments, une question de santé publique 2.1- Les aliments, des « produits à risques »
2.2- De l’évaluation des risques sanitaires à l’élaboration de la réglementation 2.2.1- Les difficultés de l’évaluation des risques
2.2.2- Les différences dans la gestion des risques
2.2.2- Les débats récents sur le « principe de précaution »
2.3- Réglementation sanitaire et commerce international, une relation parfois ambiguë 3- La réglementation des aliments, une question de culture
3.1- Les apports de l’anthropologie et de la sociologie de l’alimentation 3.2- "Different cultures, different laws", les liens entre culture et réglementation Conclusion
Introduction
Dans ce chapitre nous cherchons à donner des éclairages sur le terrain de notre recherche
en nous référant à différents domaines théoriques ainsi qu’à quelques publications
normatives des O.I.G. s’intéressant aux questions de commerce et de réglementation ou de
normalisation1 des aliments. Ces références permettent de comprendre les modes de
raisonnement des acteurs du domaine.
Les aliments peuvent être vus comme objets d’échanges commerciaux au même titre que
d’autres objets. Leur réglementation est alors étudiée pour ses impacts sur les échanges,
qu’elle peut favoriser ou au contraire auxquels elle peut s’opposer (sous-chapitre 1).
Cependant, les aliments posent des problèmes de sécurité sanitaire2, qui nécessitent de
protéger les consommateurs par des réglementations adéquates (sous-chapitre 2).
L’alimentation dans son ensemble est marquée par la culture comme le montrent les
approches anthropologiques et sociologiques (sous-chapitre 3), ce qui pousse certains
auteurs à suggérer la prise en compte des différences culturelles dans les travaux
internationaux.
Notons que nous laissons de côté la question spécifique des dénominations d’origine3. Celle-
ci n’apparaît pas dans les textes du Codex et, à l’O.M.C., met en jeu l’Accord sur les aspects
de la propriété intellectuelle liés au commerce (A.D.P.I.C.4). Les très difficiles discussions en
cours sur l’opportunité d’établir une norme Codex pour le parmesan5 montrent néanmoins
1
Dans ce chapitre, par souci de simplicité, nous nous référons en premier lieu à la réglementation, mais norme et réglementation peuvent de façon identique être marquées par des préoccupations de protection de la santé publique ou culturelles.
2
Nous retenons le terme de sécurité sanitaire (ou innocuité) des aliments pour éviter toute confusion avec la question de la sous-alimentation pour laquelle le terme de sécurité alimentaire est parfois utilisé (voir par exemple O.M.C. /O.M.S. [2002]).
3
appellations d’origine protégée (A.O.P.), indications géographiques protégées (I.G.P.), appellations d’origine contrôlée (A.O.C.) etc.
De façon générale, le débat sur le statut juridique des dénominations d’origine porte i/ sur la légitimité de la notion même de dénomination d’origine par rapport à un objectif de libre-échange avec pour conséquence la nécessité de démontrer la « typicité » du produit et son intérêt pour le consommateur et ii/ sur la légalité vis à vis du droit de la concurrence des contrats passés entre producteurs pour l’exploitation collective d’une dénomination
(Valceschini et Mazé [2000]). Ces dénominations peuvent être vues comme améliorant le bien-être des consommateurs ou comme protégeant une rente de producteurs (ibid.).
4
Ou T.R.I.P.S. pour l’acronyme anglais. 5
La Communauté Européenne s’oppose à l’établissement d’une telle norme du fait que l’appellation
« Parmegiano Reggiano » est une Appellation d’Origine Protégée sur son territoire et que l’utilisation du nom Parmesan induirait le consommateur en erreur (Alinorm 04/27/11 – Rapport du 6ième C.C.M.M.P, para.113 et suiv. et Alinorm 05/28/41 – Rapport de la 28ième C.C.A., para. 167 et suiv.). En Europe, la dénomination parmesan doit depuis 1991 être réservée au « Parmegiano Reggiano »
que va devoir être éclairci le lien entre les aspects de protection de la propriété intellectuelle
et l’établissement de normes par le Codex.
1- La réglementation comme obstacle ou aide aux échanges
commerciaux
Avec la libéralisation du commerce et la réduction des barrières tarifaires, on assiste à une
augmentation de l’importance relative des barrières non tarifaires que les accords
commerciaux tentent de réduire elles aussi (Vogel [1995 : 1]). Alors que la politique
réglementaire était longtemps restée nationale, « [l]a libéralisation du commerce est [...] en
train de saper la souveraineté réglementaire nationale » et le nombre de conflits
commerciaux ayant pour base des questions réglementaires est croissant (ibid., p.1-3). Il est
donc important pour notre travail d’examiner le lien entre réglementation et commerce, en
précisant au passage ce que prévoit l’accord S.P.S.6 pour les produits alimentaires.
1.1- Les réglementations nationales : des obstacles au commerce
Alors que certaines barrières non tarifaires sont explicitement discriminantes et favorisent les
produits ou les produits d’origine nationale, les réglementations le font rarement (Vogel
[1995 : 14]). Cependant, même quand les textes qui s’appliquent aux entreprises étrangères
sont les mêmes que ceux qui s’appliquent à une entreprise nationale, la réglementation peut
se traduire par des coûts additionnels7 ou par un manque à gagner pour les entreprises
étrangères qui voudraient entrer sur le marché national (Sykes [1999]). Les réglementations
ont donc des conséquences commerciales et financières8.
(http://www.finances.gouv.fr/dgccrf/01_presentation/activites/labos/1999/parmesans.htm, consulté le 29
septembre 2005), une procédure serait toutefois en cours à la Cour de Justice Européenne.
On peut remarquer au passage qu’une norme Codex porte sur le camembert (norme de 1977, en cours de révision) mais qu’en France le nom Camembert est reconnu comme générique (voir http://www.inao.gouv.fr). En revanche, le « Camembert de Normandie » bénéficie d’une A.O.C. en France depuis 1983 et d’une A.O.P. dans l’U.E..
6
Nous nous centrons sur l’accord S.P.S. qui concerne spécifiquement l’alimentation alors que l’accord T.B.T. couvre tous types de produits. Voir aussi Chapitre 6, sous-chapitre 2.
7
Les entreprises étrangères sont souvent moins bien informées que les entreprises domestiques sur les changements réglementaires à venir ce qui les empêche de les anticiper. Elles doivent se livrer à plusieurs contrôles de conformité du fait des différentes réglementations auxquelles elles sont soumises et ces contrôles sont parfois redondants. Dans certains cas, elles sont obligées de s’implanter localement ce qui ne leur permet pas de tirer parti d’économies d’échelle. Elles subissent des coûts d’information (dus à la barrière de la langue, à la nécessité de connaître la réglementation et l’organisation administrative locales). Les réglementations peuvent aussi imposer l’utilisation de technologies, ou de matières premières qui favorisent les entreprises domestiques. (Sykes [1999]).
8
Pour Sykes, les différences entre réglementations nationales sont illégitimes quand elles
proviennent d’une réglementation dont l’objectif est protectionniste ; il faut alors en annuler
les effets (Sykes [1999]). Dans certains cas cependant, elles peuvent être considérées
comme légitimes : sont ainsi admises9 les différences dues à des variations dans les priorités
des consommateurs (liées à la hiérarchisation des types de risques par les consommateurs,
au niveau des revenus et à leur répartition dans la population) (ibid.).
Une des questions liées à l’hétérogénéité réglementaire est celle de la définition des
obstacles aux échanges (Vogel [1995 :14]). Certains auteurs proposent de prendre comme
critère le bien-être global10 qui permet d’inclure les effets non-marchands, une
réglementation étant une barrière non tarifaire quand elle entraîne une diminution du bien-
être global (Mahé [1997]11, cité par Bureau et al. [1998b : 447]). Cependant le calcul des
variations de bien-être peut s’avérer délicat (Bureau et al. [1999 : 52]). Dans la pratique, les
définitions des obstacles aux échanges diffèrent selon les accords commerciaux et les
époques (Vogel [1995 : 15]).
On voit donc qu’il n’est pas toujours facile d’établir le caractère d’obstacle au commerce
d’une réglementation nationale. Comme le fait remarquer Vogel à propos des
réglementations environnementale et consumériste, il n’est pas aisé de distinguer les
réglementations protectrices qui sont des barrières déguisées et celles qui ont les mêmes
effets mais sont nécessaires pour protéger l’environnement et les consommateurs12 (Vogel
[1995 : 15]). Evaluer l’intention qui a conduit à la réglementation est difficile (ibid., p. 16-18]).
Dans le cas des mesures sanitaires, la complexité technique rend difficile leur mise en cause
comme barrières (Powell [1997 : 1]) et le manque de transparence de leur mise en œuvre
les rendrait « particulièrement pernicieuses » (Schuh [2000 : 25]).
9
A condition que les coûts pour le commerce ne soient pas supérieurs aux bénéfices sociaux (Sykes [1999 : 52]). 10
Voir aussi la conclusion de ce chapitre. 11
Mahé L. (1997), « Environment and quality standards in the WTO : New protectionism in agricultural trade ? A European perspective”, European Review of Agricultural Economics, 24 (3/4) : 480-503.
12
Cette distinction entre protectionnisme et protection a été utilisée par Jacques Chirac, Président de la République, qui appelait les administrations et les industriels français à participer aux travaux du Codex « pour
défendre nos positions, positions qui ne sont dictées que par la prudence et le souci de préserver la santé de chacun. Nous ne sommes pas protectionnistes, nous sommes protecteurs de la santé. » (Actes du Symposium
1.2- Contre les obstacles au commerce, l’harmonisation réglementaire
L’harmonisation réglementaire, qui conduit à ce que les Etats suivent tous la même
réglementation, est un moyen radical de supprimer les obstacles au commerce et de
favoriser les échanges (Sykes [1999]). Elle n’est cependant pas un objectif facile à atteindre
car elle manque souvent de soutien politique interne dans les Etats (ibid.).
Dans le domaine alimentaire, l’accord S.P.S. a un objectif d’harmonisation des
réglementations sanitaires des aliments sur les normes du Codex Alimentarius. Son
préambule indique : « [...] Désireux de favoriser l’utilisation de mesures sanitaires et
phytosanitaires harmonisées entre les Membres, sur la base de normes, directives et recommandations internationales élaborées par les organisations internationales compétentes, dont la Commission du Codex Alimentarius [...] »13. L’article 3.1 prévoit
qu’«[a]fin d’harmoniser le plus largement possible les mesures sanitaires et phytosanitaires,
les Membres établiront leurs mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base de normes, directives ou recommandations internationales, dans les cas où il en existe, sauf disposition contraire du présent accord [...] » 14
Même si les Etats restent libres de fixer le niveau de protection qu’ils souhaitent pour leur
population, ils sont poussés à l’harmonisation puisque l’accord S.P.S. prévoit que les Etats
qui acceptent les normes du Codex Alimentarius sont considérés répondre à leurs
engagements au titre de l’accord S.P.S. et de l’accord du G.A.T.T. de 199415.
1.3- Les autres moyens de favoriser les échanges
Le choix n’est en fait pas binaire entre concurrence réglementaire - totalement non
coopérative et forcément source de conflit - et harmonisation réglementaire ; différents
degrés de coopération entre pouvoirs réglementaires de juridictions distinctes sont possibles
(Sykes [2000]). Si l’on cherche à favoriser le commerce international tout en admettant que
l’hétérogénéité réglementaire peut être souhaitable pour respecter des préférences
Scientifique International sur la Sécurité des Aliments, Salon International de l’Alimentation (SIAL), Villepinte, 18-
21 octobre 1998, Discours de Monsieur Jacques Chirac). 13
O.M.C., Accord S.P.S., Préambule. 14
O.M.C., Accord S.P.S., Article 3.1. 15
nationales différentes, l’harmonisation réglementaire peut être remplacée par une
combinaison des deux options suivantes16 :
− la « décentralisation contrôlée17 » dans laquelle l’hétérogénéité réglementaire est autorisée mais est encadrée par des principes généraux qui en réduisent les effets18. − la reconnaissance mutuelle dans laquelle l’hétérogénéité réglementaire est autorisée mais sans conséquence pour les entreprises qui n’ont à se conformer qu’à la
réglementation de leur Etat d’origine19 (Sykes [1999]).
Pour de très nombreux produits, l’Union Européenne a d’ailleurs abandonné la stratégie
d’harmonisation20 et, dans le milieu des années 1980, a mis en place une nouvelle stratégie
basée entre autres sur le principe de reconnaissance mutuelle des réglementations21 qui
permet la libre circulation de la plupart des marchandises et sur un système de
reconnaissance mutuelle des organismes de contrôle et de certification22 (Egan [2002]). Des
accords sectoriels de reconnaissance mutuelle des certifications ont par ailleurs été signés
avec les Etats-Unis (ibid.).
On peut estimer que, de la même façon que la « politique commerciale stratégique » - qui
consiste à demander l’ouverture d’un marché étranger en contrepartie de l’ouverture du
marché domestique aux importations23 - éloigne du G.A.T.T. et entraîne un plus grand
16
Sauf dans les cas où la compatibilité technique est en jeu ou dans les cas où les réglementations nationales ont des retombées internationales (cas des C.F.C. et de la couche d’ozone par exemple) (Sykes [1999 : 70]). 17
“policed decentralization” 18
Ces principes peuvent être par exemple le principe de la nation la plus favorisée, l’obligation de supprimer les réglementations dont l’objectif protectionniste est avéré, l’obligation de notifier les projets de réglementation et de faire des appels à commentaires, l’obligation d’élaborer des réglementations fixant des objectifs et non des moyens (ce qui laisse aux entreprises le choix des moyens), l’obligation de reprendre dans la réglementation nationale des normes internationales si celles-ci permettent d’atteindre les objectifs nationaux (Sykes [1999]). 19
Cette option est possible quand les écarts entre les réglementations sont faibles mais difficiles à réduire. Les consommateurs doivent alors être informés des produits ne se conformant pas exactement à la réglementation nationale peuvent être mis sur le marché. (Sykes [1999]). Cette transparence peut, nous semble-t-il, favoriser la production locale. L’étiquetage « viande bovine française » au moment de la crise de la vache folle en est un exemple (voir Cazes-Valette [1997 : 116]).
20
Sauf les produits pharmaceutiques, alimentaires, chimiques et automobiles (Pelkmans J. [1987], « The New Approach to Technical Harmonisation and Standardisation », Journal of Common Market Studies, Vol. 25, p. 249- 268, cité par Egan [2002]). Pour autant peu de produits alimentaires sont harmonisés (voir Sylvander [1996]). Un des exemples les plus évidents est celui du yaourt (voir le cas « laits fermentés » au Chapitre 10).
21
Un des plus célèbres cas jugés par la Cour Européenne de Justice est celui du “Cassis de Dijon” en 1979 (Egan [2002 : 56]).
22
Ceci reste le point faible du système (Egan [2002]). La reconnaissance mutuelle est difficile du fait qu’à des organisations différentes des systèmes d’inspection correspondent généralement des visions différentes du rôle de l’Etat.
23
et introduit ainsi une troisième voie dans la dichotomie classique entre défense du libre-échange et demande de protection du marché domestique (Yoffie et Milner [1989]).
bilatéralisme (Yoffie et Milner [1989 : 272]), la reconnaissance mutuelle des réglementations
affaiblit les organisations réglementaires ou normatives multilatérales.
Pour ce qui concerne la sécurité sanitaire, outre l’harmonisation internationale, l’Accord
S.P.S. préconise l’« équivalence des mesures » par laquelle un Etat accepte les mesures
sanitaires d’un autre Etat, différentes des siennes mais équivalentes du point de vue du
degré de protection sanitaire obtenu24 (O.M.S. [1998]). L’équivalence a pour effet de rendre
moins aigus les effets des incertitudes scientifiques puisque la question n’est alors plus
d’évaluer le risque lui-même mais de déterminer si les différentes possibilités de gestion du
risque conduisent au même niveau d’exposition (Powell [1997 : 24]).
Les différents travaux présentés dans ce sous-chapitre se situent tous dans une perspective
libre-échangiste du commerce international. Même si ces travaux reconnaissent, à des
degrés divers, l’importance théorique ou pratique de prendre en compte des différences
d’objectifs entre Etats et des différences dans les souhaits des populations, la visée est bien
toujours de favoriser les échanges. Il faut, le plus possible, lever les obstacles aux échanges,
et si des différences réglementaires subsistent qui ne sont pas compensées par les effets de
la reconnaissance mutuelle, elles ne peuvent être que rares et dûment justifiées.
Nous n’avons pas pour notre part d’objectif normatif, mais simplement tentons de mettre en
évidence quelles motivations peuvent habiter les acteurs de la réglementation.
2- La réglementation des aliments, une question de santé publique
Nous rappelons tout d’abord dans ce sous-chapitre que les aliments sont sources de risquespour la santé, ce qui nécessite de protéger la santé publique par une réglementation
sanitaire. L’élaboration de celle-ci s’appuie sur une évaluation des risques qui met en jeu des
experts scientifiques. Cependant, le passage de l’évaluation des risques à la réglementation
24
Par exemple dans le secteur laitier, la pasteurisation est un moyen d’assurer un bon degré de protection sanitaire, mais d’autres moyens sont possibles comme la sélection du lait à la ferme sur des critères microbiologiques et le respect de la chaîne du froid. Ceci a fait l’objet de discussions au Comité Codex sur l’Hygiène Alimentaire qui a finalement décidé d’autoriser d’autres options de gestion du risque que la seule pasteurisation. Le texte a été vivement critiqué par les associations américaines de consommateurs. Le directeur des affaires juridiques du Center for Science in the Public Interest écrit ainsi : « [c]ette norme représente un
est aussi fonction de la perception et l’acceptation des risques. Les relations entre protection
de la santé et commerce international deviennent alors ambiguës.
2.1- Les aliments, des « produits à risques »
25Les diarrhées dues à une alimentation contaminée sont une des principales causes de
mortalité des enfants et des nourrissons des pays en développement. Quand elles ne sont
pas fatales, ces diarrhées sont une cause fondamentale de malnutrition qui entraîne des
problèmes chroniques de santé.
Les pays développés ne sont pas épargnés par les risques liés à l’alimentation puisque l’on
estime que 5 à 10 % de la population des pays industrialisés est touchée chaque année par
une maladie transmise par les aliments. Ces pays ont connu récemment plusieurs épidémies
liées à des pathogènes émergents26 qui ont fait des milliers de victimes dont certaines sont
mortes.
Ces épidémies ont des conséquences financières très importantes pour les Etats concernés.
En 1991, une épidémie de choléra a fait environ 19000 morts au Pérou et dans les Etats
voisins et a entraîné des pertes de plus de 700 millions USD sur les exportations de
poissons. L’épidémie de salmonellose qui a touché l’Angleterre et le Pays de Galles en 1992
a coûté entre 560 et 800 millions USD. Les coûts annuels des maladies humaines liées à
sept pathogènes présents dans les aliments est estimé entre 5,6 et 9,4 milliards USD pour
les seuls Etats-Unis.
Parmi les risques ayant eu des échos récents dans les pays industrialisés, on peut citer
Escherichia Coli dans les hamburgers américains, le nouveau variant de la maladie de
Creutzfelt-Jakob, les métaux lourds dans les légumes ou les résidus de produits de
traitement, la listériose, la dioxine…Comme l’indique cette liste (non exhaustive! 27), les
même niveau de protection de la santé publique que les exigences réglementaires domestiques » (Silverglade
[2000 : 211]). 25
Sauf mention contraire, la source pour cette section est O.M.S. [1999]. 26
Comme Escherichia coli O157 et Campylobacter jejuni (O.M.S. [1999]). 27
risques liés aux agents pathogènes ne sont pas les seuls risques sanitaires des aliments.
Les risques liés aux produits chimiques sont de mieux en mieux connus et montrent que
certains produits autorisés ont des propriétés toxiques, pouvant entraîner cancers, maladies
neurologiques et retards de développement.
De plus, les aliments considérés individuellement ne sont pas seuls en cause, les effets
néfastes de régimes alimentaires trop riches et en particulier trop riches en graisses sont
aussi largement démontrés (Nestle [2002 : Introduction]). L’étude du problème de l’obésité
par l’Assemblée Mondiale de la Santé en mai 2004 et l’élaboration de la « Stratégie
mondiale de l’OMS sur l’alimentation, l’exercice physique et la santé »28 montrent que la
préoccupation pour ces aspects a pris une importance mondiale.
Enfin, la croissance des échanges internationaux favorise la dissémination des risques dans
le monde et fait que la sécurité sanitaire ne peut plus être considérée comme une question
seulement nationale.
2.2- De l’évaluation des risques sanitaires à l’élaboration de la
réglementation
L’objectif de protéger la santé publique fonde un certain nombre de réglementations de
l’alimentation (Gray [1999]).
L’élaboration de la réglementation est alors basée sur l’existence d’une relation de cause à
effet entre une consommation alimentaire et une pathologie du consommateur, c’est à dire
sur une forme - plus ou moins explicite et sophistiquée - d’évaluation des risques29.
Traditionnellement l’évaluation des risques sanitaires insistait sur l’identification qualitative
Heijden K. van der, Younes M., Fishbein L. et Miller S. (Eds) (1999), International Food Safety Handbook -
Science, International Regulation and Control, Marcel Dekker.
ou plus accessible : « Le risque alimentaire », La Recherche, n°339, février 2001
ou encore, dans un autre genre, « Qu’est-ce qu’on mange, enquête au fond de nos assiettes », Les dossiers du
Canard enchaîné, n°68, juillet 1998.
En France de nombreux ouvrages destinés au grand public ont été publiés à la suite de ces crises, on peut citer par exemple :
Benkimoun Paul (2000), Démocratie et sécurité alimentaire : la peur aux ventres, Ed. Textuel