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2.3 L’homéostasie épidermique

2.3.1 La couche basale et l’auto-renouvellement

Les cellules souches épidermiques (CSE) sont garantes de l’homéostasie épidermique et de la réparation de l’épiderme. Deux critères fondamentaux définissent les cellules souches : leur capacité à s’auto-renouveler et leur faculté à se différencier en tout type de lignées cellulaires au sein de leur tissu d’origine (Pastushenko et al., 2015). Au sein de l’épiderme, il existe trois populations de cellules souches localisées dans différentes régions : la couche basale de l’épiderme inter-folliculaire, le bulge au niveau du follicule pileux et la glande sébacée. Ces trois populations cellulaires sont maintenues par leur propres CSE lors du renouvellement physiologique de l’épiderme. Néanmoins, lorsque l’homéostasie épidermique est perturbée, ces trois types de CSE sont capables de générer indifféremment les trois structures épidermiques (épiderme inter-folliculaire, follicule pileux et glande

CHAPITRE 2. LA DIFFÉRENCIATION ÉPIDERMIQUE sébacée).

L’épiderme humain et l’épiderme murin présentent quelques différences dans leur fré- quence de renouvellement et dans les caractéristiques de leurs populations de CSE. En effet, l’épiderme humain est épais avec un renouvellement épidermique fréquent tandis que l’épiderme murin apparaît plus fin et moins actif. De plus, certains marqueurs utilisés pour identifier les CSE sont différents chez l’homme et chez la souris. Malgré ces différences, les voies de signalisation contrôlant le maintien des CSE dans un état non différencié, leur activation, leur spécification de lignage et leur entrée en différenciation apparaissent communes entre les deux espèces. Ainsi, même si plusieurs études visant à comprendre la dynamique de renouvellement épidermique ont été réalisées sur des modèles murins, elles peuvent être transposables à l’homme et elles nous informent sur le renouvellement épidermique chez les mammifères (Pincelli and Marconi, 2010).

Le renouvellement de l’épiderme à l’état physiologique dépend de la prolifération d’une sous-population de kératinocytes basaux, appelés cellules souches inter-folliculaires (CS- IF). Contrairement aux CSE du follicule pileux localisées principalement dans le bulge, il semblerait que les CS-IF soient dispersées aléatoirement dans toute la couche basale épidermique. La compréhension des mécanismes assurant l’auto-renouvellement de l’épi- derme reste sujet à débat et à l’heure actuelle deux modèles sont avancés afin d’expliquer cette dynamique.

2.3.1.1 Le modèle hiérarchique ou modèle basé sur les unités de prolifération épidermique (EPU)

Ce modèle a été proposé pour la première fois en 1974 par Potten. Il suppose que les cellules épidermiques s’organisent en colonnes appelées EPU, dans lesquelles les cellules suprabasales et les cornéocytes dérivent de cellules progénitrices situées dans la couche basale, à la base de la colonne. Cette théorie a été renforcée par des études plus récentes. Le marquage clonal des cellules épidermiques (par rétrovirus ou transgenèse) a confirmé l’existence de colonnes de cellules marquées allant de la couche basale jusqu’à la couche cornée (Strachan and Ghadially, 2008). La présence d’EPU a été observée dans la peau du dos de souris mais également dans de la peau humaine relativement fine où la jonction dermo-épidermique est aplatie (avant-bras, cuisses, abdomen). Dans ce modèle, une cellule souche épidermique, se divisant très rarement, génère suite à une division asymétrique, une cellule fille et une cellule d’amplification transitoire (TA) ayant un potentiel prolifératif limité (Figure 13A). Les TA se divisent à leur tour ; après quelques divisions (moins de 15), elles subissent une baisse d’expression des intégrines de surface, ce qui conduit à leur détachement de la lame basale, à leur migration en position suprabasale et ainsi à leur entrée dans le programme de différenciation kératinocytaire (Fuchs and Horsley, 2008; Senoo, 2013).

CHAPITRE 2. LA DIFFÉRENCIATION ÉPIDERMIQUE

Figure 13 – Modèles de renouvellement de l’épiderme. (A) Modèle hiérarchique

basé sur l’existence d’unités de prolifération épidermique (EPU). Dans ce modèle, les cel- lules souches inter-folliculaires (CS-IF) se divisent en cellules d’amplification transitoire (TA) qui elles-mêmes se divisent et donnent des cellules post-mitotiques (PM) qui s’en- gagent dans la voie de différenciation épidermique. (B) Modèle stochastique qui repose sur une population de cellules progénitrices. Dans ce modèle, les CS-IF n’interviennent pas en conditions physiologiques ; seules des cellules progénitrices au potentiel prolifératif non limité (EPC) se divisent de manière symétrique ou asymétrique, générant respectivement deux PM (8% des divisions), deux EPC (8%), ou une EPC et une PM (84%). D’après (Hsu et al., 2014).

2.3.1.2 Le modèle stochastique ou modèle basé sur une seule population de progéniteurs (EPC)

Bien que le modèle hiérarchique ait été largement accepté, des études relativement ré- centes ont proposé un modèle alternatif détaillé ci-dessous, dans lequel les cellules souches épidermiques ne joueraient pas de rôle dans des conditions physiologiques.

Ce modèle a été proposé par Clayton en 2007 et repose sur une étude quantitative du devenir des cellules épidermiques (Clayton et al., 2007). Dans cette étude, les auteurs ont utilisé des souris transgéniques afin de marquer et de suivre (à différents intervalles de temps) les cellules épidermiques dans la queue de souris « saines ». Dans ce modèle, une seule population de cellules progénitrices (EPC) ayant un potentiel prolifératif non li- mité (contrairement aux TA) serait responsable à elle-seule de l’homéostasie épidermique. La division d’une EPC aurait trois conséquences (Figure 13B). Selon des choix stochas-

CHAPITRE 2. LA DIFFÉRENCIATION ÉPIDERMIQUE tiques, cette division pourrait générer une cellule fille entrant en différenciation (cellule post-mitotique, PM) et une cellule progénitrice restant dans la couche basale (84% des divisions), ou deux cellules progénitrices (8%), ou bien deux cellules filles qui se différen- cieraient (8%) (Fuchs and Horsley, 2008; Senoo, 2013; Hsu et al., 2014). Des études plus récentes, également réalisées chez la souris (œsophage et oreille), ont aboutis à cette même conclusion et sont en accord avec le modèle stochastique (Doupé et al., 2010, 2012). Bien que ce modèle soit très attrayant par sa simplicité, une autre étude récente réalisée par Macré et al., en 2012, le remet en cause et soutient le modèle hiérarchique.

L’ensemble de ces travaux reflète la complexité du renouvellement épidermique et prouve à quel point les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore complètement élucidés.