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nitaire

3.6.1

Les kératinocytes, initiateurs de l’inflammation

Suite à un trouble de la barrière épidermique, en particulier lorsque l’intégrité de la couche cornée est altérée, l’épiderme répond en premier lieu d’une manière assez classique quelque soit la cause de ce dysfonctionnement. La première réponse qui se met en place correspond à des mécanismes compensatoires visant à palier ce défaut. L’épiderme de- vient hyperprolifératif dans le but d’engager plus de kératinocytes dans le programme de différenciation terminale afin de rétablir une couche cornée fonctionnelle. Physiologique- ment, cette réponse devrait conduire à une réparation intégrale de la barrière épidermique. Cependant, lorsque le défaut de barrière épidermique est persistant, ces processus de res- tauration de l’épiderme sont maintenus, ce qui conduit à une hyperplasie épidermique, une hyperkératose et fréquemment à un érythème. Très souvent, secondairement à ce défaut de barrière, une réponse inflammatoire peut se mettre en place qui va à son tour altérer la barrière épidermique (Figure 33). Cette inflammation est en partie due à une réponse des kératinocytes. En effet, ils jouent un rôle central dans l’initiation et le développement des réponses inflammatoires et immunologiques au sein de la peau. Dans cette partie, je décrirai comment les kératinocytes participent à la barrière immunitaire.

CHAPITRE 3. LA COUCHE CORNÉE : UNE BARRIÈRE AUX MULTIPLES FACETTES

Figure 33 – Illustration du défaut primaire/secondaire de la barrière épider- mique. D’après (Schmuth et al., 2015).

3.6.2

Les récepteurs de danger PRRs et PARs

Les kératinocytes ont la capacité de discriminer les organismes commensaux inoffen- sifs des pathogènes dangereux grâce à l’expression de récepteurs particuliers : les PRR (« Pathogen Recognition Receptor »).

Les PRR reconnaissent des structures conservées entre espèces bactériennes, appelées motifs moléculaires associés à des pathogènes (PAMPs pour « Pathogen-Associated Mo- lecular Patterns »). Les PAMPs sont communs à une multitude de bactéries, ce qui permet la reconnaissance d’une grande variété de micro-organismes par quelques PRRs. Ces ré- cepteurs permettent également la reconnaissance de molécules endogènes libérées par des cellules endommagées après rupture de la membrane cellulaire. Ces signaux de dangers sont appelés DAMPs pour « Danger-Associated Molecular Patterns »).

A ce jour, quatre classes de PRRs sont connues :

- Les récepteurs membranaires : les « Toll-Like Receptors » (TLRs), les plus décrits, localisés au niveau de la membrane cytoplasmique et des endosomes ; et les « C-type Lectin Receptors » (CLRs), récepteurs de surface reconnaissant les structures carbohydrates.

- Les récepteurs cytoplasmiques : les « Nod-Like Receptors » (NLRs) et les « (RIG)- I-Like Receptors » (RLRs).

La reconnaissance des PAMPs et DAMPs par ces récepteurs active la transcription de gènes impliqués dans des réponses pro-inflammatoires et antimicrobiennes. Ces gènes codent des cytokines pro-inflammatoires, des interférons de type I, des chimiokines et des protéines antimicrobiennes (Takeuchi and Akira, 2010). Ils permettent d’initier une

CHAPITRE 3. LA COUCHE CORNÉE : UNE BARRIÈRE AUX MULTIPLES FACETTES réponse locale de défense efficace et de stimuler l’immunité adaptative.

Par ailleurs, les kératinocytes expriment à leur surface d’autres récepteurs impliqués dans l’inflammation : les « Proteinase-Activated Receptors » (PAR) en particulier PAR1 et PAR2. Ils appartiennent à la super-famille des récepteurs couplés aux protéines G. Ils sont activés par clivage protéolytique de leur domaine N-terminal par des protéases à sérine. Ils contribuent aux défenses immunitaires innées en étant notamment capables de détecter des protéases exogènes provenant de micro-organismes. De nombreuses études réalisées in vitro ou in vivo ont montré que l’activation de PAR2 au sein du kératinocyte entrainait la production d’interleukines comme l’IL-6 ou l’IL-8, de facteurs de croissance tels que GM-CSF, qui participe entre autres à la maturation des cellules de Langherans, et

l’activation de la voie NF-κB, impliquée dans la régulation de nombreux gènes de l’inflam-

mation (Dale and Vergnolle, 2008; Rattenholl and Steinhoff, 2003; Guenther and Melzig, 2015).

3.6.3

Les protéines et peptides antimicrobiens

Lorsque l’épiderme est endommagé, les kératinocytes sont également capables de sé- créter, à la surface épidermique, des AMPs principalement des peptides de la famille des

β-défensines et des cathélicidines. Comme décrit précédemment dans le paragraphe 3.5.3,

la production locale de ces peptides a trois fonctions principales. Elle empêche une co- lonisation bactérienne de la surface cutanée en tuant directement les pathogènes. Elle permet la production de cytokines inflammatoires et le recrutement de cellules immuni- taires (Nestle et al., 2009). Les mécanismes d’action des AMPs ont été détaillés dans le chapitre 3, paragraphe 3.4.2.

3.6.4

Les cytokines et chimiokines

Outre les AMPs, les kératinocytes sécrètent, spontanément ou suite à un stimulus, de nombreuses cytokines telles que l’interleukine 6 (IL-6), l’interleukine 10 (IL-10), l’inter-

leukine 18 (IL-18) et le TNF-α (« Tumor Necrosis Factor-α »). De manière intéressante,

les kératinocytes produisent également l’IL-1 sous deux formes : l’IL-1α et l’IL-1β. Ces

dernières ont un effet biologique pléiotrope et induisent des réponses locales et systé- miques à l’infection. Elles induisent l’expression de molécules d’adhérence sur les cellules endothéliales, ce qui permet un infiltrat en cellules inflammatoires. Elles participent à l’activation des lymphocytes T auxiliaires, des cellules dendritiques et à la maturation des lymphocytes B. Elles jouent ainsi un rôle central dans de nombreuses pathologies in-

CHAPITRE 3. LA COUCHE CORNÉE : UNE BARRIÈRE AUX MULTIPLES FACETTES flammatoires aiguës et chroniques. Dans une peau saine, les kératinocytes synthétisent de

manière constitutive l’IL-1α et l’IL-1β. Alors que l’IL-1α est biologiquement active, l’IL-

1β est synthétisée sous la forme d’un précurseur inactif : la pro-IL-1β. Les kératinocytes sont incapables de la cliver et de libérer une forme active en conditons « normales ». En revanche, suite à un signal de danger, par exemple une exposition aux UV, les kératino-

cytes peuvent cliver la pro-IL-1β et libérer sa forme active grâce à l’action de la caspase 1

(activée via l’inflammasome). Les kératinocytes sont également une source importante de chimiokines telles que CCL20 (CC-Chemokine ligand 20), CXCL9 (Chemokine (C-X-C motif) ligand 9), CXCL10 (Chemokine (C-X-C motif) ligand 10) et expriment des récep- teurs de ces chimiokines. Ces chimiokines et ces récepteurs sont décrits comme jouant un rôle essentiel dans l’attraction de cellules T effectrices dans des contextes de pathologies cutanées inflammatoires telles que le psoriasis (Nestle et al., 2009).

Ainsi, les kératinocytes jouent un rôle important dans les réponses immunitaires. Ils sont localisés stratégiquement dans la dernière couche de la peau afin de reconnaitre un signal de danger et d’initier rapidement une réponse inflammatoire en coordonnant la production d’AMPs, de cytokines et chimiokines inflammatoires.

CHAPITRE 4. LES ICHTYOSES : DES PATHOLOGIES CUTANÉES CARACTÉRISÉES PAR DES ANOMALIES DE LA COUCHE CORNÉE

Chapitre 4

Les ichtyoses : des pathologies

cutanées caractérisées par des

anomalies de la couche cornée

4.1

Que représentent les ichtyoses ?

Les ichtyoses regroupent un ensemble de maladies cutanées qui se caractérisent par des anomalies de la cornification d’origine génétique. Elles sont aussi connues sous le nom de MeDOC pour « Mendelian Disorders Of Cornification ». Ces pathologies sont dues à des mutations de gènes impliqués dans les étapes tardives de la différenciation épidermique, ce qui aboutit à un défaut de la fonction « barrière » de l’épiderme. Le terme d’ichtyose, évoqué pour la première fois en 1808 par Willan, est issu du grec ichthys qui signifie « poisson » (Willan, 1808). Il qualifie ainsi ce type de pathologies cutanées en raison d’une peau extrêmement sèche et d’une accumulation de pellicules de cellules mortes (squames) qui se détachent continuellement donnant ainsi un aspect d’écailles de poisson à la peau. L’apparence écailleuse de la peau reflète un épaississement de la couche cornée (hyperkératose) résultant d’une hyperprolifération des kératinocytes basaux et/ou d’un défaut de desquamation. Le traitement des ichtyoses est rarement spécifique à une ichtyose et n’est pas curatif. Il est le plus souvent uniquement symptomatique et se compose de soins locaux quotidiens parfois associés à des traitements systémiques. Il est essentiel d’arriver à maintenir ou à améliorer la fonction barrière de l’épiderme (empêcher ou diminuer les pertes en eau transépidermiques), d’améliorer l’apparence et le confort du patient ainsi que de traiter les complications comme des infections secondaires. Le traitement étiologique est rarement possible mais fait l’objet de nombreuses recherches. Les ichtyoses sont étiologiquement et cliniquement très hétérogènes, il est donc difficile de les classer. Différentes classifications ont été proposées, basées sur les caractéristiques physiopathologiques, le mode de transmission ou les bases moléculaires génétiques, mais

CHAPITRE 4. LES ICHTYOSES : DES PATHOLOGIES CUTANÉES CARACTÉRISÉES PAR DES ANOMALIES DE LA COUCHE CORNÉE depuis la première conférence internationale sur les ichtyoses (en 2007) qui a regroupé plus d’une trentaine de dermatologues, biologistes et généticiens, les ichtyoses sont désormais classées en fonction de l’aspect clinique (Oji et al., 2010b).