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METHODOLOGIE ET PLAN D'ANALYSE

55 dont parle Guy Rocher

1. La conception de l'école chez les enseignants:

De façon générale, les enseignants divergent sur la conception de l'école. Certains ont choisi la conception humaniste, d'autres la conception utilitaire. Ce qui confirme notre hypothèse de départ.

Lorsque nous avons comparé les pourcentages de choix des enseignants pour les deux conceptions de l'école, nous avons constaté que ceux-ci ont tendance à adhérer davantage à la conception humaniste qu'utilitaire. Ce qui nous a amené à conclure que les enseignants ont une conception humaniste de 1'école.

Cette conception de 1'école (humaniste) comme nous 1'avons vu, se donne entre autres buts éducationnels la fondation intellec-

tuelle , le développement et l'épanouissement de l'individu.

Nous avons ensuite vérifié si la conception humaniste de l'édu- cation valorisée par les enseignants traduisait leur adhésion à des

idéaux démocratiques, c'est-à-dire à la conception démocratique de l'école qui réfère aussi aux valeurs de liberté individuelle, d'épa- nouissement de tous les individus, etc. Les résultats obtenus ont mon- tré que la conception humaniste était reliée à la conception démocra- tique.

Comme nous l'avons spécifié plus haut, nous avons énoncé six hypothèses secondaires quant à la variation de la conception de l'éco- le. Il s'agit d'expliquer le choix de la conception humaniste ou uti- litaire par les enseignants par leurs différences idéologiques, de sexe de niveau de scolarité, d'expérience professionnelle, de statut de l'é- cole et de matières enseignées.

Des six hypothèses formulées, deux seulement ont été confirmées par les statistiques. En effet, nous avons observé que la conception de l'école était en relation significative avec l'idéologie politique et le niveau de scolarité. Les autres facteurs n'ont pas ou peu influé sur la conception de l'école. Nous résumons ci-après les constatations.

2. L'idéologie politique déterminé la conception de l ' é c o l e chez les enseignants

Nous avons observé que les enseignants divergent sur la concep- t i o n de l ' é c o l e selon leur appartenance idéologique. Les libéraux ad- héraient davantage à la conception humaniste, tandis que les conserva- teurs p r i v i l é g i a i e n t surtout la conception moins humaniste, donc u t i l i - t a i r e .

Ces résultats ont confirmé notre hypothèse. Ces observations se situent dans l a logique des choses étant donné que l ' i d é o l o g i e l i - bérale et la conception humaniste de l ' é c o l e comme nous l'avons vu pré- cédemment réfèrent à des valeurs identiques. L'une et l ' a u t r e v a l o r i -

sent la personne humaine, la l i b e r t é et l'épanouissement individuels. Par contre l ' i d é o l o g i e conservatrice et l a conception moins humaniste

( u t i l i t a i r e ) de l ' é c o l e s'attachent à des valeurs sociales c o l l e c t i v e s . Elles p r i v i l é g i e n t des a c t i v i t é s humaines centrées sur la société et non sur 1 ' i n d i v i d u .

3. Le niveau de s c o l a r i t é influence la conception de l'école chez les enseignants

Notre hypothèse a été v é r i f i é e . A un niveau de scolarité élevé correspond des buts c u l t u r e l s , de formation i n t e l l e c t u e l l e et d'épanouis- sement individuel de l'éducation. Par contre, un niveau de scolarité moins élevé se t r a d u i t par une préférence pour des buts u t i l i t a i r e s de

l'éducation. Ainsi, nous avons constaté que la conception humaniste de l'école a été plus valorisée par les enseignants qui ont 17 ans et plus de scolarité (niveau élevé) que par ceux qui ont 14 ans et moins. La conception utilitaire a été par contre appréciée davantage par les enseignants de 14 ans et moins de scolarité. (Niveau moins élevé). Ici, les enseignants plus qualifiés (17 ans et plus de scolarité) seraient plus épanouis culturel 1ement, tandis que les moins qualifiés le seraient moins. Et cette tendance se retrouve donc dans leur conception de l'é- cole. Nous pouvons rapprocher ces observations de celles de P.W. Bélan-

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ger quand il dit que "les maîtres, les plus qualifiés sont d'esprit plutôt technologique et les maîtres les moins qualifiés d'esprit plutôt traditionnels.

Lorsque nous avons contrôlé la relation initiale entre l'idéo- logie politique et la conception de l'école par le niveau de scolarité, étant donné que cette variable (niveau de scolarité) influence à la fois l'idéologie politique et la conception de l'école, nous avons ob- servé que la conception humaniste est davantage appréciée par les libé- raux autant que les conservateurs de niveau de scolarité plus élevé. La conception moins humaniste (utilitaire)reste le premier choix de con- servateurs de niveau de scolarité moins élevé. En d'autres mots, la

conception humaniste est de plus en plus valorisée chez les enseignants, sans d i s t i n c t i o n de l ' i d é o l o g i e politique à mesure que leur niveau de scolarité augmente.

A i n s i , les valeurs démocratiques, de l i b e r t é , et d'épanouissement personnel, sont de l ' u n i v e r s c u l t u r e l des individus qui affichent des idéologies l i b é r a l e s d'une part et, d'autre part, qui sont épanouis c u l - turellement, c ' e s t - à - d i r e moins exposés aux contraintes des structures sociales.

4. Le sexe, l'expérience professionnelle, le statut de l'école et les matières enseignées sont des facteurs qui influencent peu ou pas du tout la conception de l ' é c o l e chez les enseignants de no- t r e é c h a n t i l l o n .

Les enseignants des deux sexes (masculin et féminin) adhérent autant à la conception humaniste q u ' u t i l i t a i r e . Nous avons attribué cette tendance à l ' e f f e t de la socialisation professionnelle. Les va- leurs professionnelles ont probablement supplanté celles acquises lors de la socialisation f a m i l i a l e qui comme nous l'avons vu, d i f f é r e n c i a i t les conduites et a c t i v i t é s voire les valeurs sociales des hommes, de celles des femmes.

L'expérience professionnelle qui est une composante de la socia- l i s a t i o n professionnelle n'a pas i n f l u é de façon s i g n i f i c a t i v e sur la conception de l ' é c o l e chez les enseignants de notre échantillon. Les

moins expérimentés aussi bien que les plus expérimentés ne divergent

pas dans leurs conceptions de l ' é c o l e . C'est probablement dû au f a i t que la profession enseignante ne possède pas une sous culture technique d i f - férente de c e l l e déjà acquise par les enseignants lors de leur passage dans les i n s t i t u t i o n s de formation professionnelle. Ce qui éliminerait leur e f f e t de r e s o c i a l i s a t i o n .

Notre hypothèse n'est pas non plus confirmée pour ce qui a t r a i t à la r e l a t i o n entre le statut de l ' é c o l e et l a conception de l ' é c o l e . Les écoles publiques et privées divergent très peu sur la conception de l ' é c o l e . Les enseignants des unes et des autres appréciant, à des propor- tions identiques, autant l a conception humaniste q u ' u t i l i t a i r e . Cette ten- dance s'expliquerait par la présence accrue de l ' é t a t dans l ' o r i e n t a t i o n des o b j e c t i f s éducatifs. Les écoles privées, bien qu'ayant une administra-

t i o n spécifique, sont néanmoins contraintes à suivre les instructions gouvernementales, ce qui se t r a d u i t par une adhésion à des idéaux dé- fendus par l ' é t a t , à travers ses i n s t i t u t i o n s scolaires publiques: dé- mocratisation, formations u t i l i t a i r e s , etc.

Les matières dispensées par les enseignants n'ont pas influencé de manière s i g n i f i c a t i v e les conceptions de l'école chez ceux-ci. Les enseignants de langues, sciences humaines, de matières scientifiques et techniques p r i v i l é g i e n t dans des proportions presque identiques soit l a conception humaniste, s o i t l a conception u t i l i t a i r e (moins humaniste).

Nous avons attribué cet état de chose, à un défaut probable de notre instrument de mesure. En regroupant les matières en catégories, nous avions peut-être ignoré certaines caractéristiques propres à chaque matière qui pourraient la singulariser. Aussi, il serait intéressant de revérifier l'influence de ce facteur en prenant matière par matiè- re pour arriver à une conclusion définitive.

COMMENTAIRE:

La Réforme scolaire préconisée par l e Rapport Parent en 1960, proposait des nouvelles valeurs sociales et éducatives aux Québécois. En ce qui concerne l'éducation, nous avons vu que la Réforme s'eBt i n - surgée contre ce rôle de l ' é c o l e qui confine la formation de l'enfant uniquement à des f i n s i n t e l l e c t u e l l e s , de transmission d'un h é r i - tage culturel qui parfois ne t i e n t pas compte de l ' é v o l u t i o n de la so-

c i é t é . Elle a ainsi pensé une éducation qui soit aussi bien i n t e l l e c t u e l l e q u ' u t i l i t a i r e (sociale) en vue de répondre aux exigences d'une société

en pleine transformation qui a besoin d'un homme de type nouveau.

De l ' a v i s de certains, ces nouvelles orientations de l'école, pour être opérationnelles, demanderaient un certain consensus de la part des acteurs sociaux, et plus spécifiquement des enseignants. Elles nécessiteraient aussi la préparation professionnelle des agents d'édu- cation. Or, notre étude sur la conception de l'école chez les ensei-

gnants, douze années après, révèle que ce consensus est l o i n de se f a i r e .

En e f f e t , tenant compte des l i m i t e s du modple de conception de l'école u t i l i s é dans notre t r a v a i l , (humaniste vs u t i l i t a i r e ) les en- seignants semblent p r i v i l é g i e r davantage la conception humaniste au dé- triment de l a conception u t i l i t a i r e (29% vs 5%). Nous avons consta- t é aussi que l a conception de l ' é c o l e chez les enseignants é t a i t i n - fluencée par leur idéologie p o l i t i q u e et leur niveau de q u a l i f i c a t i o n , (niveau de s c o l a r i t é ) .

Si l e consensus ne s'est pas f a i t autour des nouvelles fonctions de l ' é c o l e et si les divergences sur la conception de l'école apparaîs- sent, n'est ce pas parce que les enseignants sont pris entre des valeurs nouvelles pour lesquelles i l s n'ont pas été préparés et les valeurs an- ciennes q u ' i l maîtrisent parfaitement d'une part et d'autre part parce q u ' i l s sont guidés par leurs propres idéologies, leur vision de la so- ciété et de 1'homme?

Selon Guy, Rocher:

"On a formé l e s maîtres comme s ' i l s n ' é t a i e n t r e s - ponsables que devant leurs élèves et devant leurs s a l l e s de classe. On ne l e s a pas préparés a ê t r e responsables devant toute l a société et a répondre de leur fonction dans l a perspective de l'évolu- tion historique de leur pays. Plus exactement,

on ne l e s a pas préparés â penser et à exercer leur métier dans l a perspective et en fonction d'une c i v i l i s a t i o n qui s'interroge et se trans- forme"58.

Par a i l l e u r s , les enseignants, en dehors de leurs tâches pro- fessionnelles, sont des acteurs sociaux qui p a r t i c i p e n t , comme tous les autres acteurs sociaux, à l a vie des i n s t i t u t i o n s sociales. I l s

nourrissent des convictions, des idéologies p o l i t i q u e s , sociales et économique qui peuvent parfois expliquer leur adhésion à une conception de l ' é -

cole plutôt qu'à une autre.

Aussi, à une éducation centrée sur les besoins de l a société et de l ' i n d i v i d u , prônée par la Réforme, les enseignants, selon leurs

idéologies politiques auront tendance à opposer celle qui p r i v i l é g i e d'abord la formation i n t e l l e c t u e l l e et le développement de la personna- l i t é pour les uns et c e l l e qui ne valorise que les buts u t i l i t a i r e s pour les autres.

Or, nous savons que l'humanisme c u l t u r e l , les idéaux démocrati- ques et de l i b e r t é individuelle exprimés par une éducation centrée sur l e développement i n t e l l e c t u e l et l'épanouissement de l ' i n d i v i d u et les besoins de développement socio-économique, traduits par une éducation

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aux fins utilitaires et sociales ne sont pas nécessairement contradic- toires, ni opposées. L'une et l'autre de ces formes d'éducation peu- vent bien se compléter afin de former des individus épanouis culturel- lement et qualifiés techniquement en vue d'une société démocratique et évolutive. Il faudrait par conséquent, amener les enseignants, voire tous les agents impliqués, dans les politiques éducationnelles, par des consultations, et par une vraie participation d'une part et d'autre

part par une formation appropriée pour les premiers à scimprégner les

valeurs éducatives privilégiées par l'une et l'autre des conceptions de l'école.

Le Rapport du Comité d'étude sur la formation et le perfection- 59

nement des enseignants donne les jalons en ce qui concerne la forma- tion des enseignants:

"En formation initiale, nous croyons que le candi- dat doit recevoir une initiation critique aux dif- férents modèles d'éducation et de société, aux va- leurs qu'ils priviligient, aux mérites et aux li- mites qui leur sont propres. Ceci ne doit pas être

fait dans une fausse neutralité ou dans une pers- pective d'éclectisme, mais plutôt dans une perspec- tive d'analyse critique, de synthèse et d'évalua- tion.

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Commission d'études sur les Universités. Rapport du Comité d'étude

sur l a formation e t le perfectionnement des enseignants. Gouvernement

Comme nous pouvons nous rendre compte, il ne s'agit pas d'initier les enseignants à un seul modèle d'éducation, conçu comme une recette ou une technique dont ils ne doivent pas se séparer.

Il s'agit bien de préparer les enseignants à intérioriser les di- vers modèles éducatifs, qui, comme nous l'avons vu ne sont pas contra- dictoires afin de faire un choix au moment opportun.

Recherches suggérées:

Les conclusions de cette recherche auxquelles nous sommes parve- nues nous amènent à formuler quelques propositions d'étude.

1. Lorsque nous avons analysé la conception de l'école, nous ne nous