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LA COMPLÉMENTATION FONCTIONNELLE ET LE TEST D’ALLÉLISME

UN GÈNE/UNE ENZYME

5.2 LA COMPLÉMENTATION FONCTIONNELLE ET LE TEST D’ALLÉLISME

La complémentation fonctionnelle est un phénomène qui a permis de comprendre la fonction biochimique du gène car il trouve son explication dans cette fonction. C’est un phénomène résultant du fait qu’un gène code pour une chaîne peptidique, un produit diffusible au sein de la cellule (voire au sein de l’organisme si elle est sécrétée).

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

D’un point de vue expérimental, la complémentation fonctionnelle permet de comprendre pourquoi et comment le croisement de deux souches mutantes de même phénotype peuvent avoir une descendance de phénotype sauvage, en considérant l’exemple suivant, où il est très important de noter l’enchaînement des étapes expé-rimentales et leur relation logique.

On dispose de trois souches haploïdes de levure, respectivement notées A, B et C, auxotrophes pour l’histidine, phénotype noté [his], et de la souche SSR prototrophe pour l’histidine, de phénotype noté [his+]. On souhaite, par l’analyse génétique de ces mutants, entreprendre l’analyse génétique du processus de biosynthèse de l’histidine.

5.2.1 Croisement des mutants par la souche sauvage SSR : test de dominance/récessivité

Le croisement de chacune des souches A, B ou C par la souche SSR, donne des cellules diploïdes de phénotype [his+]. Ce test de dominance montre que les trois phénotypes d’auxotrophie sont récessifs. L’interprétation fonctionnelle du caractère récessif de l’auxotrophie est facile si on considère la fonction d’un gène :

– la souche SSR possède, pour un gène g, un allèle fonctionnel, noté g+, qui lui permet de produire une des enzymes de la chaîne de biosynthèse de l’histidine;

– la souche A est mutée dans ce gène g, elle possède un allèle muté, noté g, non fonctionnel, soit parce que l’enzyme est absente, soit parce qu’elle est présente, mais non fonctionnelle (tout dépend de l’effet biochimique de la mutation). La chaîne de biosynthèse de l’histidine est alors bloquée au niveau de l’étape gouvernée par l’enzyme résultant de l’expression du gène g;

– la souche diploïde, issue du croisement SSR × A, possède deux exemplaires du gène g, un exemplaire sauvage g+ venant du parent SSR et un allèle muté g venant du parent A. Cet hétérozygote g+//g peut se schématiser ainsi :

– dans la cellule diploïde, l’expression de l’allèle g+ du gène g conduit à la présence d’une enzyme fonctionnelle permettant de réaliser l’étape bloquée chez le mutant A.

Si la quantité produite d’enzyme est suffisante pour que cette étape puisse être réalisée sans problème, la présence de l’allèle muté g n’a aucune conséquence phénotypique et le phénotype du diploïde est sauvage [his+]. Il est capable d’assurer la biosynthèse de l’histidine.

L’effet de l’allèle sauvage est dominant s’il compense celui de l’allèle muté (pour plus de détails, voir 5.5).

Allèle g muté chez A Allèle g+ SSR

La même interprétation vaut pour les souches mutantes B ou C, mais rien ne permet de dire que A, B ou C sont mutées dans un même gène ou dans des gènes différents !

Par ailleurs, rien ne permet de dire que A, B ou C ne sont mutées que dans un seul des gènes de la chaîne de biosynthèse, information qui résultera de l’étape suivante de l’analyse génétique.

5.2.2 Analyse génétique de la méiose chez les diploïdes issus du croisement mutant × SSR

Il s’agit ici de tester la ségrégation 2×2 des phénotypes [his+] et [his], chez les spores haploïdes résultant de la méiose des diploïdes issus des croisement SSR × mutant.

S’il y a ségrégation 2×2 (chap. 2), on peut conclure que la souche mutante ne diffère de la souche sauvage que pour un seul gène, la méiose donnant les propor-tions attendues dans le cas d’un seul couple d’allèles.

Si la ségrégation n’est pas une ségrégation 2×2, on doit conclure que la souche mutante diffère de la souche sauvage pour plus d’un gène (en l’occurrence, elle est bloquée dans plusieurs étapes) et il convient, quand c’est possible, de dénombrer le nombre de gènes mutés, par l’analyse des fréquences des différents phénotypes (chap. 3).

Considérons, dans notre exemple que la ségrégation 2×2 étant observée chez les trois types de diploïdes, on puisse conclure que chaque souche A, B ou C n’est mutée que dans un seul des gènes de la chaîne de biosynthèse de l’histidine.

5.2.3 Croisements entre souches mutantes :

test de complémentation fonctionnelle et test d’allélisme

Le test de complémentation fonctionnelle est le moyen expérimental qui permet de montrer que deux souches mutantes sont ou ne sont pas mutées dans un même gène, ou dans le même gène, si on a montré par ailleurs que chacune des souches n’était mutée que dans un seul gène (ségrégation 2×2 dans un croisement avec la SSR, voir plus haut).

Si on procède au croisement de deux souches mutantes de phénotypes [his], on peut s’attendre, compte tenu de ce qu’on sait de la fonction d’un gène et de notre interprétation de la récessivité des phénotypes mutants, à deux résultats possibles : – soit les deux souches sont mutées dans des gènes différents, alors le phénotype du

diploïde issu du croisement entre elles est sauvage [his+];

– soit les deux souches sont mutées dans le même gène, alors le phénotype du diploïde issu du croisement entre elles est muté [his].

Ces deux types de résultats sont faciles à comprendre à partir des figures suivantes.

Cas 1. Les souches A et B ne sont pas mutées dans le même gène, A est mutée dans un gène g et B est mutée dans un gène k (fig. 5.1).

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Dans la cellule diploïde, l’expression de l’allèle g+ du gène g conduit à la présence d’une enzyme fonctionnelle permettant de réaliser l’étape bloquée chez le mutant A, comme cela se passait chez le diploïde issu du croisement mutant A × SSR. De même l’expression de l’allèle k+ du gène k conduit à la présence d’une enzyme fonc-tionnelle permettant de réaliser l’étape bloquée chez le mutant B, comme cela se passait chez le diploïde issu du croisement mutant B × SSR. Il y a double compensa-tion allélique.

Au total, les deux étapes bloquées, l’une chez A, l’autre chez B, sont désormais réalisables : il y a complémentation fonctionnelle. Chacune des souches, étant mutée dans un gène différent, apporte, chez le diploïde issu de leur croisement, la fonction dont l’autre est dépourvue, et le diploïde est alors de phénotype [his+], contrairement aux deux souches parentales.

D’un point de vue expérimental, l’observation de la complémentation fonction-nelle permet de conclure que les deux souches mutantes étudiées, ici A et B, ne sont pas mutées dans le même gène. Le test de complémentation fonctionnelle est donc aussi un test d’allélisme puisqu’on peut conclure que les mutations g et k des souches A et B ne sont pas alléliques car elles ne touchent pas le même gène.

Cas 2. Les souches A et C sont mutées dans le même gène g (fig. 5.2).

Chez ce diploïde, les deux exemplaires du gène g sont mutés et non fonctionnels;

il ne peut, pas plus que chacune des souches parentales, réaliser l’étape bloquée par l’absence de l’enzyme codée par le gène g (ou sa présence, mais dans un état non fonctionnel). Il n’y a pas complémentation fonctionnelle parce que les deux souches A et C sont mutées dans le même gène, le diploïde est de phénotype [his], comme les souches parentales.

D’un point de vue expérimental, le test de complémentation fonctionnelle est donc aussi un test d’allèlisme puisqu’on peut conclure que les mutations des souches A et B sont alléliques puisqu’elles touchent le même gène.

Allèle g+ fonctionnel chez B Allèle g muté chez A

Allèle k muté chez B Allèle k+ fonctionnel chez A

Figure 5.1 Représentation schématique d’un diploïde formé d’apports haploïdes mutés dans deux gènes différents.

Allèle g muté chez C Allèle g muté chez A

Figure 5.2 Représentation schématique d’un diploïde formé d’apports haploïdes mutés dans le même gène.

En conséquence, on doit s’attendre à observer de la complémentation fonction-nelle dans le croisement B × C, puisque A est muté dans un gène différent de B et que A est muté dans le même gène que C. À l’issue d’un test de complémentation fonctionnelle, les résultats peuvent se présenter sous la forme d’un tableau (tabl. 5.1), où la dernière colonne rappelle les résultats du test de dominance, où les signes « – » et «+» indiquent, respectivement, l’incapacité de produire de l’histidine (pas de complémentation fonctionnelle), ou la capacité d’en produire (complémentation fonctionnelle ou compensation allélique).

Remarque 1. L’interprétation précédente n’est valable que parce qu’on sait