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2.  Cadre conceptuel 15 

2.14.  La classe inversée 40 

Deux de nos objectifs de recherche concernent une pratique éducative particulière : la classe inversée. Il s’agit de voir si l’implantation de la classe inversée serait une mesure viable dans le milieu des cours d’été, tenant compte des connaissances et des ressources informatiques de cette population et d’évaluer si cette mesure conviendrait à la clientèle particulière de ce milieu.

Flip(ped) classroom, reverse classroom, pédagogie inversée, classe inversée : toutes ces appellations renvoient à un concept que nous allons essayer de définir ici. Dérivée du mouvement des blended classrooms, des classes synchrones et fortement inspirée des innovations promues par Khan, Microsoft et la Khan Academy (Thompson, 2011a), la classe inversée est devenue un mouvement relativement populaire qui émerge de la pratique enseignante (Wallace, 2014). Dans ce cadre, l’objectif est de permettre à l’apprenant de se familiariser avec les contenus avant de venir en classe. Ce mouvement s’appuie grandement sur les nouvelles technologies pour permettre de diversifier les sources et modes de présentation de la matière. On cherche à diminuer le temps consacré aux « cours magistraux » pour l’utiliser dans des travaux d’équipe (Peters, 2014), à des résolutions de problèmes, à l’acquisition de savoir-faire et à l’approfondissement des acquis (Roehl, Reddy, & Shannon, 2013). Cette façon de procéder modifie le rôle de l’enseignant en classe :

[C]elui-ci se concentre sur les lacunes les plus évidentes qui affectent la compréhension des étudiants. Il se sert de sa maîtrise du sujet et de ses compétences pédagogiques pour aider les étudiants à comprendre l’information recueillie avant le cours. Ainsi, le professeur assiste les étudiants et leur permet de faire le lien entre connaissances acquises et nouvelles connaissances, en donnant, entre autres, à ces derniers des travaux plus complexes à réaliser en classe. (Lasry, Dugdale, & Charles, 2014, p. 21)

Bien élaboré, ce type d’enseignement permet à l’apprenant d’activer ses connaissances antérieures, d’acquérir à son propre rythme les nouveaux concepts (Chen, Wang, & Chen, 2014), de les travailler en présence de l’éducateur, etc. On retrouve beaucoup de points communs entre cette façon de procéder et la pédagogie différenciée, particulièrement dans la notion de soutenir l’apprenant dans le processus tout en respectant son rythme. Associé d’une façon appropriée avec le travail d’équipe, ce mode d'enseignement permet à l’apprenant de se trouver en situation où il doit reformuler dans ses propres mots une définition des concepts à l’étude, ce qui permet une meilleure acquisition de ceux-ci (Peters, 2014). Cette méthode permet à l’élève d’être actif dans le processus d’apprentissage (Chen & al., 2014). Certains textes, documentant le transfert entre un enseignement magistral vers la classe inversée, mentionnent une augmentation de 9,8 % des élèves obtenant plus de 80 % aux évaluations

(Fulton, 2012). Les apprenants soumis à ce type d’apprentissage ont mentionné qu’ils appréciaient cette formule, car elle permettait d’avoir deux explications distinctes des concepts à l’étude (la numérique et celle de l’enseignant) et de réécouter les portions d’informations leur ayant échappé une première fois (Peters, 2014). Une des clés de la réussite de ce type d’enseignement réside dans la liberté d’interaction que l’apprenant développe avec le contenu, ce dernier pouvant donc prendre en compte les particularités liées à son style d’apprentissage personnel dans son « horaire d’études » (Roehl & al., 2013). Cette liberté d’interaction pourrait être liée à une forme de métaprocédure dans un contexte didactique favorable. En effet, l’apprenant, conscient de ses capacités et de ses limites, pourrait volontairement établir son horaire d’étude en tenant compte de sa plage d’attention, de ses capacités en lecture et en écriture, des moments où il est le plus disposé à faire ses apprentissages et donc apprendre à apprendre.

Cette même liberté d’interaction avec le contenu est encouragée par la brièveté des clips vidéo. En effet, le mouvement des classes inversées encourage l’utilisation de plusieurs sources vidéo pour construire les concepts. Une étude a mentionné que la longueur idéale des clips vidéo utilisés dans un cours de chimie pour des adolescents se situait entre cinq et sept minutes (Smith, 2013). Leurs tailles relativement courtes les rendaient faciles à écouter puis à revisionner pour trouver les sections ayant posé problème à l’apprenant. Nous avons été saisie de constater l’utilisation des outils audiovisuels dans les classes appliquant la pédagogie inversée rejoigne les suggestions de Louis Not (1999, p. 72) sur l’utilisation optimale de l’audiovisuel en classe (bien qu’aucune de nos sources ne le mentionne). Ceci pourrait s’expliquer par le fait que ces recommandations (brièveté, lien avec l’objet d’étude, mise en relief des éléments pertinents, exploitation de l’information après chaque visionnement) ont été « redécouvertes » par les praticiens en mettant au point ce mode d’enseignement. En classe d’histoire, cette pratique pourrait aider l’apprenant à apprendre à travailler différentes sources d’information, mais il y a quelques pièges à éviter.

Si jusqu’à maintenant le portrait que nous avons dressé de la classe inversée est tout à son avantage, nous devons toutefois mentionner un inconvénient à cette pratique. L’apprenant qui prend du retard dans la partie de « familiarisation avec le sujet » se retrouve rapidement incapable de suivre le groupe (Chen & al., 2014). C’est pourquoi, à nos yeux, la décision d’effectuer la transition vers ce mode d’enseignement doit être prise en connaissance de cause.

Nous nous permettons aussi une mise en garde contre une dérive possible de ce type de remodelage de la classe. Utiliser les technologies pour diffuser de grandes portions de cours magistraux où l’apprenant est passif devant son écran d’ordinateur plutôt que passif devant son professeur qui soliloque n’est pas ce que nous considérons comme une utilisation constructive des TIC. Une utilisation optimale de ce contexte pédagogique serait plutôt celle où l’apprenant est en recherche de réponses, où il doit interpréter le matériel pour construire sa propre définition d’un concept à l’étude, autrement dit, lorsqu’il est en mode de résolution de problème. L’utilisation de notes de visionnement ou de schémas (Bélanger, 2013) pourrait être une solution, mais nous entrevoyons une autre façon de procéder qui pourrait être intéressante. Nous élaborerons sur celle-ci dans notre section « discussion ».