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6.  Discussion 132 

6.3.  Connaître la perception des causes de l’échec à l’ÉUM ou au cours d’HÉC 140 

L’analyse des propos tenus en réponse à nos questions ouvertes nous permet de mieux connaître la perception qu’ont les apprenants des causes de leur échec.

Les répondants nous ont esquissé le portrait de l’enseignant jugé par eux indésirable. Parmi les reproches adressés, il fut mentionné que certains enseignants ne variaient pas de méthode d’enseignement, géraient mal leur temps en classe et déviaient du sujet à l’étude. Nous pouvons donc déduire que, pour nos répondants, un bon enseignant devrait utiliser diverses approches didactiques, avoir une bonne planification annuelle – et s’y tenir – et être apte à générer chez leurs élèves du sens aux enseignements prodigués. Dans leurs propos, les répondants mentionnent explicitement établir une relation entre les efforts qu’ils fournissent et l’affectivité qu’ils ressentent envers l’enseignant ou l’histoire comme discipline scolaire.

On note en effet une certaine amertume chez plusieurs élèves envers l’autorité qu’ils interprètent comme étant le ministère de l’Éducation. Ce sentiment peut aisément se comprendre puisque c’est dû à l’échec de l’épreuve unique produite par le ministère de l’Éducation que ces élèves doivent faire des cours de rattrapage. Les répondants critiquent le niveau de difficulté du cours d’HÉC, de l’épreuve unique ainsi que la formulation à leurs yeux alambiquée des questions de l’ÉUM. Ce dernier point est en accord avec le fait que 62,7 % de la population étudiée considèrent avoir des difficultés dans la compétence de compréhension de textes du domaine du français.

À ce propos, les répondants évoquent un phénomène fort intéressant : le choc entre les habitudes de la classe et celles associées à la passation de l’épreuve unique. Ils expriment un manque de préparation pour l’ÉUM puisqu’ils considèrent que les habitudes établies en classe ne les ont pas préparées au style des questions de l’ÉUM.

Les participants ont aussi ciblé le programme d’étude et les diverses controverses entourant celui-ci. On accuse le programme d’endormir leur intérêt par son aspect répétitif et de comporter un nombre élevé d’éléments à mémoriser pour l’ÉUM. Nous espérons qu’avec le remodelage du cours d’histoire de deuxième cycle, ce défaut ne soit bientôt plus d’actualité.

Pour certains de nos répondants, c’est le manque de sens de l’apprentissage de l’histoire qui leur faisait défaut. Après quatre cents heures d’étude de cette matière à l’école secondaire, la raison même de l’intérêt d’étudier ce sujet à l’école leur échappe encore. Considérant que l’apprenant ne voit pas de sens à ses apprentissages en histoire, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il y excelle. Ceci s’applique à environ 10 % de la population des cours d’été pour qui le fait de ne pas aimer l’histoire est une cause suffisante pour expliquer leur échec.

6.3.1. La mémorisation

La lourdeur de la tâche d’étude et la grande quantité d’éléments que les participants considéraient devoir mémoriser pour l’épreuve unique a été un thème récurrent dans leurs propos. La compréhension globale de la matière n’est pas suffisante, à leurs yeux, pour avoir une chance de réussir l’ÉUM. La perception que ces répondants ont de l’histoire est un récit de faits et de détails à mémoriser. Toutefois, on retrouve dans leurs propos peu de mentions de mémorisation de dates – un type de connaissance pourtant très intimement lié à l’étude l’histoire –, c’est plutôt l’idée d’une grande quantité de détails qui domine dans les propos. Plusieurs mentionnent un lien direct entre l’histoire et la mémorisation. Ces répondants se sont préparés à une épreuve de « par cœur » : ils cherchaient à montrer leurs capacités à retenir des informations plutôt qu’à démontrer leurs compétences en histoire ou leur compréhension des phénomènes abordées dans l’épreuve. À la suite de l’analyse de notre corpus, il semble que plusieurs élèves en échec ont développé une vision positiviste de l’histoire, où ils cherchent à mémoriser un récit événementiel vrai et fixe. Or, cette idée peut nuire à la réussite car l’élève, avec une telle préconception, n’aborde pas les exercices d’analyse critique des documents historiques dans un état d’esprit favorable à la compréhension interprétative de ceux-ci.

Cette méprise épistémologique à l’égard de l’histoire peut mener à la situation paradoxale où l’apprenant ne développe pas ses compétences d’analyse historique, car on ne lui a pas fait réaliser que c’est un des buts principaux recherchés dans l’apprentissage de cette discipline. Par conséquent, l’apprenant, lorsqu’il est confronté à l’épreuve unique ministérielle, ne comprend pas qu’il doit démontrer ses compétences car, dans sa représentation de l’histoire, il devait prouver sa capacité à mémoriser des faits et des détails.

6.3.2. La possibilité que des échecs soient associés à des problèmes avec la pensée combinatoire et formelle

Notre recherche concernant la perception des causes de leur échec par les apprenants, il est donc difficile d’utiliser les données obtenues pour tracer un lien direct entre les problèmes de combinatoires et de pensée formelle. Considérant que la connaissance de ces concepts ne fait pas partie des connaissances habituellement maitrisées par des adolescents québécois, on comprend aisément pourquoi aucun de nos répondants n’a affirmé noir sur blanc avoir des difficultés avec la pensée formelle ou combinatoire. Néanmoins, la grande quantité de participants mentionnant avoir « toujours eu des problèmes en histoire », ceux qui précisent que c’est la « compréhension » de celle-ci qui leur fait défaut, les difficultés évoquées pour répondre à la question à développement ainsi que les répondants considérant avoir des difficultés en compréhension de textes nous laisse songeuse. Si la présente recherche ne permet que d’esquisser un lien diffus entre l’échec et la pensée formelle et combinatoire, les propos recueillis nous permettant d’entrevoir qu’il y a ici une piste explicative à explorer pour une recherche future.

De fait, ce que notre corpus permet de déterminer à ce sujet, c’est que les propos des élèves qui nous indiquent des pistes de difficulté de pensée formelle ou combinatoire sont souvent associés à l’idée de la mémorisation (encore une fois). Au regard des propos recueillis, nous considérons envisageable que le lien avec les problèmes de pensée combinatoire et formelle se trouve dans la réalisation – ou non – par l’apprenant des actions à poser dans la tâche attendue à l’ÉUM en histoire. Soit ceux-ci ont peu développé la pensée formelle et combinatoire durant leur parcours d’étude, car ils ont compensé par la mémorisation, soit ils n’en ont pas fait la démonstration, car ils se croyaient dans un mode d’évaluation de mémorisation.

6.3.3. Lien entre la modération ministérielle et l’échec des apprenants

Nous avions émis l’hypothèse suivante : « [n]ous nous attendons à noter une relation entre la modération ministérielle des notes et la présence des élèves dans les cours d’été ». Dans notre population, huit cas mentionnent explicitement la majoration dans la question ouverte comme étant une explication à leur échec. Seulement sept élèves, selon notre classement, se sont retrouvés inscrits à des cours d’été après avoir obtenu des résultats sécurisant durant l’année scolaire. Il y a donc une relation entre l’échec et la modération ministérielle, mais son impact nous semble modéré.

6.3.4. L’amertume et le bris du contrat éducatif

Une de nos hypothèses mentionnait qu’il était envisageable que les réponses à la question ouverte par certains élèves reflètent, chez eux, les conséquences du « bris du contrat didactique » (Chevallard, 1992; Lamine, 2000) (amertume, frustration, etc.). Ceci a été observable dans toute l’analyse de la question ouverte, mais encore plus particulièrement dans les réponses abordant le thème « critique » et le thème « bris du rapport au(x) savoir(s) ». Cela nous pousse à conclure que notre hypothèse est confirmée.