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1.1 L’uranium

1.1.8 Neurotoxicité de l’uranium

1.1.8.3 L’uranium et troubles des fonctions cérébrales

L’uranium est un métal lourd ayant une neurotoxicité et étant connu pour engendrer des troubles du comportement.

1.1.8.3.1 Études épidémiologiques

Des états de dépression, d’agitation ou encore des perturbations moteur ou dans le langage (How-land 1948), ainsi que des pertes de mémoire, des problèmes visuels et une exacerbation de la fatigue (Kathren et Moore 1986) ont été observés chez des travailleurs exposés par inhalation à de fortes concentrations d’uranium (40-50 mg d’uranium naturel).

Des études épidémiologiques sur des vétérans de la guerre du Golfe, exposés essentiellement par blessure et incorporation de fragments d’uranium appauvri, ont mis en évidence une diminution des capacités cognitives 7 ans après l’exposition à l’uranium. Cette diminution est corrélée avec un taux élevé d’uranium au niveau urinaire (Mc Diarmid et al. 2002). Cependant, des études à plus long terme révèlent que 12 à 20 ans après exposition ces effets ne sont pas confirmés (Mc Diarmid

et al. 2006,Squibb et Mc Diarmid 2006,Mc Diarmid et al. 2007,Mc Diarmid et al. 2009,Mc Diarmid

et al. 2011,Mc Diarmid et al. 2013). De plus, les fragments retrouvés ne contiennent pas que de l’uranium, mais également du plomb, du zinc, du fer et du cuivre (Squibb et al. 2012) qui peuvent conduire également à des troubles cognitifs. De plus, les vétérans ont subi de nombreux troubles

psychologiques et stress pendant la guerre qui peuvent exacerber les troubles cognitifs observés. Les troubles comportementaux mis en évidence peuvent donc avoir plusieurs origines.

Un autre cas de contamination à l’uranium a été reporté chez un homme exposé quotidiennement à une barre d’uranium sous forme de presse-papier pendant 3 ans. Les examens biologiques et cli-niques de cet homme ont révélé la présence d’uranium dans ses fèces et ont montré des pertes d’équilibre, des faiblesses musculaires ainsi qu’une atrophie des membres (Goasguen et al. 1982).

Ces données démontrent que d’autres études épidémiologiques sont nécessaires pour établir un lien direct entre l’exposition à l’uranium et les troubles cognitifs. Les études expérimentales réali-sées sur l’uranium permettent d’étayer les conclusions de ces études épidémiologiques.

1.1.8.3.2 Effets de l’uranium sur le comportement à l’âge adulte

Des études expérimentales ont donc été conduites afin d’évaluer les effets de l’uranium sur le com-portement avec différents modes d’exposition (l’ingestion, l’inhalation et l’injection), différentes concentrations, spéciations et isotopes de l’uranium. Ces données ont mis en évidence quatre ca-tégories majeures de troubles observés, à savoir des troubles de la locomotion, du cycle veille som-meil, des perturbations de la mémoire ainsi que des troubles de l’anxiété.

1.1.8.3.2.1 Locomotion

Après inhalation de particules d’uranium appauvri entre 0,5 et 18 mg d’uranium par m3à raison de 8 heures par jour et 5 jours par semaine pendant 5 semaines, des signes neurologiques ont été ob-servés, tels qu’une instabilité dans la marche et une lassitude chez des chiens et des chats (Berke et Rothstein 1949). Des troubles locomoteurs ont aussi été observés chez le rat 1 jour après inhalation de 190 mg d’uranium appauvri par m3à raison de 30 minutes par jour et de 4 jours par semaine pendant 3 semaines (Monleau et al. 2005).

Cent cinquante jours après implantation de 4 ou 20 fragments d’uranium appauvri dans le muscle de rats, ceux-ci ne présentent pas de troubles de l’activité locomotrice, ni des réflexes auditifs et de l’interaction sociale (Arfsten et al. 2007). En revanche, des injections répétées à la concentration de 0,1 ou 1 mg d’uranium appauvri par kg pendant 7 jours perturbent la coordination motrice des rats (Abou-Donia et al. 2002).

Une augmentation de l’activité locomotrice seulement chez les rats mâles a été mise en évidence dans plusieurs études dans lesquelles les rats boivent de l’uranium appauvri à raison de 4, 8 ou 10 mg/kg par jour pendant 2 semaines, 3 et 6 mois (Belles et al. 2005,Briner et Murray 2005).

Ces études montrent donc que l’uranium induit des perturbations locomotrices après différents mode de contamination.

1.1.8.3.2.2 Cycle veille/sommeil

Une diminution de la quantité de sommeil paradoxal a été observée 3 jours après injection de 144µg d’uranium appauvri par kg. Cet effet est dû à une diminution du nombre et de la durée des phases du sommeil paradoxal (Lestaevel et al. 2005).

Après ingestion d’uranium enrichi à la concentration de 2 mg/kg par jour pendant 1 et 2 mois ont montré une augmentation du sommeil paradoxal chez le rat. Cette augmentation est due à une augmentation du nombre de phases de sommeil paradoxal et non à une augmentation de la durée de cette phase (Born et al. 1991).

1.1.8.3.2.3 Fonctions cognitives

L’uranium induit également des troubles des fonctions cognitives. L’injection intra musculaire à la dose de 1 mg d’uranium appauvri par kg engendre des troubles rapides mais transitoires de la mémoire de travail (Barber et al. 2007). Une diminution de cette mémoire a aussi été observée 6 jours après inhalation de 190 mg d’uranium appauvri par m3pendant 3 semaines (Monleau et al. 2005).

L’exposition chronique à l’uranium enrichi 4 % à la concentration de 2 mg/kg pendant 1,5, 3 et 9 mois entraîne une diminution de la mémoire spatiale (Houpert et al. 2005,Houpert et al. 2007). L’exposition à l’uranium appauvri dans les mêmes conditions n’entraîne pas de perturbation de la mémoire spatiale (Houpert et al. 2005). Ces résultats montrent que l’uranium enrichi affecte la mémoire médiée par l’hippocampe.

Chez des souris pour lesquelles le gène de l’apolipoprotéine E, un transporteur de lipides étant fac-teur de risque dans la maladie d’Alzheimer, a été inhibé, l’exposition à 2 mg/kg/jour d’uranium appauvri pendant 3 mois entraîne également une diminution de la mémoire spatiale, indiquant que l’exposition à l’uranium aurait un effet accélérateur des troubles liés à la maladie d’Alzheimer (Lestaevel et al. 2014).

1.1.8.3.2.4 Troubles émotionnels

Très peu d’études se sont intéressées aux troubles émotionnels induits par l’exposition à l’uranium. Néanmoins, une augmentation de l’anxiété a été mise en évidence chez des rats exposés à l’uranium enrichi à 2 mg/kg/jour pendant 45 jours alors que dans les mêmes conditions, l’uranium appauvri n’induit aucun effet significatif (Houpert et al. 2005). Le comportement de type dépressif ne semble

pas modifié suite à l’ingestion d’uranium enrichi à 2 mg/kg/jour pendant 3, 6 ou 9 mois (Houpert

et al. 2007).

L’ensemble de ces études a donc mis en évidence des effets de l’uranium sur les fonctions cérébrales après exposition à l’âge adulte. L’uranium enrichi semble engendrer plus d’effets que l’uranium appauvri dans les mêmes conditions expérimentales.