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3. Questions concernant la gestion des objectifs de lecture & la gestion de la compréhension/l’intégration des nouvelles informations aux connaissances

4.3. S CHÉMA STRATÉGIES DE LECTURE

4.3.2. L ES STRATÉGIES D UM LECTIO

La phase Dum lectio, telle qu’elle est ici envisagée, est la phase la plus complexe de la lecture, tant par le nombre de stratégies de lecture disponibles que par les nombreuses interactions possibles entre chacune d’entre elles.

Quatre principaux types de stratégies Dum lectio peuvent être utilisées et les nom- breuses flèches du schéma montrent qu’il n’y a pas de porte d’entrée prédéfinie, ni même de stratégie par laquelle tout lecteur doit nécessairement commencer. Bien sûr, il faut commencer — à un moment ou à un autre — à lire le texte, mais rien n’empêche le lec- teur de commencer sa lecture en utilisant une stratégie pour vérifier la compréhension partielle du texte obtenue en effectuant un survol du texte lors de la phase Ante lectio; ou encore en utilisant une stratégie qui lui permettra d’établir rapidement de nouveaux sous- objectifs de lecture mieux adaptés à la situation ou au texte qui se présente à lui.

Les quatre principaux types de stratégies concernent donc :

l’établissement de sous-objectifs de lecture et/ou de questions de lecture; l’établissement ou le raffinement des prédictions et l’anticipation de la sui-

te du texte;

l’identification des éléments importants du texte la vérification de la compréhension.

À ces quatre types de stratégies s’ajoute un dernier type de stratégies qui n’entre gé- néralement en fonction qu’en cas d’incompréhension. Il s’agit des stratégies de répara-

tion du sens.

Établissement de sous-objectifs de lecture et/ou de questions de lecture

L’établissement de sous-objectifs ne fonctionne pas différemment de l’établissement d’objectifs Ante lectio. Il s’agit exactement des mêmes stratégies, mais utilisées pendant la lecture pour :

• raffiner les questions de lectures ou pour les reformuler à la lumière des nou- velles informations tirées du texte;

• formuler de nouveaux buts de lecture ou de nouvelles questions de lecture.

Selon Baccino (2004), « la compréhension n’est possible que si le but initial [de lec- ture] est maintenu actif tout au long de la lecture, car il permet à chaque instant de calcu- ler la cohérence de l’information locale par rapport au contenu global du document » (p. 197). Blachowicz et Ogle (2001), Cornaire (1991), Palincsar et Brown (1984; 1986) et Pressley et Afflerbach (1995) affirment quant à eux qu’il est préférable pour le lecteur de poursuive le raffinement et la reformulation des buts de lecture, sans quoi la lecture pour- rait s’en trouver grandement complexifiée si les buts de lecture initiaux ne correspondent pas au texte.

Établissement/raffinement des prédictions

Selon Michael Pressley et Peter Afflerbach (1995), l’anticipation ou la prédiction ef- fectuée pendant la lecture du texte sont stimulées par différents indices dans le texte comme des mots-clefs ou des structures particulières.

Lorsque les prédictions du lecteur s’avèrent, la lecture est alors généralement plus ra- pide et la compréhension plus facile. Dans le cas contraire, si les prédictions du lecteur sont contredites par le texte, il peut alors s’agir soit d’un indice que le lecteur n’a pas compris ce qu’il a lu ou qu’il devra peut-être corriger ses connaissances antérieures.

L’établissement de prédictions peut donc servir, selon la situation, à vérifier ou confirmer la bonne compréhension du texte et à engager les stratégies réparatrices de sens s’il y a incompréhension. Cette stratégie peut également permettre au lecteur d’identifier les informations les plus importantes du texte :

• en gardant en mémoire de travail celles qui confirment les prédictions du lec- teur;

• en retenant les informations non conformes aux prédictions ou qui les infir- ment complètement parce que dans ce cas, il peut s’agir d’une information tout à fait nouvelle pour le lecteur et/ou contraire à ses connaissances antérieures. Les différentes stratégies qui permettent l’établissement et le raffinement des prédic- tions peuvent, enfin, permettre de raffiner les buts de lecture préexistants ou en formuler de nouveaux si, par exemple, à force de fausses prédictions, le lecteur s’aperçoit qu’il ne connaît ou ne comprend pas plusieurs concepts. Par conséquent, le lecteur placé dans une

telle position pourrait fort bien reformuler ses buts de lecture pour rechercher une meil- leure compréhension des concepts inconnus plutôt que de poursuivre une simple recher- che de données précises, par exemple.

Identification des éléments importants du texte

L’identification des éléments importants du texte va souvent de pair avec une lecture sélective du texte, qu’il s’agisse de l’écrémage, du survol ou même du repérage. Il s’agit d’un processus dynamique qui implique une interaction entre les connaissances préala- bles du lecteur et les caractéristiques du texte.

Selon Giasson (1990), les « lecteurs habiles sont plus flexibles dans leur recherche d’informations importantes : ils se servent à la fois de leur intention de lecture et des in- dices placés par l’auteur pour déterminer l’importance de l’information dans un texte » (p. 75). Frier, Grossmann et Simon (1994) affirment que « c’est la perception que “tout n’est pas au même niveau” qui lui permet [au lecteur] d’identifier les concepts qu’il s’agit en priorité de comprendre et d’apprivoiser dans la durée » (p. 153).

Il existe différentes méthodes pour retrouver les idées principales d’un texte. Le lec- teur peut, par exemple, rechercher les informations qui sont pertinentes pour ses objectifs personnels ou professionnels; il peut décider qu’une partie du texte en particulier ou une autre est particulièrement importante; il peut rejeter une information parce qu’elle ne ca- dre pas avec ses connaissances préalables; il peut rechercher des mots-clefs spécifiques dans le texte, noter des parties du texte ou des références de façon à se les rappeler plus facilement ou à pouvoir la retrouver plus facilement ultérieurement; surligner, encercler des points importants du texte; prendre des notes; décider en toute connaissance de cause de ne pas lire les exemples pour se concentrer sur les explications, etc. (Pressley et Af- flerbach; 1995).

L’identification des informations les plus importantes, ou les plus pertinentes, permet de vérifier la compréhension du texte et l’intégration de ces nouvelles connaissances lorsqu’elles sont comprises. Lorsqu’elles s’avèrent incomprises, le lecteur doit alors en- gager diverses stratégies réparatrices de sens et peut-être alors établir de nouveaux buts de lecture, ou tenter de raffiner ses prédictions.

Vérification de la compréhension

La vérification de la compréhension, comme chacune des autres grandes stratégies de lecture, peut s’effectuer de plusieurs façons. Blachowicz et Ogle (2001) indiquent qu’une façon très sûre de s’assurer de la bonne compréhension d’un texte est de garder une trace, écrite ou orale, de l’essentiel du texte.

L’interprétation du texte peut également servir de stratégie pour vérifier la compré- hension du texte. Le lecteur peut paraphraser différentes parties du texte dans des mots plus familiers ou visualiser les concepts, les relations, les émotions contenues dans le texte (Pressley et Afflerbach; 1995). Une autre façon de procéder peut encore être d’affirmer ou de reformuler ce que l’auteur a réellement voulu dire ou de construire des conclusions interprétatives du texte, etc.

La vérification de la compréhension est essentielle à toute lecture experte. Elle permet d’atteindre les objectifs que s’est fixés le lecteur avant et tout au long de la lecture. C’est elle aussi qui lui permettra de répondre à ses questions. La vérification de la compréhen- sion doit se faire tout au long de la lecture et peut se faire à partir de n’importe quelle autre stratégie, c’est-à-dire à partir :

• de l’établissement de nouveaux sous-objectifs de lecture causé par une incom- préhension du texte ou par une compréhension plus profonde de ce que le lec- teur connaissait déjà;

• de l’intégration de nouvelles informations à la suite de l’application des straté- gies réparatrices de sens, elles-mêmes engagées après une vérification infruc- tueuse de la compréhension;

• du raffinement des prédictions parce qu’elles ne correspondent pas aux don- nées du texte ou parce que ces prédictions ne sont pas assez complètes;

• de l’identification des informations les plus importantes du texte; • etc.

Relecture et utilisation de stratégies de réparation du sens du texte

Selon Duffy et Roehler (1987), les stratégies de réparation du sens sont activées pen- dant la lecture au moindre blocage dans la compréhension, et l’une des stratégies qui

peuvent être utilisées peut être d’attendre tout simplement que le sens se rétablisse de lui- même grâce aux informations qui vont se rajouter au fur et à mesure que la lecture pro- gresse : les lecteurs experts doivent « accepter constamment de naviguer à vue en mettant en attente l’interprétation et en différant la construction du sens » (Frier, Grossmann et Simon; 1994, p. 153). Goigoux (2008), quant à lui, affirme que les « bons lecteurs […] parviennent à conserver leur interprétation ouverte assez longtemps et attendent d’avoir traité toutes les données textuelles pour choisir une interprétation définitive » (p. 183).

Autrement dit — et même s’il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une stratégie de

réparation du sens puisqu’elle permet plutôt au lecteur de différer la construction du

sens —, attendre que le sens se précise peut s’avérer très efficace parce que le lecteur est conscient que les informations qui se trouvent plus loin dans le texte devraient, générale- ment, pouvoir combler les lacunes qui lui posent problème.

Une autre stratégie, selon Pressley et Afflerbach (1995), peut être de prendre une pau- se pour réfléchir au sens du texte et ainsi tenter de trouver, soit dans tout ce qu’il a lu de- puis le début de sa lecture ou dans toutes ses connaissances préalables, l’information manquante.

Le lecteur peut également décider de comprendre à tout prix le mot ou le passage problématique avant de continuer la lecture du texte qu’il a sous les yeux. Dans un cas comme celui-là, il pourrait choisir de vérifier dans le dictionnaire le sens du mot qu’il ne comprend pas ou se lancer à la recherche d’un nouveau texte qui lui expliquera le concept ou l’idée dont le sens lui échappe.

La dernière stratégie que nous souhaitons souligner ici — même s’il existe encore plusieurs stratégies de réparation du sens d’un texte — consiste en une réévaluation com- plète par le lecteur de son interprétation du texte à la lumière d’une nouvelle information. On peut penser à la lecture d’un roman policier, par exemple. Le lecteur peut être obligé de revoir son interprétation de plusieurs faits ou de plusieurs indices à travers tout le texte lorsque le coupable est révélé à la fin de l’ouvrage. Ce genre de situation peut tout aussi bien se produire avec un article scientifique ou tout autre type de texte.

Une fois le sens rétabli, toutes les possibilités de stratégies s’offrent à lui pour la poursuite de sa lecture : il peut décider

• de reprendre sa lecture pour établir de nouveaux sous-objectifs de lecture à la lumière de cette nouvelle information qu’il a comprise;

• d’intégrer cette information particulièrement importante à ses connaissances antérieures;

• de refaire de nouvelles prédictions sur la suite du texte; • etc.