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Répartition des actions PCS par axe (1712 actions, 2011)

5. BENCHMARKING DE LA POLITIQUE DE LA VILLE EN BELGIQUE ET L’ÉTRANGER (VOLET 3)

5.2 L A POLITIQUE DE LA VILLE EN A NGLETERRE

5.2.1 Présentation des principales politiques récentes

En Angleterre, la désindustrialisation a engendré de nombreuses difficultés dans les villes.

Des dispositifs de rénovation et de développement social et économique ont été mis en place pour y répondre. Toutefois, il n’existe pas une seule politique de la ville appelée comme telle et identifiable par un dispositif précis. Par analogie avec la France, on peut mettre l’accent sur la politique du renouvellement urbain (neighbourhood renewal) qui poursuit les mêmes finalités que la politique de la ville française tout en portant sans doute mieux son nom puisqu’il s’agit effectivement d’une politique du renouveau des quartiers défavorisés.

À partir de 1997, les travaillistes impriment de nouvelles orientations à la « politique de la ville », notamment une priorité à l’inclusion sociale et un ciblage sur les zones les plus en difficulté. En 1998, le gouvernement travailliste élabore la National Strategy for Neigh-bourhood Renewal (Stratégie nationale de renouvellement urbain) qui prône des améliora-tions dans 5 domaines-clé : travail/emploi, sécurité, éducation/formation, santé et logement/habitat.

La National Strategy for Neighbourhood Renewal définit 105 objectifs spécifiques, respectivement liés à des indicateurs mesurables (comme la suppression des logements sociaux dégradés d’ici à 2010) et à des cibles (relatives aux vols, aux performances scolaires, à la santé, au nombre de mères adolescentes ou encore à l’emploi, etc.). Tout l’enjeu de cette stratégie est d’atteindre ces cibles et de réduire les écarts entre les zones défavorisées et les autres territoires. Force est de constater que l’attention porte davantage sur la transformation des lieux que sur la mobilité sociale des habitants.

Concernant le processus décisionnel, les autorités locales doivent désormais jouer un rôle plus important, les habitants être davantage associés à la décision, et les programmes être inscrits dans un temps plus long. Il est en outre attendu du renouvellement urbain un effet levier sur les mesures de droit commun touchant les quartiers et leurs habitants, notamment un accroissement – voire une pérennisation – des budgets liés à l’école et aux services sociaux. Notons enfin un dernier enjeu, celui de piloter les politiques publiques par les indicateurs de performance, en mesurant les résultats atteints et l’effectivité des actions menées.

Dans ce cadre, le New Deal for Communities est lancé en 1998. Il ne concerne que 39 quartiers (comptant en moyenne 10 000 habitants) parmi les plus déshérités du pays bénéficiant chacun d’un budget de 35 à 60 millions de livres sterling sur une période de 10 ans pour financer une série de projets visant à améliorer les conditions de vie des résidents.

Outre les moyens exceptionnels qui lui étaient consacrés, au total 2,1 milliards d'euros sur 10 ans, le New Deal for Communities se distinguait des programmes de régénération urbaine antérieurs par son approche globale et bottom-up, ainsi que par sa perspective de développement communautaire. Cette approche s’incarnait dans des comités de pilotage réunissant des élus locaux, des responsables des institutions et services publics intervenant dans les quartiers visés, ainsi que des représentants de leurs résidents qui disposaient de la majorité des voix, ce qui leur assurait la maîtrise de la définition des priorités et de la programmation.

Le but étant de combler le fossé entre ces quartiers et le reste de la ville, et notamment d’y améliorer la qualité du service public, les partenariats gèrent tout le processus de changement, depuis l’identification des priorités à la mise en œuvre de stratégies sur un terme de 10 ans. Les projets menés sont très divers : aide extra-scolaire, mise en place d’un bus communautaire, d’une équipe locale chargée de promouvoir la sécurité, actions en matière de déchets, …

En 2001, cette stratégie est révisée et étendue. Un nouveau programme, le Neighbourhood Renewal Fund (le Fonds pour la réhabilitation des quartiers) est mis en place avec pour objectif de réduire les inégalités socio-spatiales à une échelle plus large. Les 88 quartiers britanniques concentrant le plus grand nombre de quartiers défavorisés sont concernées par ce programme qui s’organise autour d’une centaine d’objectifs nationaux de réduction des écarts territoriaux, assortis d’indicateurs et de valeurs minimales à atteindre (floor targets).

Cette nouvelle politique bénéficie de lignes de crédits dédiés mais privilégie, pour atteindre ses objectifs, la mobilisation et la mise en cohérence transversale des politiques de droit commun dans le cadre de « partenariats stratégiques locaux ». Réunissant les autorités locales et les principaux services publics (écoles, police, agences pour l’emploi, services sociaux, bailleurs sociaux…), ces partenariats stratégiques locaux devaient établir un projet traduisant localement la stratégie nationale de réduction des écarts territoriaux, et rendre compte de l’évolution de dizaines d’indicateurs suivis en continu par plusieurs agences gouvernementales. Les performances des partenariats étaient en outre contrôlées annuellement par une commission d'audit dont les rapports étaient redoutés par les élus et les fonctionnaires qui s’exposaient, en cas de performance insuffisante, à des sanctions ou à l’obligation de sous-traiter les services défectueux. Au contraire du New Deal for Communi-ties, cette politique relevait d’une logique technocratique et descendante, organisant un contrôle centralisé et une mise sous pression des autorités et des services publics locaux.

Les moyens sont également beaucoup moins concentrés : 25€ par habitant et par an contre près de 5000€ par habitant pour le New Deal for Communities.

Outre le Neighbourhood Renewal Fund et le New Deal for Communities, la National Strategy for Neighbourhood Renewal comporte d’autres programmes visant par exemple à réhabiliter le parc de logements (Housing Market Renewal), à désigner des responsables/gardiens de quartier (Neighbourhood Wardens), et à améliorer les services publics locaux via l’approche dite des « éclaireurs » (Neighbourhood Management Pathfinders).

En 2006, dans un contexte de mécontentement du gouvernement face aux résultats du New Deal for Communities, y compris dans les quartiers les plus exemplaires, un nouveau programme est lancé, le Mixed Communities Demonstration Programme. Ce programme se distingue en mettant clairement l’accent sur la mixité sociale. Il est censé apporter des améliorations dans les domaines de la santé, de l’environnement et des services. Clairement fondé sur l’idée que la concentration de la pauvreté créerait ses propres dynamiques négatives, il fait de la diversité sociale un objectif à atteindre. Si les déclarations du gouvernement sont le signe d’une forte volonté de promouvoir la mixité sociale, l’engagement semble toutefois plus mesuré à la lecture des financements alloués à ce programme. Aucun financement supplémentaire ne lui est en effet attribué. Cette politique apparaît donc très symbolique, l’enjeu portant principalement sur le changement d’image des quartiers ciblés. On doit noter le scepticisme de certaines personnes, habitant ou travaillant dans ces quartiers, par rapport aux politiques de mixité sociale en raison des effets de gentrification13.

À partir de 2007, un certain nombre de programmes de renouvellement urbain – surtout les plus anciens – sont remplacés par le Working Neighbourhoods Fund (Fonds pour l’emploi dans les banlieues), principalement dédié à l’emploi et doté de 1,8 milliard d’euros. Signe d’un certain découragement, le gouvernement s’oriente désormais vers une logique plus sectorielle, s’écartant de la logique intégrée et territorialisée combinant les secteurs et les sources de financement.

En 2010, avec l'arrivée des Conservateurs au pouvoir, les politiques de renouvellement urbain et de mixité sociale sont abandonnées, sans remplacement. Les politiques menées au Pays de Galles, en Écosse et en Irlande du Nord, qui différent de celles appliquées en Angleterre, ont quant à elle été en partie maintenues.

13 Phénomène urbain par lequel des arrivants plus aisés s'approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés, transformant ainsi le profil économique et social du quartier au profit

5.2.2 Évaluation

L’évaluation finale de la National Strategy for Neighbourhood Renewal, assise pour l’essentiel sur des analyses statistiques, conclut que beaucoup d’objectifs ont été atteints. Au regard des indicateurs mis en place, les écarts entre les quartiers ciblés par la NSNR et la moyenne nationale se sont nettement réduits (de moitié pour les cambriolages ; de quelques points de pourcentage pour le chômage). Entre 2001 et 2007 le niveau d’éducation et le taux de criminalité s’améliorent dans la plupart des régions du pays, la réduction des écarts est particulièrement nette entre les quartiers concernés par la National Strategy for Neigh-bourhood Renewal. En outre, les quartiers comparables à ceux ciblés par le National Strategy for Neighbourhood Renewal mais non couverts par ce programme ont moins progressé que ces derniers.

Ces résultats a priori positifs méritent toutefois d’être nuancés. En effet, les évolutions observées dans le champ de l’emploi et de la santé sont moins significatives et, quel que soit le secteur considéré, les améliorations semblent moins nettes dans les quartiers défavorisés comportant une part élevée de logements sociaux. Il est à craindre qu'une part des améliorations soit la conséquence d'un remplacement de population et non d'une amélioration des conditions de vie des habitants. À ce titre, on peut regretter qu’aucune enquête ne permette, à ce jour, d’objectiver précisément la mobilité sociale des habitants originels des quartiers. Les résultats de la National Strategy for Neighbourhood Renewal étant principalement mesurés en fonction des écarts socio-économiques observés entre les quartiers ciblés et d’autres territoires.

L’évaluation finale des New Deal for Communities n’en demeure pas moins positive, surtout en ce qui concerne la transformation physique des quartiers. Ainsi, sur 32 des 36 indicateurs

« clés » mesurant cette « transformation », les écarts entre les quartiers ciblés par le New Deal for Communities, leur environnement, et la moyenne nationale, se sont réduits. D’après certains indicateurs, les quartiers ciblés auraient même connu davantage de progrès que d’autres zones comparables d’un point de vue socio-économique.

Cependant, il faut également prendre en compte que les améliorations dans les secteurs de l'éducation, de la santé, de l'emploi et dans d'autres domaines ne sont pas exclusivement le résultat des politiques de renouvellement urbain. Par exemple, les écoles des quartiers pauvres ont été les principales bénéficiaires de programmes plus généraux visant à améliorer la qualité et à réduire les inégalités. De même, les taux de chômage ont chuté bien plus rapidement dans les environs de Londres et dans les autres grandes villes que dans les plus petites villes, les régions côtières et rurales. Ceci suggère que les différences économiques régionales, les migrations, les mécanismes d'attribution des logements et le développement urbain sont aussi importantes pour expliquer les évolutions constatées dans les quartiers défavorisés que les politiques de renouvellement urbain.

5.2.3 Recommandations

L'évaluation de la National Strategy for Neighbourhood Renewal14 a produit une série de recommandations en matière de politiques de renouvellement urbain:

• les politiques doivent s'inscrire dans un cadre plus large, elles doivent en particulier être associées aux politiques de logement et à celles de développement économique ;

• les interventions doivent être adaptées aux caractéristiques individuelles des quartiers concernés et aux marchés du travail et du logement locaux ;

• l'amélioration de la situation des quartiers défavorisés est un objectif de long terme et la continuité des politiques menées est essentielle ;

• un budget additionnel avec un mode de fonctionnement souple doit être prévu pour mettre les différents partenaires ensemble et pour apporter de la flexibilité aux actions mais les ressources financières doivent être soigneusement ciblées en évitant le saupoudrage ;

• l'accent doit être mis sur la lutte contre le chômage ;

• la concentration des actions sur les seuls quartiers défavorisés doit être une priorité.