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L’Outil dans le dispositif de l’autoformation

Demaizière et Dubuisson mettent en avant l’aspect social de la formation : la composante sociale et humaine ne saurait être négligée. Les dispositifs de formation récents, montés avec sérieux, cherchent à intégrer des périodes de regroupement, un suivi du travail de l’apprenant par un tuteur, des modes de communication entre apprenant et formateur ou entre apprenants inscrits à une même formation.195

Cet aspect ne doit en aucun cas être coupé de la formation ou remplacé par l’utilisation de l’EAO. Le travail sur l’EAO peut être un point de départ d’une discussion entre l’apprenant et le tuteur (tel qu’il est conçu à Lyon 1), ce qui valorise la formation.

L’EAO est un outil qui peut servir à débloquer un apprenant car il met l’apprenant seul face à lui-même. Mais il ne peut pas remplacer l’homme. Et en même temps, il ne faut pas l’utiliser dans un contexte « de vide social et affectif ».196 Son rôle innovant serait accompli dans un dispositif de « travail en centre de ressources à horaires flexibles, diversification des parcours possibles pour atteindre un objectif de formation adapté aux attentes de chacun, etc. »197

Il est important de rappeler que les utilisateurs de notre création sur outil multimédia sont des étudiants qui suivent des cours de langues avec un enseignant. Le travail qu'ils font sur multimédia est intégré à un parcours individualisé et non à un groupe-classe.198 Ces deux aspects doivent écarter certains types d'outils.

Il faut d'abord écarter les outils qui feraient double usage avec le cours de langue. Tout ce qui est centré sur la situation de communication, par exemple, se fait mieux en atelier de communication que sur multimédia. Il faut aussi écarter les outils qui favoriseraient un travail guidé sur place par un enseignant. Un exemple serait un module qui n’a pas d’instructions explicites. Ce type de module pourrait servir à plusieurs objectifs ou activités et nécessite l’explication de l’enseignant pour que l’utilisateur puisse fournir un travail adéquat.

195 Demaizière et Dubuisson, 1992, p. 121.

196 Op. cit., p. 122.

197 Op. cit., p. 123.

198 voir plus haut « Situer les centres de ressources langues à l’Université », chapitre III. D.

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En revanche, des outils qui appuient le travail de l'enseignant en cours sont envisageables. Plusieurs facteurs entrent en compte, notamment celui du contenu du cours. Il est connu uniquement par l’enseignant. Les concepteurs de modules ne peuvent pas connaître ce que met chaque enseignant dans chacun de ses cours. La situation idéale par rapport aux recherches actuelles pour les apprenants serait un dispositif avec deux volets : un atelier de communication et un parcours individualisé. Dans l'atelier, le travail de communication se fait par petits groupes car le travail de négociation même entre apprenants peut améliorer l'accent, le vocabulaire, la grammaire et la compréhension - et notamment la grammaire!199 Durant le parcours individualisé, il est nécessaire d'avoir de l'input authentique pour un travail de précision. Dans ce cadre, le multimédia peut apporter tous types d’input (oral, écrit, vidéo) en ayant un travail de précision à faire pour chaque type de document. C’est le système que nous avons adopté et décrit en partie dans le chapitre 3.

S'il est vrai que l'apprentissage des langues se fait par des étapes très précises malgré la séquence à laquelle la langue est enseignée, l'enseignement peut être utile quand il intervient au bon moment,200 le « bon moment » étant celui où se trouve l’apprenant quand il est prêt à apprendre ou quand il ressent un besoin de connaître une structure ou une forme de la L2. Il est inimaginable de demander aux enseignants de revoir tous les points d'une langue régulièrement pour tenter de toucher les étudiants qui sont prêts à recevoir l'information. Rod Ellis émet un doute sur la possibilité d'incorporer un enseignement très individualisé : même si on arrivait à repérer le niveau d'acquisition d'un apprenant dans une séquence d'acquisition déterminée, « practical problems would remain regarding how to ensure that learners at disparate levels of development received the right instruction at the right time. This would call for individualized teaching of a highly sophisticated kind. »201 Néanmoins, c’est une possibilité de l'outil multimédia d’intégrer le plus grand nombre de formes pour les rendre accessibles au moment où l'apprenant en a besoin. Nous pouvons imaginer un outil qui permettrait à chaque étudiant de retrouver rapidement le type de travail essentiel à son « niveau d'acquisition ». Bien que l'on ne soit pas encore capable de déterminer avec précision les niveaux d'acquisition et les séquences dans l'apprentissage des langues, les enseignants ont toujours su retrouver les problèmes de chaque étudiant

199 Lightbown et Spada, 1993, p. 82

200 Ellis, R., 1990, pp. 152-158.

201 Ellis, R., 1990, p. 168.

au niveau de la structure et de la forme de la langue. Avec plus ou moins de précision, l’enseignant peut dire, en écoutant un apprenant, si une certaine forme ou structure est acquise, en cours d’acquisition, ou non acquise. Avec ces données, un enseignant peut définir le travail que l'étudiant doit encore fournir pour progresser. En prenant ces données et en choisissant les points qui lui semblent les plus pertinents, l’apprenant peut les travailler en autoformation. Néanmoins, si l’apprenant n’est pas prêt à apprendre une certaine structure ou forme, il ne pourra pas l’acquérir malgré le travail individuel qu’il va fournir. Il faut toutefois que l’apprenant ait accès à un travail sur les structures qu’il ne maîtrise pas encore. L'accessibilité à chaque structure dans un document médiatisé doit être assurée dans la conception de l'outil multimédia pour répondre à l’éventualité qu’un apprenant soit justement à ce niveau d’acquisition.

Ellis suggère que l'enseignement peut rendre les apprenants conscients de l'existence des formes, sans pour autant savoir quand ni comment les utiliser. Ainsi, quand il sera prêt, il aura déjà cette « declarative knowledge » et pourra l’utiliser pour l’étape suivante qui est procédurale.202 L'outil multimédia peut aussi jouer le rôle d'amener l'apprenant vers des connaissances qu'il n'est pas encore en mesure d'utiliser.

Quand Narcy soutient qu'il faut présenter les formes complexes en même temps que les formes dites simples,203 il va dans le même sens qu’Ellis.

Declarative knowledge serves as a facilitator of ultimate procedural knowledge by helping to make forms salient that would otherwise be ignored by the learner. Conscious knowledge of marked forms may help to accelerate learning and may also be necessary to prevent fossilization.204

Cet aspect de l'apprentissage d'une langue peut être traité avec un outil multimédia bien conçu. L'important reste son accessibilité pour l'utilisateur. Il doit pouvoir atteindre facilement les modules qui traitent des formes qu'il veut découvrir ou redécouvrir. Ceci peut être possible dans un menu bien conçu. Encore faut-il concevoir un outil qui incorpore un grand nombre de formes.

202 Op. cit., p. 169.

203 Narcy, in Ginet, 1997, p. 61.

204 Ellis, R., 1990 p. 170.