• Aucun résultat trouvé

L’obligation de prendre en charge

Dans le document La protection des mineurs non accompagnés (Page 68-71)

Paragraphe II : La création de dispositifs complémentaires au droit commun

A- Des responsabilités accrues reposant sur le département

1- L’obligation de prendre en charge

Le législateur a imposé dès la création de la protection de l’enfance, une obligation de prise en charge des enfants en danger. Comme vu précédemment, cette obligation découle de l’article L112-3 du CASF91. Il n’existe pas de distinction entre les MNA et les mineurs étrangers face à cette obligation. En effet, le département doit prendre en charge tous les mineurs sans distinction de leur origine, sexe ou encore de leur religion. Tout mineur en danger doit être considéré comme tel par le département. Il ne peut pas refuser la protection d’un MNA. Ces mineurs particuliers sont avant tout des enfants qui ont besoin d’une aide importante en raison de leur isolement. De plus, le CEDH a pu préciser dès 2011, que les MNA sont des enfants d’une vulnérabilité extrême. Cela justifie d’autant plus l’obligation de prise en charge par le département. La protection de l’enfance est liée à la situation de danger des enfants et à leur vulnérabilité. Ainsi plus cette vulnérabilité est grande plus la protection de l’enfance doit pouvoir être mise en œuvre facilement. Cette obligation

91 Article L112-3 alinéa 1 CASF « La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins

fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et sociale et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation dans le respect de ses droits. »

est une garantie de la protection de l’enfance, une fois qu’une mesure de placement est prononcée, elle sera nécessairement mise en place.

Il arrive parfois que des départements veulent se soustraire à cette obligation. Cette soustraction n’existe jamais pour les mineurs français mais elle peut arriver en cas de MNA. Les mineurs français ne seront pas touchés par des limitations de la protection de l’enfance, sauf en cas de restriction budgétaire du département. En effet, cette collectivité doit établir un budget annuel et selon la politique du département, le budget alloué à la protection de l’enfance peut être minimal. Cela va poser problème pour la prise en charge des MNA. Les fonds étant infimes, le département va souhaiter faire primer les enfants français en danger sur son territoire. La politique du département va limiter la possibilité de prendre un nombre important de mineurs dans la protection de l’enfance. Cette restriction budgétaire pour ce service touche les mineurs. Cependant, ce choix politique se fait souvent dans le but de ne pas prendre en charge des MNA.

Outre les choix budgétaires, l’arrivée massive des MNA pose un problème important de capacité d’accueil. En effet, chaque service départemental possède un nombre de places limitées dans les foyers, établissements sanitaires et d’éducation ainsi que des familles d’accueil. Cela forme la capacité d’accueil des enfants dans les services de protection de l’enfance. Le nombre de place est donc limité, c’est aussi pour cela que le placement d’un enfant en danger est subsidiaire en droit commun. Beaucoup de départements ne peuvent pas accueillir tous les enfants français, avec l’arrivée importante des MNA. Dans certains départements, le phénomène s’est découplé et les MNA arrivent massivement. Ces mineurs vont pouvoir être réorientés vers d’autres départements. Néanmoins, il faut noter que l’obligation de prise en charge s’applique aussi aux MNA, il n’est donc pas possible pour les départements de refuser de les accueillir. Ainsi, on se rend compte que depuis plusieurs années, les MNA prennent toutes les places disponibles dans les services de protection de l’enfance, les départements ne sont alors plus capables de prendre en charge de nouveaux mineurs français. En effet, les juges des enfants ne prononcent que des mesures de placement à l’encontre des MNA. Pour obtenir une protection effective de ces derniers, il n’existe pas d’alternative au placement actuellement. A contrario, les mineurs français peuvent faire l’objet de mesures d’assistance éducative autres, le placement n’est pas l’unique solution pour les protéger, même si dans certains cas, il reste la seule issue. Du fait de l’absence de possibilité d’alternative au placement chez les MNA, l’ASE doit les prendre en charge au sein des foyers et des familles d’accueil. Cela ne permet plus de donner une priorité à des mineurs français qui ne peuvent pas rester dans leur famille sans être dans une situation dangereuse. Cet engorgement de l’ASE par les MNA est critiqué par la doctrine mais aussi en politique. Elle va donner lieu à des politiques d’exclusion des MNA. Cela n’est pas une solution pour résoudre ce problème. Il faudrait donner une capacité plus importante de prise en charge aux départements pour que les mineurs français ne soient pas exclus par les MNA ou inversement.

Il faut se rendre compte que certains départements refusent de prendre en charge des MNA quand ils ne disposent pas de places suffisantes pour les mineurs français. Cela n’est pas la seule explication à ce refus de prendre en charge, auquel peut s’ajouter les restrictions budgétaires ou encore les convictions politiques. Les départements ne devraient pas avoir la possibilité de refuser de prendre le placement du mineur. Pourtant cela existe encore, certains départements ne veulent pas accueillir de MNA, notamment suite à un renvoi du MNA en raison de la clé de répartition. Cela vient poser un problème de prise en charge du MNA, le département refusant son accueil, le

mineur ne dispose alors d’aucune protection. Le Conseil d’Etat a été saisi à plusieurs reprises suite à des refus de certains départements. Par quatre décisions du 27 juillet 201692, le Conseil d’Etat a pu condamner cette pratique. Il rappelle l’obligation de prise en charge qui pèse sur le gouvernement. Cette obligation est faite pour protéger les mineurs sans distinction. De plus, l’obligation découle aussi d’une injonction de l’autorité judicaire. Quand le juge des enfants rend une ordonnance de placement, le département ne peut pas se soustraire à cette décision, sous peine d’illégalité du refus. Le Conseil d’Etat va plus loin dans sa condamnation des départements. Il précise que le droit à un hébergement est un droit absolu qui doit être garanti par le conseil départemental. Cette institution ne peut pas refuser de prendre en charge un mineur car en plus d’empêcher une protection du MNA, cela met un terme au droit à l’hébergement du MNA. Ce droit étant absolu, cela signifie qu’aucune atteinte ne peut lui être apportée, même si une justification existe pour cette atteinte.

En outre, il existe une limite à l’obligation de prise en charge reposant sur le département. En effet cette obligation d’aide à l’hébergement est limitée seulement à la protection de l’enfance. Il s’agit ici uniquement d’accompagner des mineurs. Une fois l’âge de 18 ans atteint, la protection de l’enfance s’arrête et donc l’obligation reposant sur le département va s’arrêter avec elle. Ainsi, quand le MNA devient majeur l’obligation s’estompe, il n’existe pas d’exigence pour conclure un contrat jeune majeur avec les MNA sortant de la protection de l’enfance. Il en va de même quand un MNA est déclaré majeur lors de la procédure de détermination de l’âge ou que sa majorité est révélée alors qu’il était pris en charge. Il faut rappeler qu’il arrive parfois que des MNA déclarés mineur lors du processus de détermination de l’âge avouent plus tard être majeurs. Dans ce cas, ils ont souvent fait l’objet d’une mesure de placement. Cette mesure va s’arrêter suite à cette découverte. L’obligation de prise en charge du département est limitée à la condition de minorité uniquement et non à une ordonnance de placement rendue quand il existait un doute sur l’âge de l’intéressé. Le Conseil d’Etat93 a pu rappeler cela. Il précise que l’obligation s’arrête à la majorité du MNA. Selon cette juridiction, quand la majorité du MNA est découverte, le conseil départemental a le choix d’arrêter ou non la prise en charge. Cette possibilité d’arrêter la prise en charge énonce bien la disparition de l’obligation.

L’obligation de prendre en charge les MNA par les départements existent seulement pour les enfants. Le bénéficie de cette obligation s’arrête avec la majorité. Cette obligation pendant la minorité est importante pour assurer la protection des MNA. Elle doit être absolue. Aucune atteinte ne doit être possible. La protection de l’enfance doit encore être adaptée dans sa pratique pour que cette obligation puisse prendre tout son sens. La capacité d’accueil ne doit plus pouvoir jouer contre la prise en charge des MNA. Actuellement, la solution est d’avoir recours à une clé de répartition. Elle n’est pourtant pas la plus efficace et doit être remise en cause.

92 Conseil D’Etat, 1ère et 6ème chambres réunies, 27 juillet 2017, n°40055, n° 40056, n° 40057 et n° 40058, inédit au

recueil Lebon.

Dans le document La protection des mineurs non accompagnés (Page 68-71)