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Des atteintes multiples par la mise en œuvre de l’examen radiologique osseux

Dans le document La protection des mineurs non accompagnés (Page 33-36)

Paragraphe II : L’impossibilité d’une méthode unique de détermination de l’âge

B- Des méthodes portant atteinte aux droits fondamentaux

1- Des atteintes multiples par la mise en œuvre de l’examen radiologique osseux

Pendant longtemps, l’examen du développement pubertaire était au centre des débats sur le non-respect des droits fondamentaux, au profit de la détermination de l’âge. Désormais, cette méthode est prohibée par le Code Civil. Le mode de détermination de l’âge le plus attentatoire aux droits fondamentaux du MNA est, actuellement, l’examen radiologique osseux. Cette méthode va contre le droit au respect de la vie privée et de l’intimité de l’article 8 de la CEDH, mais aussi contre la dignité humaine et l’intégrité du corps humain protégées par l’article 16 du Code Civil32. En effet, la méthode passe par un acte médical pour déterminer l’âge, il faut faire une radiographie du poignet et de la main gauche. L’article 16-3 du Code Civil33 permet le recours à la médecine comme exception à la violation de l’intégrité du corps humain, mais seulement dans un intérêt thérapeutique. Cependant, dans le cas de l’examen radiographique osseux, l’objectif n’est pas celui de l’intérêt thérapeutique, puisque que le mineur n’est pas malade ou on ne cherche pas à savoir s’il est malade et à le soigner. Ici, l’objectif est celui de déterminer l’âge afin d’être certain de la minorité du jeune. L’article 16-3 ne permet alors pas d’éviter l’atteinte à l’intégrité corporelle du mineur. L’acte médical est donc normalement illégal. Pourtant, cet examen reste prévu par le législateur. Ce processus de détermination de l’âge est inscrit à l’article 388 du Code Civil34.

Pour contrer l’atteinte à l’intégrité du corps humain, le législateur a posé la condition du recueil du consentement. L’examen radiologique osseux ne pourra être mis en œuvre que si d’autres méthodes moins attentatoires ne peuvent être efficaces et si l’intéressé y a consenti. La Cour de Cassation a pu rappeler expressément cette nécessité de consentement.35 Dans cet arrêt, la Haute juridiction précise que le MNA doit pouvoir comprendre l’objectif de l’examen pour donner son consentement et cela dans le respect de la déontologie médicale. Pour cela, le jeune doit maitriser la langue française ou être accompagné d’un traducteur qui peut lui expliquer les enjeux de l’examen. Cette nécessité du consentement pourrait venir remplacer la condition d’objectif thérapeutique pour le recours à un procédé médical. Si une personne donne son consentement à un acte, cela pourrait dire que l’acte est forcément valable. Pourtant, le consentement ne doit pas se suffire à lui-même. Il existe de nombreux exemples en droit, où le consentement ne suffit pas à pallier l’atteinte à des principes fondamentaux. Le fait de donner son accord ne permet pas de faire tout ce que l’on veut. Le consentement ne doit pas seulement être une formalité dans un processus légal, il doit être une aide à la réalisation d’un acte qui se veut plus ou moins grave et qui pourrait avoir des conséquences importantes sur la personne qui le donne. Ainsi, demander le consentement

32 Article 16 c.civ « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le

respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. »

33 Article 16-3 c.civ « il ne peut pas être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale

pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. »

34 Article 388 alinéa 2 c.civ « Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de

documents d’identités valables et lorsque l’âge allégués n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après accord de l’intéressé. »

pour un examen médical est nécessaire pour contrer l’atteinte au corps humain, sauf en cas d’urgence vitale, mais seulement dans un but thérapeutique. L’examen médical dispose bien d’une double condition que sont le caractère thérapeutique et le consentement. Le consentement à lui seul, même libre et éclairé, ne permet pas de justifier le recours à un examen radiologique osseux qui ne serait pas fait pour soigner l’intéressé. Le seul objectif de détermination de l’âge ne suffit pas. Il ne repose pas sur une volonté de protéger la personne et son corps comme le fait l’intérêt thérapeutique. Dans sa pratique actuelle, cet examen sert à désengorger les services départementaux de protection de l’enfant et se fait au service de la politique de lutte contre l’immigration du gouvernement. C’est donc son objectif actuel qui le rend d’autant plus critiquable et contraire aux principes fondamentaux qui l’encadrent.

Il faut noter que l’article 388 prévoit une utilisation de cette détermination de l’âge subsidiaire, elle ne peut se faire que si les documents d’identité du MNA ne sont pas valables et que l’âge allégué n’est pas vraisemblable. Dans un arrêt de 2008, la Cour de Cassation a précisé les conditions du recours à l’examen osseux et notamment son caractère subsidiaire. L’acte de naissance doit faire foi, s’il a été réalisé conformément à la loi étrangère. Cette jurisprudence rappelle que si la présomption de légalité des actes d’état civil étranger est mise en œuvre, l’examen radiologique osseux ne peut pas être prononcé. En effet, il existe déjà un élément sur lequel le juge du fond va pouvoir fonder sa décision. De plus, le résultat de cet examen est beaucoup trop imprécis pour compléter la validité de l’acte de naissance36. Le recours systématique à l’examen radiologique osseux devrait être évité. Ce dernier étant très controversé actuellement, face aux atteintes portées aux corps humains, même si le consentement est vu par le législateur comme un premier garde-fou à son utilisation. Il a été préférable de rendre le recours à cette méthode de détermination de l’âge peu fréquent. Pour cela, un autre garde-fou a été posé dans le texte, en faisant apparaître un ordre dans l’utilisation des techniques de détermination de l’âge. Le juge doit d’abord faire appel à l’article 47 et la présomption de validité des actes d’état civil, avant de pouvoir prononcer un examen radiologique osseux. On voit alors apparaître une hiérarchie dans les méthodes utilisées, qui se fonde sur le respect des droits fondamentaux. En effet, la présomption de validité ne porte atteinte à aucun droit, bien au contraire, elle se fait dans le respect de tous les droits et engagements internationaux de la France. Cette idée de hiérarchie devrait permettre de réduire l’utilisation des examens radiologiques osseux. Cela a été le cas dans certaines juridictions comme la Cour d’Appel de Nîmes, par exemple, qui ordonne un examen radiologique osseux quand l’évaluation socio-éducative n’a pas permis de déterminer l’âge d’un jeune. Cet examen est donc complémentaire avant d’être subsidiaire, dans ce cas. En outre, il existe encore des tribunaux où les examens radiologiques osseux sont le moyen le plus utilisé.

Dans un avis du 23 janvier 2014, le Haut Conseil de la Santé Publique a précisé que l’examen radiologique osseux dispose d’une marge d’erreur de 18 mois. Cette marge d’erreur est donc connue officiellement depuis cet avis. Elle a été utilisée à plusieurs reprises par la Cour de Cassation pour rappeler l’imprécision de l’examen. En effet, cette méthode aurait pu paraître comme la solution parfaite pour connaître avec certitude l’âge d’une personne. Elle repose sur des considérations médicales, donc des éléments concrets qui ne semblent pas pouvoir être remis en doute. Pourtant,

le progrès scientifique et la médecine ne sont pas des sources totalement fiables. L’examen radiologique osseux est un bon exemple de cette inefficacité.

Cette marge d’erreur est au centre des critiques sur l’examen radiologique osseux. Il faut comprendre que la méthode ne semble pas respecter convenablement les droits fondamentaux défendus par la CEDH. En plus de ce non-respect, le mode de détermination de l’âge est finalement peu fiable. La marge est importante, de 18 mois permet de déclarer des personnes majeures, par erreur, alors qu’elle pourrait bénéficier de la protection de l’enfance pendant plusieurs mois. Cette impossibilité de prise en charge empêche dans un même temps d’obtenir l’aide et les conseils nécessaires pour le passage à la majorité du MNA. Elle est exclue immédiatement du système de la protection de l’enfance et va se retrouver alors dans la rue sans hébergement.

Le législateur a eu connaissance de cet inconvénient majeur mais n’a pas voulu interdire le recours à l’examen radiologique osseux pour autant. Il est venu prendre en compte cette possibilité d’erreur à l’alinéa 3 de l’article 388 du Code Civil37. Il énonce expressément que la marge d’erreur doit être inscrite dans les conclusions sur l’examen et que le doute qui en découle doit profiter au mineur. Le législateur est allé plus loin, pour concilier le recours à ce type de méthode et le respect des droits fondamentaux. Il se base sur la marge d’erreur possible pour admettre que l’examen radiologique osseux n’est pas en soit un mode autonome de détermination de l’âge. Les résultats de l’examen doivent être comparés aux documents produits par le mineur, l’âge allégué ou encore l’évaluation socio-éducative, si elle a été réalisée. Il faut avoir une vue d’ensemble sur les méthodes pour prononcer la minorité ou la majorité d’une personne. Cette absence d’autonomie de l’examen radiologique osseux n’a pourtant pas suffi à réduire son utilisation. C’est un nouveau garde-fou du législateur pour éviter toute condamnation de la CESDH pour non-respect des droits fondamentaux. Cela n’a pas non plus suffit pour calmer la critique de la doctrine mais aussi de tous les acteurs qui gravitent autour des MNA, tels que les administrateurs ad hoc ou les associations, ou encore la doctrine.

Dans une décision récente du 22 mai 201938, la Cour de Cassation va plus loin. Elle affirme désormais que l’examen osseux ne peut pas suffire à fonder une décision de mainlevée de placement et conclure à la majorité. L’examen radiologique osseux doit toujours être complété par d’autres éléments. Cette juridiction montre alors sa position contre ce type de technique et cherche à limiter son utilisation par les juges du fonds.

Certes, l’examen radiologique osseux semble très encadré pour éviter les dérives des juges dans la pratique. Cependant, l’examen est une méthode contraire à la protection des MNA. Ce type d’examen est très impressionnant pour un mineur, qui ne sait pas réellement à quoi il a donné son consentement. Ce dernier peut déjà avoir un traumatisme des suites de son parcours migratoire et nécessite une certaine bienveillance à son égard et non pas un nouveau traumatisme par cet examen. La vulnérabilité qui est attachée à la minorité est oubliée au profit de la nécessité de détecter les majeurs se prétendant mineurs. De ce fait, la volonté du législateur n’est pas suffisante pour rendre l’examen radiologique osseux moins critiquable.

37 Article 388 alinéa 3 c.civ « Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles

seules permettre la déterminer si l’intéressé est mineur. »

2- La remise en cause de l’examen radiologique osseux par une question prioritaire de

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