Deux ethnographies dans l’empire japonais
Si Shibusawa Keizô est aujourd’hui une figure bien identifiée de l’ethnographie japonaise dont les travaux connaissent un regain d’intérêt depuis la valorisation de ses efforts de recherche par l’historien médiéviste Amino Yoshihiko 網 野 義 彦 (1928-‐2004) dans les années 199094, et plus encore depuis les célébrations du cinquantenaire de son décès en 201395, il faut insister sur le fait qu’il fut de son temps un « marginal parmi les marginaux » puisqu’il était en premier lieu homme d’affaire et banquier et parce que son œuvre ethnographique s’est faite en marge des réseaux scientifiques officiels. Son statut de muséographe et d’ethnographe de la culture matérielle de l’archipel ne fut réellement reconnu que dans les années 1970, avec l’ouverture du Musée national d’ethnologie (国立 民俗博物館 kokuritsu minzoku hakubutsukan) situé à Osaka. Le musée hérita en effet d’une importante partie des collections d’artefacts réunis par Shibusawa et ses collaborateurs depuis les années 1920.
Expliquer la position disciplinaire du personnage dans le Japon du premier XXe siècle nécessite de faire un détour par l’histoire du développement bicéphale de l’ethnographie dans l’empire japonais. La chose est généralement résumée, chez les historiens des sciences du Japon moderne, par ces deux homophones que sont les minzokugaku 民俗学, soit les « études des us et coutumes populaires », et les minzokugaku 民 族 学, soit les « études des ethnies », sans pour autant que quiconque ne parvienne à en définir véritablement les limites. Nous choisissons ici de proposer « études folkloriques » ou « ethno-‐folklore » pour le premier et
« ethnologie » pour le second, mais il faut réaliser que si Shibusawa est volontiers intégré dans la sphère des études folkloriques japonaises pour son association première avec la figure de Yanagita Kunio柳田国男 (1875-‐1962), il fonde pourtant en 1934 la Société d’ethnologie du Japon (日本民族学会 Nihon minzoku gakkai),
94 La compilation des œuvres de Shibusawa se fait notamment sous la direction d’Amino.
95 Voir par exemple le site internet consacré à l’actualité de la recherche sur Shibusawa Keizô, http://shibusawakeizo.jp
quand bien même il ne s’intéressera à rien d’autre qu’au Japon et à sa culture matérielle et que la question de « l’étude des ethnies » ne le préoccupera que peu.
Nous emploierons enfin les termes « ethnographe » ou « ethnographie » dans le sens un peu vieilli qu’ils possèdent en français aujourd’hui quand la distinction n’a pas lieu d’être.
Dresser un portrait complet de l’histoire de la discipline est, dans notre cas, rendu plus complexe encore par le fait que les collaborateurs de Shibusawa, cherchant à définir plus précisément les fondements concrets des études sur la culture matérielle initiées par lui, refusèrent après le décès de leur mentor une association trop facile avec le courant des études folkloriques, comme le rappelle par exemple Miyamoto Tsuneichi宮本常一 (1907-‐1981), dans l’introduction d’un ouvrage de 1972 :
なぜ民俗学から民具の研究を引きはなさなければならなかった のか、ということが問題になって来る。[…] 民俗学の中で民具は正し く取り扱われたであろうかというと必ずしもそうではない。どのよう な民俗誌をよんでみても民具にふれることはきわめて少ない。しかし 生産や生活の文化や技術を見てゆこうとするとき、民具を通して見る ことが一つの重要な手段であり方法であると思う。[…] これまでの民 俗学は古老からの聞取りを主として、伝承資料の比較研究をおこなっ てきた。しかし聞取りだけで、民衆の古い生活構造のすべてが明らか になるものではない。また民俗学は年代のない歴史学だといわれてき たけれども、年代を比定することができるならば当然それをおこなう べきであろう。
« Ainsi survient la question suivante : pourquoi a-‐t-‐il fallu distinguer les études sur les outils populaires des études folkloriques ? […] En réalité, il apparaît que l’ethno-‐folklore ne s’est pas toujours bien occupé de la question des outils populaires. Ceux-‐ci sont presque inexistants dans les écrits de la discipline. Néanmoins, lorsque l’on s’intéresse aux questions de production, à la culture quotidienne ou aux techniques, y pénétrer par le biais des outils populaires me paraît
important du point de vue de la méthode. […] Jusqu’à maintenant, les études folkloriques se sont appuyées sur la récolte de données orales chez les anciens et ont mené des études comparatives sur ces transmissions. Néanmoins, le fait de ne s’appuyer que sur l’oralité ne permet pas de prendre en considération l’ensemble des structures anciennes de la vie quotidienne des masses. On a pu entendre que les études folkloriques font de l’histoire anachronique, mais pour y intégrer la dimension historique, il faut s’y appliquer96 ».
La remarque est étonnante puisque Miyamoto fut véritablement un ethno-‐
folkloriste (et peut-‐être même le meilleur d’entre eux) très attaché à la collecte de données orales plutôt qu’un spécialiste de la culture matérielle de l’archipel. À l’inverse, Yanagita Kunio, figure essentielle des études folkloriques indirectement brocardée ici, s’est bel et bien ponctuellement intéressé aux questions matérielles97. Néanmoins, avant que d’arriver à comprendre comment chacun a cherché à affirmer la primauté de son approche, essayons de voir comment toutes celles-‐ci se développèrent.
Il est évident que distinction études folkloriques et ethnologie n’est pas proprement japonaise. Le débat français est bien connu et documenté98. L’Allemagne possède ces deux termes que sont Volkskunde et Völkerkunde pour dresser les frontières de disciplines assez similaires à celles qui se constituèrent dans l’archipel et c’est au monde anglo-‐saxon que le mot de folk-‐lore a été
96 « Minzokugaku kara mingugaku o hikihanasu riyû » 民俗学から民具学を引きはなす理由 (La raison pour laquelle distinguer les études sur les outils populaires des études folkloriques) in MIYAMOTO Tsuneichi 宮本常一 2007 (1972) Mingugaku no teishô 民具学の提唱 (Plaidoyer pour l’étude des outils populaires), Tôkyô : Miraisha 未來社. Ici p. 11-‐12.
97 Dans deux ouvrages restés célèbres, le premier, historiquement très précis, porte sur les pratiques quotidiennes des époques Meiji et Taishô à travers la question des vêtements, de la nourriture des véhicules ou du mobilier : YANAGITA Kunio 柳田國男 2011 (1931) Meiji Taishôshi sesôhen 明治大正史世相篇 (Histoire des mœurs des époques Meiji et Taishô), Tôkyô : Chûôkôron shinsha 中央公論新社. L’autre dresse une histoire populaire de l’archipel par le biais des outils servant à faire le feu et à s’éclairer, YANAGITA Kunio 柳田國男 1944 Hi no mukashi 火の昔 (Le feu, autrefois), Tôkyô : Jitsugyô no nihonsha 實業之日本社.
98 Voir notamment CHRISTOPHE, BOËLL & MEYRAN (dirs.) 2009, op. cit.
emprunté. La spécificité du Japon sur ce point est plutôt liée aux longs parcours parallèles des deux courants qui tentent enfin aujourd’hui une hésitante réunification sous l’appellation consensuelle d’anthropologie culturelle (文化人類 学 bunka jinruigaku), sans pour autant s’accorder véritablement sur l’histoire et le bagage commun qui les vit naître.
Tout le problème réside, pour le lecteur non japonisant, dans le fait que si l’Occident possède aujourd’hui une bibliothèque riche pour traiter de l’histoire de ses sciences de l’homme, le Japon ne s’est pas encore doté d’ouvrages de référence confrontant les parcours de ces différentes disciplines. Concernant l’ethno-‐folklore, les tendances sont donc encore volontiers rangées en écoles sous des appellations artificielles : « école Yanagita » (柳田学Yanagita-‐gaku) dans le cas des études sur la religion populaire, les contes et légendes et les coutumes rurales de Yanagita Kunio, « école Orikuchi » (折口学 Orikuchi-‐gaku) pour la branche philologique menée par Orikuchi Shinobu 折 口 信 夫 (1887-‐1953), études sur « l’habitat populaire » (民 家 学 minka-‐gaku) chez Kon Wajirô, études sur les « outils populaires » (民具学mingu-‐gaku) chez Shibusawa Keizô ou, à la frange de ce dernier, approche esthétique menée par Yanagi Muneyoshi sur les arts populaires.
Toutes s’interpénétrèrent pourtant. Toutes ont aussi en commun de s’être développées à l’origine en marge du milieu académique. Toutes, enfin, affirment leur identité indigène et entretiennent le récit de l’indépendance de leur émergence en rejetant l’influence des pratiques occidentales qui pourtant les inspirèrent99.
À l’autre bout du spectre, le savoir anthropologique et archéologique hérité de l’Occident à la fin du XIXe siècle, qui se développe d’abord sur le sol japonais puis dans les colonies, est traité comme une pratique totalement distincte. Celui-‐ci
99 Du fait de cette apparente absence d’influences occidentales, Alan Christy propose d’user du terme « ethnography » pour parler de ce que nous appelons ici « ethnologie » et de « native ethnography » pour évoquer ce que nous appelons « études folkloriques » ou « ethno-‐folklore ».
Malgré la qualité de son ouvrage, sa terminologie nous dérange puisqu’elle laisse penser que l’ethno-‐folklore serait né de savoirs native, donc propres au Japon, ce que nous contestons. Nous aurons amplement l’occasion de présenter notre point de vue dans ce travail. Cf. CHRISTY Alan 2012, op. cit.
s’implante au contraire clairement dans les universités à partir des années 1920 et se reconnaît au moins, pour des raisons diverses, quelques fondateurs communs, l’Américain Edward Sylvester Morse (1838-‐1925), l’Allemand Heinrich Von Siebold (1852-‐1908), l’Anglais John Batchelor (1854-‐1944) ou les Japonais Tsuboi Shôgorô 坪井正五郎 (1861-‐1912) et Torii Ryûzô 鳥居竜蔵 (1870-‐1953).
Voilà donc en substance quelles sont les « deux » ethnographies japonaises.
Puisque, pour notre plus grand malheur, aucun ouvrage japonais ou occidental n’a encore proposé une histoire générale de ces sciences de l’homme, il nous paraît nécessaire de nous y atteler pour mieux situer ensuite l’œuvre de Shibusawa.
Accordons pour commencer un instant à la frange académique de l’ethnologie japonaise, dont l’héritage occidental est ouvertement assumé. Nous évoquions plus haut l’influence décisive d’Edward Morse, d’Heinrich Von Siebold et de John Batchelor dans l’émergence de celle-‐ci.
Edward Morse est américain, zoologiste de formation, et se rend à titre privé au Japon pour y étudier les espèces marines endémiques des zones côtières l’archipel. En 1877, il fonde un laboratoire de biologie marine au sud de Tôkyô et est invité par le gouvernement à enseigner la zoologie à l’Université impériale dans un département nouvellement créé pour lui. Durant son séjour, il découvrira par hasard des amas coquillers préhistoriques et son rapport sur la question sera publié par l’Université impériale en 1879 100 . Cette découverte marque traditionnellement, de manière peut-‐être un peu simpliste, le début de l’archéologie scientifique du Japon moderne, en rupture avec les fouilles de l’époque Edo. Après un bref retour aux Etats-‐Unis, il se rend une seconde fois au Japon entre 1882 et 1883 et s’intéresse alors à la poterie et aux outils japonais dont il rassemblera une importante collection. Nous évoquons ce dernier point pour souligner que l’ethnologie japonaise d’influence occidentale s’est également consacrée à étudier la culture matérielle japonaise, et que cette « idée » ne peut pas revenir uniquement à Shibusawa.
Le Musée national d’ethnologie d’Osaka fait d’ailleurs, depuis sa création, cavalier seul en présentant régulièrement les travaux d’ethnologie de la culture
100 MORSE Edward S. 1879 Shell mounds of Omori, Tôkyô : The University of Tôkyô.
matérielle japonaise menés par des chercheurs étrangers depuis les années 1880.
La plus importante exposition101 de ce type eut lieu en 1990 dans les locaux du Musée, qui mit en parallèle les collections d’objets japonais de la vie courante réunis par Edward Morse, conservés au Peabody Museum de Salem, avec les fonds Shibusawa. Si la réunion est tardive, il semble tout à fait improbable que Shibusawa, qui voyagea abondamment en Occident, n’eût pas vent du fait que des chercheurs étrangers portèrent leur attention sur des artefacts semblables à ceux qui l’intéressaient. Le propos du Musée national d’ethnologie n’a pourtant pas encore véritablement trouvé d’oreille attentive chez les spécialistes de l’œuvre de Shibusawa, puisqu’à notre connaissance, de l’abondante littérature consacrée aux
« études sur les outils populaires » depuis le décès de leur héraut, le premier ouvrage scientifique102 à relever l’influence décisive de Morse sur la question date de 2014.
Heinrich Von Siebold103 et John Batchelor sont peut-‐être moins directement liés au monde académique japonais de leur temps, mais exerceront malgré tout une influence décisive sur celui-‐ci. Le premier, fils de Philipp Franz Von Siebold (1796-‐1866) qui fut lui-‐même un des précurseurs des études japonaises européennes, arrive dans l’archipel en 1869, entre dès cette date au service de l’ambassade austro-‐hongroise et y travaillera jusqu’en 1899. Il partage avec Morse un goût prononcé pour la collection d’objets et les pièces qu’il réunirait viendraient bientôt enrichir les fonds des musées germaniques d’ethnographie. C’est lui aussi qui semble avoir inventé le terme kôkogaku 考古学 pour désigner en japonais l’archéologie, l’année de la publication du rapport de Morse sur les amas coquillers.
101 L’exposition a d’ailleurs donné lieu a une publication richement illustrée sur la question.
KOKURITSU MINZOKU HAKUBUTSUKAN 国立民族博物館 1990 Môsu korekushon モース・コレク
ション (Les collections Morse), Kyôto : Shôgakukan 小学館, catalogue d’exposition.
102 TANABE Satoru 田辺悟 2014 Mingugaku no rekishi to hôhô 民具学の歴史と方法 (Histoire et méthodologie des études sur les outils populaires), Tôkyô : Keiyûsha 慶友社.
103 Sur l’apport de Heinrich von Siebold à l’ethnologie et à l’archéologie japonaise, voir KREINER Josef (dir.) 2011 Shô Shîboruto to Nihon no kôko minzokugaku no reimei 小シーボルトと日本の考 古・民族学の黎明 (Heinrich von Siebold et l’émergence de l’archéologie et de l’ethnologie au Japon), Tôkyô : Dôseisha 同成社.
John Batchelor est pour sa part missionnaire de l’église anglicane, d’abord à Hong-‐
Kong où il apprend le chinois, puis à Hakodate, sur l’île de Hokkaidô, où il s’intéresse aux populations aïnoues. Défenseur de leur identité face à la politique assimilationniste japonaise, il y fait construire des hôpitaux et écoles leur étant destinés et publiera le premier dictionnaire aïnou-‐japonais-‐anglais ainsi que de nombreux ouvrages traitant de leur culture. Batchelor a donc joué un rôle important dans la réaffirmation de l’intérêt pour les populations septentrionales de l’archipel auprès des premiers anthropologues japonais. Il ne fut certes pas le premier. Avant lui, des voyageurs japonais tels que Mogami Tokunai最上徳内 (1755-‐1836) ou Matsuura Takeshirô 松浦武四郎 (1818-‐1888) se passionnèrent pour les mœurs des populations aïnoues, mais dans le climat politico-‐culturel de l’époque Meiji, il est très probable que l’œuvre de Batchelor ait eu une influence bien plus importante.
Suivront le parcours de ces précurseurs occidentaux deux Japonais dont nous avons également cité le nom ci-‐dessus, Tsuboi Shôgorô et Torii Ryûzô. Tsuboi est, si l’on peut le qualifier ainsi, le premier anthropologue et archéologue japonais moderne. Très influencé par les travaux de Morse pendant ses classes préparatoires, il entre en 1881 dans la section de biologie de l’Université impériale.
Il se spécialise ensuite en anthropologie et fonde en 1884, avec quelques camarades de sa promotion, la Société d’anthropologie de Tôkyô (東京人類学会 Tôkyô jinrui gakkai). La société publie un journal (人類学会雑誌 jinrui gakkai zasshi), relais des travaux du groupe qui se constitue durant ces années. Il étudie en Angleterre et en France de 1889 à 1892 et, à son retour au Japon, obtient un poste de professeur dans ce domaine à l’Université impériale, puis la direction de la Société. C’est donc sous son égide que se mettra en place la branche académique de l’ethnologie japonaise dans ses deux dimensions d’alors : anthropologie physique et culturelle. Du temps de Tsuboi, l’aspect culturel de la discipline ne porte pas encore le nom d’ethnologie « étude des ethnies », mais celui « d’étude des mœurs en relation avec la terre [sur laquelle celles-‐ci ont cours] » (土俗学 dozokugaku). À l’initiative de Torii Ryûzô en 1893, une sous-‐section de la Société
d’anthropologie de Tôkyô, la Dozokukai (土俗会), se constituera autour de ces questions.
L’élève le plus connu de Tsuboi est ainsi Torii Ryûzô104, figure majeure de l’anthropologie physique du premier XXe siècle, formé d’abord en autodidacte puis à l’Université impériale où il rencontre son maître en 1888. Torii est de cette seconde génération de chercheur japonais, plus sûrs d’eux-‐mêmes et de leurs acquis, maitrisant autant le registre des classiques chinois et les travaux scientifiques japonais rédigés sous l’ancien régime que la production occidentale moderne d’Edward Tylor (1832-‐1917), de Darwin ou d’Armand de Quatrefages (1810-‐1892). Effectuant ses premiers terrains avec Tsuboi dans le nord du Japon, chez les Aïnous, en quête des origines du peuple japonais, il se forme également à l’archéologie. C’est néanmoins pour la représentativité de son action dans les colonies qu’il nous intéressera en particulier ici.
Comme bon nombre de spécialistes des sciences humaines issus du monde académique, Torii se rend à Taïwan dès 1895 et, à la faveur de l’expansion de l’empire, ira effectuer ses terrains en Corée, en Mandchourie, en Sibérie et en Chine orientale. Si les débats font rage à ce sujet, des années 1900 aux années 1940, la thèse d’une unicité ethnique nippo-‐continentale est volontiers retenue par les milieux scientifiques. Archéologues105, ethnologues et anthropologues actifs dans les colonies sont donc instrumentalisés, quand ils ne défendent pas eux-‐mêmes le propos, pour justifier scientifiquement l’annexion (une « réunification » selon cette logique) et légitimer celle-‐ci par le biais de leurs découvertes.
Il est important de souligner cela pour comprendre dans quelle mesure l’ethno-‐folklore japonais, moins aligné idéologiquement et politiquement, et plus indépendant à l’égard des institutions gouvernementales, a pu se présenter comme une branche fondamentalement différente de l’ethnographie japonaise en
104 Arnaud Nanta a produit de nombreux travaux sur Torii et sur la question de l’anthropologie coloniale japonaise. Nous en donnerons quelques uns ici. Sur Torii, voir NANTA Arnaud 2010
« Torii Ryûzô : discours et terrains d’un anthropologue et archéologue japonais du début du XXe siècle », Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, n. 22, pp. 24-‐37.
105 NANTA Arnaud 2011 « L’archéologie coloniale en Corée japonaise : institutions, terrains et enjeux, 1905-‐1937 », Les nouvelles de l’archéologie, n. 126, pp. 33-‐37.
formation. Il faut ajouter à cela le changement de paradigme de l’ethnologie académique qui, après la défaite de 1945, abandonna rapidement la thèse du melting-‐pot ethnique nippo-‐continental et vira de bord pour affirmer l’homogénéité insulaire du peuple japonais depuis les âges reculés106. Cela lui fit
formation. Il faut ajouter à cela le changement de paradigme de l’ethnologie académique qui, après la défaite de 1945, abandonna rapidement la thèse du melting-‐pot ethnique nippo-‐continental et vira de bord pour affirmer l’homogénéité insulaire du peuple japonais depuis les âges reculés106. Cela lui fit