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L’audit légal : pour la transparence des pratiques comptables effectives

Dans le document Le travail réel des auditeurs légaux (Page 41-47)

Section 1. La normalisation comptable et l’audit légal, au service de la transparence

2. La transparence, par la normalisation comptable et l’audit légal

2.2. L’audit légal : pour la transparence des pratiques comptables effectives

Comme nous l’avons vu, lorsque les principes de régularité et de sincérité sont respectés, les états financiers d’une organisation sont supposés refléter la réalité économique de cette dernière. Élaborer un jeu de comptes de manière transparente, c’est se conformer à ces deux principes-là, et garantir cette transparence revient donc à faire en sorte que tel soit bien le cas. Telle est, précisément, l’essentiel de la mission dévolue aux auditeurs légaux. Cette mission est définie par le législateur (2.2.1.), qui en impose la tenue à de nombreux types d’entités (2.2.2).

2.2.1.La mission des auditeurs légaux

L’apparition de l’audit légal date du milieu du XIXe siècle (Power, 1999, pp.16-17). En France cette pratique naît ainsi avec la loi du 23 mai 1863 créant les sociétés à responsabilité limitée, rapidement remplacée par celle du 24 juillet 1867 relative aux sociétés anonymes20 (Mikol, 2006, p.134). A l’époque, cependant, les auditeurs ont alors pour mission principale de détecter la fraude (Lee, 1986, Power, 1999, p.21) et leur

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Auparavant, comme le souligne Mikol (2006, p.134) « des fonctions de surveillance étaient parfois

prévues par les statuts de certaines sociétés qui obligeaient la nomination de commissaires ou de commissions pour la vérification des comptes », mais il n’existait pas d’obligation légale en la matière.

pratique ne ressemble guère à celle que nous connaissons aujourd’hui. Pour voir l’audit légal se moderniser et gagner peu à peu sa forme actuelle, il faut attendre les années 1930- 1940. Dans notre pays, cette modernisation est amorcée par l’adoption du décret-loi du 8 août 1935, modifiant la loi de 1867. Les réformes les plus décisives sont ensuite introduites par la loi du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales, par le décret du 12 août 1969 pris en application de ce texte (modifié le 27 mai 2005), et par la loi du 1er août 2003, dite loi de sécurité financière (LSF) (Mikol, 2006, p.134).21

Depuis la loi de 1966, les auditeurs légaux français portent le nom de commissaires aux comptes, et l’audit conduit par ces professionnels comprend une mission dite générale et, le cas échéant, certaines interventions connexes. La mission générale des commissaires aux comptes inclut elle-même deux volets : une mission d’audit financier conduisant à la certification d’une part – aujourd’hui plus simplement nommée mission d’audit –, et quelques vérifications et informations spécifiques d’autre part.22 Nous nous concentrerons ici sur la mission de certification, premier volet de la mission générale.

Cette mission de certification porte sur les comptes annuels individuels et – s’il en existe et s’ils sont publiés – sur les comptes consolidés, ou comptes de groupe. Ses termes sont précisés par l’article L.823-9 du Code de commerce (alinéas 1 et 2) :

Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice.

Lorsqu’une personne ou une entité établit des comptes consolidés, les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes consolidés sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l’ensemble constitué par les personnes et entités comprises dans la consolidation.

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La loi du 24 juillet 1966 et celle du 1er août 2003 figurent dans le livre II du Code de commerce. 22

Dans les autres pays, les missions d’audit légal sont menées par des professionnels (appelés par exemple contrôleurs légaux dans les textes officiels de l’Union européenne) qui soit n’opèrent que l’audit financier conduisant à la certification, soit le complètent par d’autres tâches exigées par les lois des Etats ou par les instituts professionnels auxquels ils appartiennent.

L’opinion des commissaires aux comptes sur les comptes annuels est exprimée dans un rapport qualifié de général23 ; celle qu’ils formulent à l’égard des comptes consolidés fait l’objet d’un rapport propre à ces derniers.24 Ces deux rapports sont signés par l’auditeur responsable de la mission, et doivent également l’être, lorsque le mandat est accompli par un cabinet d’audit, par le représentant légal de cette structure. Ils sont ensuite transmis par leur(s) signataire(s) au siège social ou au lieu de la direction administrative de l’entité contrôlée, au moins quinze jours avant la date de l’assemblée générale (article L.225-115 du code de commerce, et D.139 du décret du 23 mars 1967). Après avoir été adressés aux propriétaires ou tenus à leur disposition, ils doivent être déposés au greffe du tribunal de commerce dans le mois qui suit l’assemblée (L.232-21).

L’opinion qu’ils contiennent peut prendre trois formes différentes : la certification pure et simple, la certification avec réserve, et le refus de certification. Lorsque tout va bien, une certification pure et simple est exprimée comme suit : « Nous certifions que les

comptes annuels sont, au regard des règles et principes comptables français, réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ».25

Quand le commissaire aux comptes conteste le choix ou l’application des normes comptables utilisées par l’entité contrôlée (cas n°1), ou s’il n’a pu réaliser toutes les diligences nécessaires au bon exercice de son métier (cas n°2), il lui faut en revanche émettre une certification avec réserve, dite pour désaccord dans le premier cas, et pour limitation dans le second. Il doit alors opérer la description motivée et chiffrée des

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Le rapport général sur les comptes annuels comporte trois parties : 1) L’opinion sur lesdits comptes d’une part, parfois suivie d’observations ; 2) la justification des appréciations émises d’autre part ; 3) un compte rendu sur les vérifications et informations spécifiques enfin.

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Comme le rapport général sur les comptes annuels, le rapport sur les comptes consolidés comporte trois parties : 1) L’opinion sur lesdits comptes d’une part, parfois suivie d’observations ; 2) la justification des appréciations émises d’autre part ; 3) un compte rendu sur la vérification de la sincérité et de la concordance avec les comptes consolidés des informations données dans le rapport sur la gestion du groupe.

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Nous présentons ici et dans les paragraphes qui suivent les formulations utilisées dans le rapport général sur les comptes annuels. Le rapport sur les comptes consolidés contient des formulations légèrement différentes, puisqu’elles se référent non au premier mais au second alinéa de l’article L.823-9 susmentionné.

désaccords ou limitations rencontrés, et formuler son opinion de la manière suivante : « Sous cette (ces) réserve(s), nous certifions que les comptes annuels sont, au regard des

règles et principes comptables français, réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ».

Un refus de certification doit enfin se voir exprimé en cas de désaccord(s), de limitation(s), ou d’incertitudes graves et multiples, plaçant l’auditeur dans l’impossibilité de formuler une appréciation favorable sur la qualité des états financiers vérifiés. Le refus de certification pour désaccord contient la description motivée et chiffrée des points de divergence dénoncés, puis précise : « En raison des faits exposés ci-dessus, nous sommes

d’avis que les comptes annuels ne sont pas, au regard des règles et principes comptables français, réguliers et sincères et ne donnent pas une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ». Un refus de certification pour limitation et pour

incertitudes offre une description des limitations ou des incertitudes déplorées, et conclut : « En raison des faits exposés ci-dessus, nous ne sommes pas en mesure de certifier que

les comptes annuels sont, au regard des règles et principes comptables français, réguliers et sincères et ne donnent pas une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ».

Parfois, l’opinion émise par le commissaire aux comptes est suivie d’observations, destinées à attirer l’attention du lecteur sur un point exposé dans l’annexe, et jugé nécessaire à une bonne compréhension du bilan et/ou du compte de résultat individuels ou consolidés. Comme nous l’avons vu, le respect des principes et des normes comptables doit normalement être garanti au sein des entreprises par la mise en œuvre de procédures de contrôle interne. Aussi les auditeurs légaux commencent-ils généralement par vérifier la pertinence et la correcte application de ces dernières. Cette vérification-là fait parfois l’objet d’une communication spécifique. Ainsi, depuis la loi de sécurité financière du 1er août 2003 modifiée par la loi Breton du 26 juillet 2005, le président du conseil d’administration d’une société cotée doit rendre compte, dans un rapport joint au rapport de gestion, des procédures mises en place dans sa structure pour assurer la fiabilité des

états financiers (C. com. art. L.225-37 pour les sociétés anonymes avec conseil d’administration et L.225-68 pour les sociétés anonymes avec conseil de surveillance), et il revient alors au commissaire aux comptes de présenter ses observations sur ce rapport- là (L.225-235) au moyen d’un autre rapport joint à son rapport général.

2.2.2. Les organisations soumises à l’audit légal

De nombreuses entités sont aujourd’hui tenues de nommer un ou plusieurs commissaires aux comptes, titulaires et suppléants.26 Tel est, d’une part, le cas de toutes les sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées, sociétés en commandite par actions). Tel est également le cas des sociétés commerciales (sociétés à responsabilité limité, sociétés en nom collectif, sociétés en commandite simple), établissements publics à caractère industriel ou commercial (EPIC), et associations, dépassant deux des trois critères suivants (article 12 du décret du 23 mars 1967) : un total de bilan de 1,55 millions d’euros, un chiffre d’affaires hors taxes de 3,10 millions d’euros, un nombre moyen de salariés 50. Sont enfin assujetties à l’audit légal d’autres sociétés ou entités, de par leur activité ou certaines de leurs particularités, comme les établissements de crédit, les caisses d’épargne, les compagnies d’assurance, les fonds communs de placement, les fondations reconnues d’utilité publique, les chambres de commerce, les associations recevant une aide publique annuelle supérieure ou égale à 150 000 euros, les partis politiques subventionnés par l’Etat, etc.

Particularité française : les sociétés astreintes à la publication de comptes consolidés, certains établissements de crédit, certaines entreprises d’investissement, et les partis politiques assujettis à l’audit légal, ont l’obligation de désigner au moins deux commissaires aux comptes, qui doivent appartenir à des cabinets distincts ne faisant pas partie d’un même réseau. On parle alors de cocommissariat.

Le défaut de désignation régulière d’un ou plusieurs commissaires aux comptes peut avoir de lourdes conséquences, tant pour l’entité contrôlée que pour ses dirigeants. Il cause d’une part la nullité des délibérations prises par l’assemblée générale (C. com. art.

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L’article L.823-1 impose la nomination d’un commissaire suppléant pour chaque commissaire titulaire, Le suppléant a pour vocation de remplacer le titulaire en cas d’empêchement, de démission ou de décès.

L.820-3-1). Il constitue d’autre part une faute de gestion susceptible d’entrainer, en cas de faillite de la société, la condamnation de ses dirigeants au comblement de son passif social (CA Paris 18-11-1997 : RJDA 3/98 no 299). Il n’est enfin rien de moins qu’un délit. Comme le stipule l’article L.820-4 du Code de commerce :

Est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros le fait, pour tout dirigeant de la personne ou de l’entité tenue d’avoir un commissaire aux comptes, de ne pas en provoquer la désignation ou de ne pas le convoquer à toute assemblée générale (C. com. art. L.820-4, 1°).

Pour résumer, imposé à de nombreux types d’entités, l’audit légal, couplé à la normalisation comptable, est supposé garantir une double transparence : transparence de l’activité de reddition de comptes d’une part (« les états financiers sont réguliers et sincères ») ; transparence de la réalité économique des organisations d’autre part (« ces documents donnent une image fidèle de la réalité économique de la structure contrôlée »). Par là-même, la pratique de l’audit légal est censée permettre à la comptabilité générale de remplir avec succès ses fonctions de contrôle, d’aide à la décision et de prévention de la violence. A condition, évidemment, que l’on puisse se fier aux commissaires aux comptes. Or, la question se pose.

Dans le document Le travail réel des auditeurs légaux (Page 41-47)