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Chapitre 1. Radiothérapie : généralités et principes

2. L’intestin : un organe radiosensible

La structure particulière de l’intestin et l’importante activité mitotique des cellules souches intestinales explique en partie sa radiosensibilité (Bismar et al. 2002). Cette importante activité mitotique place ce compartiment souche en première ligne dans la cinétique des dommages radio-induits, et explique en majeure partie les symptômes aigus observés en clinique. Il est en effet établi que la mort des cellules du compartiment souche est un évènement clef dans l’initiation des dommages radio-induits associée à une perte des principales fonctions biologiques intestinales. La présence d’un réseau microvasculaire dense au sein de la muqueuse contribue également à la radiosensibilité de cet organe (Maj et al. 2003).

a. Dommages radio-induits à l’intestin

L’entérite radique est décrite comme l’ensemble des dysfonctions de l’intestin grêle consécutives à une irradiation pelvienne. Il est aujourd’hui établi que la fréquence et l’intensité de l’entérite radique sont directement fonction de la dose totale reçue par le tissu et du volume irradié. Elle est observée pour des doses totales de 40 Gy et la sévérité des lésions augmente sérieusement pour des doses excédant 50 Gy (Bismar et al. 2002). De par sa localisation proche de la prostate, la paroi antérieure du rectum se retrouve de manière inévitable dans le champ d’irradiation au cours des traitements des tumeurs prostatiques par radiothérapie (Leiper et al. 2007). Le rectum constitue donc un OAR critique dans l’irradiation forte dose de ce cancer (Annexe 2). Les lésions radio-induites à cet organe sont regroupées sous le terme de rectite radique ou « radiation proctitis ». Un des symptômes le plus fréquemment observé et indicateur de cette pathologie est la présence de saignements rectaux. Une étude rétrospective menée chez 465 patients a récemment montré que

Chapitre 2. Dommages radio-induits aux tissus sains : cas du tube digestif

36 l’apparition des saignements était observée dans 94,3% des patients au cours des deux premières années suivant la radiothérapie (Schreiber et al. 2014). L’installation de la pathologie favorise la formation de néovaisseaux aberrants (télangiectasies) et dans les cas les plus avancés, l’installation d’une fibrose favorise la perte de tonicité tissulaire, souvent associée à une persistance de l’ulcération muqueuse (Leiper et al. 2007).

En clinique, l’atteinte digestive est caractérisée par des symptômes sévères invalidants pour les patients. La cinétique d’apparition de ces séquelles a permis de classer les complications digestives radio-induites en fonction de leur période d’apparition (Theis et al. 2010). On distingue ainsi :

Les complications aiguës : celles-ci surviennent dès la première semaine de radiothérapie et apparaissent au cours des trois premiers mois qui suivent le début du traitement. L’entérite aiguë est caractérisée par une stérilisation partielle du compartiment souche situé à la base des cryptes. L’absence de renouvellement épithélial et l’inflammation radio-induite participent à l’ulcération progressive de la muqueuse digestive. L’ensemble de ces dysfonctions sont responsables d’une rupture de la barrière intestinale associé à des phénomènes de malabsorption et de fuites d’électrolytes. En clinique les patients souffrent d’importantes douleurs abdominales ou encore de fréquentes diarrhées. Ces atteintes sont observées chez 60 à 80% des patients et sont réversibles dans la majorité des cas (Bismar et al. 2002).

Les complications chroniques ou tardives : la période d’apparition des symptômes est plus variable que pour les effets aigus. Elle peut débuter au-delà des trois premiers mois suivant la fin du traitement et peut s’étendre jusqu’à plusieurs années après celui-ci (jusqu’à plus de 30 ans). Les séquelles tardives sont caractérisées par un processus inflammatoire et cicatriciel chronique et une fibrose tissulaire transmurale. Ces complications sont retrouvées chez 5 à 10% des patients (Andreyev et al. 2011). En clinique, ce type de complication se décrit par une importante perte de poids, des douleurs abdominales sévères pouvant être dues à des occlusions digestives partielles (sténose due à la fibrose radique) ou encore des nausées et des vomissements pouvant traduire des problèmes de malabsorption.

b. Conséquences tissulaires des rayonnements : cas du rectum

Au niveau histologique, le rectum sain présente une architecture bien définie avec une distinction claire des différents compartiments qui le composent (Figure 5A). L’irradiation

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37 induit des dommages muqueux observés de manière précoce (phase aiguë) correspondant à déstructuration profonde de la muqueuse. Ces dommages aigus sont principalement dus à la vague de mort précoce des cellules souches épithéliales entrainant une dénudation épithéliale. L’activation du compartiment vasculaire régit la réponse inflammatoire précoce. Selon la dose et le stade d’avancement de la pathologie, certaines reprises glandulaires (cryptes hyperplasiques) sont observées, signe d’une prolifération accrue des cellules épithéliales et d’une tentative de reconstruction muqueuse (Figure 5B). La mise en place de la réponse inflammatoire muqueuse est caractérisée par une raréfaction plus ou moins sévère des cryptes et une infiltration dense de la lamina propria par des cellules immunitaires (neutrophiles, macrophages et lymphocytes, Figure 5C et D). La rupture de la barrière épithéliale favorise la fuite d’électrolytes et l’augmentation de la perméabilité aux pathogènes présents dans la lumière intestinale. Ceci exacerbe la réponse inflammatoire dont l’activation chronique favorise activement le développement de lésions tardives.

Figure 5 : Histopathologie de la rectite radique chez l’Homme. Résections chirurgicales 5 à 7 semaines après radiothérapie préopératoire pour adénocarcinome rectal, dose totale de 45 Gy. A : tissu sain, B, C et D : tissus pathologiques. Coloration Hémalun/Eosine/Safran (HES); obj x 40 (d’après François et al. 2013).

Pour des lésions plus tardives, il existe une infiltration de collagènes dans le compartiment sous-muqueux qui peut s’étendre à la musculaire et à la séreuse (fibrose

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