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Chapitre 1. Radiothérapie : généralités et principes

3. Gestion clinique actuelle des séquelles digestives radio-induites

transmurale). Le dépôt excessif de collagènes traduit une activation soutenue du compartiment mésenchymateux, acteur clef dans l’installation de la fibrose transmurale. Alors que l’on pensait que la fibrose tissulaire était figée et offrait donc peu d’opportunités thérapeutiques, on sait maintenant que la fibrose tissulaire est un phénomène dynamique et évolutif. Comprendre ses mécanismes est essentiel pour ouvrir le champ des possibilités thérapeutiques.

3. Gestion clinique actuelle des séquelles digestives radio-induites

Les stratégies thérapeutiques actuelles pour traiter les complications digestives radio-induites sont essentiellement symptomatiques. Les principaux essais cliniques menés jusqu’à aujourd’hui ont porté sur trois domaines d’action : (i) l’utilisation de traitements anti-inflammatoires, (ii) l’utilisation de traitements antioxydants, (iii) des thérapies vasculaires avec l’utilisation de molécules vasculotropes, et les traitement en chambre hyperbare pour les lésions sévères (Hauer-Jensen et al. 2014). Il est à noter que l’utilisation de ces thérapies doit se faire en tenant compte du stade évolutif de la pathologie à savoir, s’il s’agit d’une fibrose jeune et inflammatoire ou bien d’un bloc fibreux associé à des lésions anciennes et établies. Aujourd’hui le pronostic d’évolution des entérites radiques reste dans l’ensemble mauvais et évolue dans la majorité des cas vers un syndrome occlusif persistant et récurrent associé à une issue létale dans 10% des cas (Hauer-Jensen et al. 2003; Larsen et al. 2007).

a. Gestion clinique des dommages aigus

Les antibiotiques : Ces moyens thérapeutiques visent avant tout à prévenir les infections bactériennes pouvant survenir suite à une intervention chirurgicale ou dans le cas de perforations intestinales. L’utilisation d’antibiotiques reste empirique et son efficacité dans la diminution des lésions radiques serait variable en fonction des patients (Theis et al. 2010). Les diarrhéiques : Les symptômes de type diarrhées sont traités avec des anti-diarrhéiques classiques (lopéramide, codéine phosphate), ou par l’utilisation de peptide de synthèse (octréotide). D’autres analogues de la somatostatine sont envisagés lorsque ces premiers traitements s’avèrent inefficaces. Ces moyens thérapeutiques visent à diminuer les sécrétions de la muqueuse et à ralentir le péristaltisme intestinal (Theis et al. 2010). Malgré

Chapitre 2. Dommages radio-induits aux tissus sains : cas du tube digestif

39 une amélioration de l’état du patient, la cessation de ces traitements est couramment associée avec la reprise des symptômes.

Les anti-inflammatoires : L’utilisation de corticostéroïdes tels que les aminosalicylates favorise la réduction de l’entérite radique aiguë, bien qu’il existe des effets secondaires associés à cette thérapie (Theis et al. 2010). L’utilisation de stéroïdes (injections en intramusculaire de triamconolone acétonide, tous les 10 jours) permet de prévenir le développement de lésions aiguës sans effets secondaires majeurs (Cetin et al. 2014). Ces stratégies apparaissent prometteuses et d’autres études sont nécessaires pour valider ces résultats au long terme.

Les antioxydants : La majorité des lésions radio-induites étant dues à la production de ROS dans les tissus irradiés, l’utilisation de drogues limitant leur production ou favorisant leur séquestration constitue une approche d’intérêt. Bien que son utilisation soit associée avec des effets secondaires gênants (nausées, vomissements, hypotension) l’amifostine est un agent organique cytoprotecteur couramment utilisé en clinique. Il s’agit d’une prodrogue dont la forme activée (déphosphoration par la phosphatase alcaline) pénètre dans les cellules saines et leur confère une protection contre la toxicité radio/chimio-induite en capturant les radicaux libres générés (Bismar et al. 2002). Malgré son efficacité chez l’animal et en clinique, son utilisation reste à ce jour controversée due à un éventuel effet protecteur sur les cellules tumorales et l’apparition d’effets secondaires importants (hypotension, nausées, prurit) (Fuccio et al. 2015). D’autres travaux ont pu montrer que l’administration de vitamine E (radioprotecteur non-toxique naturel le plus puissant) en combinaison avec la pentoxifylline (PTX, vasodilatateur) était associée avec une amélioration des symptômes des patients (Hamama et al. 2012). Enfin, la superoxide dismutase (SOD) et d’autres mimétiques de cette enzyme représentent de la même manière des stratégies antioxydantes (Delanian et al. 1994; Delanian et al. 2001). Il a notamment été montré que la surexpression de la SOD2 dans un modèle d’irradiation in vitro augmente la capacité de réparation de l’ADN et est associée avec la diminution d’expression de diverses protéines pro-apoptotiques telles que BAX, p38 et de la libération du cytochrome C par les mitochondries (Epperly et al. 2002).

b. Gestion clinique des lésions chroniques

Le sucralfate : Il s’agit d’un complexe de sulfate d’aluminium de sucrose dont l’efficacité repose sur sa capacité à former une couche visqueuse protectrice à la surface de la muqueuse

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40 intestinale, ce qui favorise la cicatrisation de cette dernière en stimulant le processus d’angiogenèse. L’analyse des résultats obtenus au cours d’essais cliniques sont encourageants. Une réduction de la perte de mucus ainsi qu’une baisse de l’incontinence des patients ont été observées après la prise quotidienne de sucralfate (Fuccio et al. 2015). Cependant ces effets n’ont pas été observés dans l’ensemble des essais réalisés. C’est pourquoi, d’autres études s’avèrent nécessaires afin de valider l’effet bénéfique du sucralfate dans la gestion des effets secondaires tardifs radio-induits.

Oxygène Hyperbare : Ce type de thérapie consiste à limiter les dommages causés par l’hypoxie tissulaire générée par l’irradiation via la stimulation du processus d’angiogenèse, ceci en plaçant le patient dans une atmosphère chargée en oxygène. Les résultats obtenus chez les patients ont confirmé l’efficacité de cette technique (régénération tissulaire, diminution des radicaux libres et de la fibrose), cependant sa mise en place requière un certain coût et le nombre de centres proposant cette thérapie reste faible (Leiper et al. 2007; Fuccio et al. 2012). Les interventions chirurgicales : Elles sont effectuées dans les cas les plus avancés de la pathologie : occlusion intestinale, présence de fistules ou de perforation de la muqueuse. Ces interventions sont à risque (possibilité d’adhésions péritonéales, risque de retard de cicatrisation ou de rupture de sutures après intervention chirurgicale) et sont appliquées en dernier recours.

Techniques innovantes : Ces nouvelles stratégies ont une visée préventive de la rectite radique et reposent sur l’insertion d’un « spacer biodégradable » dans la graisse périrectale afin d’augmenter la distance entre le rectum et la prostate (espace rectoprostatique, Figure 6). Plusieurs types de spacers sont actuellement commercialisés et utilisés en clinique : hydrogel de polyéthylène-glycol (PEG), acide hyaluronique, collagène, ballon biodégradable (Zilli et al. 2014). Après analyse de la littérature, Zilli et al ont révélé que les premiers résultats obtenus avec l’utilisation de ces nouveaux outils sont très encourageants. En termes de gain dosimétrique, l’utilisation du gel de PEG est associée à une réduction du V70 rectal (volume rectal recevant au moins 70 Gy), de l’ordre de 45,9 à 61,4% et de 43 à 84% pour l’acide hyaluronique et de 55,3% pour le ballon.

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