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Caractérisation de l’EndoMT in vitro : les HIMECs un modèle optimal

Conditional deletion of Hey2 in the endothelium mitigates radiation proctitis in mice

4. Caractérisation de l’EndoMT in vitro : les HIMECs un modèle optimal

Concernant les HIMECs, ces cellules ont été extraites à partir de muqueuse colique humaine (résections chirurgicales saines, patients de la Clinique de Cleveland, USA), selon le protocole décrit par Binion et al, (voir Annexe 5) (Binion et al. 1997). L’utilisation de cellules endothéliales de veines de cordons ombilicaux humains (HUVECs) est très fréquente pour étudier le phénotype vasculaire, choix qui se justifie avant tout par l’apport d’un certain confort expérimental (facilité de culture). Bien que ce modèle permette l’identification de mécanismes cellulaires et moléculaires novateurs, il est important de rappeler l’existence d’une hétérogénéité phénotypique endothéliale (différences structurelle, du profil d’expression génique et fonctionnelle) qui est fonction de la taille des vaisseaux et de l’origine tissulaire des CE (Aird 2003). En ce sens, l’utilisation d’HIMECs semblaient être le modèle cellulaire idéal dans l’étude de l’EndoMT radio-induite dans un contexte de fibrose digestive, avec un reflet du comportement endothélial proche de celui observé chez les patients après radiothérapie. Un certain nombre de données semblent prometteuses quant à la capacité des rayonnements ionisants à induire l’EndoMT chez les HIMECs. Les travaux d’Otterson et al ont par exemple révélé que l’irradiation induit l’apoptose des HIMECs, une augmentation de la production de ROS, la formation de fibres de stress et favorise la diminution de la migration cellulaire in vitro. L’utilisation d’un agent mimétique de la SOD (EUK-207) confère une protection des HIMECs vis-à-vis de l’irradiation, confirmant que les rayonnements ionisants favorisent la formation d’un microenvironnement oxydant (Otterson et al. 2012). Les travaux de Rieder et al ont démontré que l’exposition des HIMECs a des cytokines pro-inflammatoires recombinantes favorise la transition des cellules vers un phénotype mésenchymateux (Rieder et al. 2011). Les HIMECs réagissent donc aux rayonnements comme un grand nombre de CE et sont capables d’acquérir un phénotype mésenchymateux sous stimulus inflammatoire. Il était donc probable que les HIMECs irradiées démontrent un switch phénotypique vers un phénotype mésenchymateux. Les données sur l’EndoMT radio-induite sont très peu nombreuses et très récentes. Frid et al ont démontré pour la première fois la capacité des CE vasculaires bovines matures à acquérir un phénotype de CMLs in vitro. De manière intéressante ces auteurs ont utilisé l’irradiation forte dose (30 Gy, rayon γ) pour stopper la prolifération cellulaire, et ont ainsi pu montrer que

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169 l’acquisition du phénotype d’EndoMT est indépendante de la prolifération cellulaire. Bien que ces auteurs n’aient pas précisé si cette irradiation avait un impact sur le nombre de cellules en EndoMT, cette étude reste la première référence révélant la présence de l’EndoMT après irradiation (Frid et al. 2002). Les travaux de Kim et al menés en 2013, ont été les premiers à mettre en lumière le lien entre l’irradiation et le phénomène d’EndoMT dans un contexte d’athérosclérose. In vitro, ces auteurs ont pu montrer (i) que l’irradiation induit l’EndoMT dans les cellules endothéliales aortiques humaines ; (ii) la présence de LDL oxydés (acteurs majeurs dans la formation des plaques d’athérome), accélère l’acquisition d’un phénotype mésenchymateux par les CE irradiées ; (iii) un certain nombre de cellules mésenchymateuses retrouvées au niveau des plaques d’athérome radio-induites possédent une origine endothéliale dans un modèle de souris déficientes en apolipoprotéine E (apo E-/-) (Kim et al. 2013). L’ensemble de ces résultats vient donc conforter notre intérêt dans l’étude de l’EndoMT radio-induite et ses conséquences sur le développement de la fibrose digestive.

D’un point de vue expérimental, plusieurs inconnues se sont présentées au début de cette étude notamment quant à la dose et la durée de culture nécessaires pour recréer un contexte favorable à l’EndoMT in vitro. C’est pourquoi nous avons choisi d’exposer les HIMECs à plusieurs doses (0, 2, 10 et 20 Gy) et de les étudier à différents temps après irradiation (3, 7, 14 et 21 jours). Ainsi, nous avons pu observer un effet dose-dépendant de l’induction de l’EndoMT radio-induite et déterminer que le temps de 7 jours après une exposition de 10 Gy était favorable à l’initiation de ce phénomène. Il serait par ailleurs intéressant d’appuyer ces précédentes observations dans un modèle in vitro d’irradiation fractionnée. Concernant les profils d’expression génique/protéique des HIMECs irradiées, nous avons observé une importante augmentation des marqueurs mésenchymateux α-SMA, et SM22α ainsi qu’une diminution significative du facteur vWF, caractérisant le processus d’EndoMT radio-induit. De manière intéressante, nous avons également noté une diminution de l’expression du marqueur endothélial Tie1, dont la perte d’expression est suffisante pour induire l’EndoMT in vitro (Garcia et al. 2012). Cependant, contrairement à d’autres études, nous n’avons pas observé de diminution de l’expression du CD31 ou de la VE-cadhérine dans le contexte de l’irradiation (Hashimoto et al. 2010; Choi et al. 2015; Ranchoux et al. 2015). Ceci peut s’expliquer par l’existence d’une hétérogénéité phénotypique des cellules en EndoMT. En effet, comme explicité en introduction de ce manuscrit, l’EndoMT est définie

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170 comme une évolution globale du programme protéique qui débute par la perte de l’expression de marqueurs caractéristiques des CE vers l’acquisition d’un phénotype mésenchymateux-like. De plus, la nature de l’agent inducteur ainsi que de l’origine tissulaire des CE constituent des paramètres qui participent grandement à l’initiation de ce phénomène. Paruchuri et al ont par exemple observé que des clones de CE microvasculaires dermiques humaines (HDMECs) provenant de différents patients, ne rentrent pas tous en programme d’EndoMT après stimulation au TGF-β2, suggérant l’importance de facteurs intrinsèques. De plus, leurs travaux ont montré que les HDMECs sembles plus réfractaires à rentrer en EndoMT en comparaison avec des CE pulmonaires soulignant l’importance de l’origine tissulaire des CE (Paruchuri et al. 2006). De la même manière, certains travaux démontrent l’induction de l’EndoMT par le TGF-β1 (HIMECs) (Rieder et al. 2011), alors que d’autres n’observent pas ce phénomène chez les HUVECs (Maleszewska et al. 2013), ou dans un contexte de sarcome de Kaposi associé au virus de l’herpès (KSHV), dans lequel l’EndoMT est initiée par la voie canonique Notch (Gasperini et al. 2012). Il existe donc une lacune quant à l’influence des facteurs intrinsèques et environnementaux sur l’activation de l’EndoMT.

Concernant la plasticité endothéliale, les travaux de Medici et al ont été novateurs dans ce domaine et ont mis en évidence que la conversion des CE en cellules mésenchymateuses implique le passage par un stade multipotent caractéristique des CSM dans un contexte d’ossification ectopique (FOP) (Medici et al. 2010; Medici et al. 2012). L’existence de cet état souche avait été observé auparavant en conditions physiologiques, où une population de cellules interstitielles valvulaires (CIVs, acteurs principaux de l’EndoMT embryonnaire) présentaient un phénotype similaire à celui des CSM (Latif et al. 2007). D’autres travaux viennent étayer ces précédentes observations et ont pu montrer que ces CIV possèdent un potentiel de différenciation multiple et participent à la calcification des valves via leur différenciation en précurseurs ostéoblastiques (Wylie-Sears et al. 2011). Toutefois, il est à noter que la caractérisation de ce phénotype souche est récente et il existe donc un manque de données concernant les conditions favorables à son initiation. De plus, ce phénotype n’est pas observée dans l’ensemble des travaux étudiant l’EndoMT (Gasperini et al. 2012). En prenant en considération ces informations, nous nous sommes donc intéressés à déterminer si l’irradiation pouvait favoriser le passage vers un état souche dans notre modèle d’EndoMT in vitro. De façon globale, le profil d’expression des marqueurs de CSM et

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171 progéniteurs endothéliaux choisis dans notre étude n’est pas modifié après irradiation. De façon intéressante nous avons observé l’augmentation de l’expression du CD34. Il s’agit d’une glycoprotéine exprimée par plusieurs populations cellulaires dont les progéniteurs et cellules hématopoïétiques, les progéniteurs fibroblastiques embryonnaires, les progéniteurs endothéliaux circulants, en revanche il n’est pas exprimé par les CSM (Sidney et al. 2014; Kobolak et al. 2015). Ceci écarte donc l’hypothèse d’un passage à l’état CSM-like des HIMECs après irradiation dans nos conditions. Au niveau morphologique, les HUVECs CD34+ correspondent à une sous-population de cellules d’aspect allongé (présence d’extensions polarisées localisées sur une extrémité), possédant des propriétés d’adhésion et de migration semblables aux « tip cells » impliquées dans l’angiogenèse in vivo (Siemerink et al. 2012). Le CD34 est considéré comme le gardien de la plasticité cellulaire, et sa surexpression pourrait favoriser l’EndoMT et l’acquisition d’un phénotype migratoire. Dans ce contexte, il serait intéressant de caractériser les cellules CD34+ dans notre modèle et de déterminer (i) si les cellules en EndoMT correspondent aux cellules CD34+ ; (ii) si les cellules en EndoMT expriment d’autres marqueurs de cellules immatures tels que le CD117, le CD133 et le VEGFR-2, marqueurs caractéristiques de progéniteurs endothéliaux circulants (Peichev et al. 2000).

Les résultats de notre étude ont donc permis de mettre en évidence la capacité des rayonnements ionisants à induire l’EndoMT dans un modèle de CE microvasculaires. Ces premiers résultats ouvrent le champ d’étude vers des perspectives attrayantes notamment concernant la caractérisation des cellules en EndoMT après irradiation. L’étude de la mobilité cellulaire, du pourcentage de cellules en transition sont tout autant de paramètres qui restent à être déterminés dans ce modèle d’EndoMT radio-induite in vitro. De plus, le cil primaire présent à la surface des CE semble également jouer un rôle dans l’initiation de l’EndoMT via l’induction de la voie TGF-β/ALK-5 in vivo, dans un contexte de stress induit pas des forces de cisaillement (Egorova et al. 2011). L’étude de l’expression de ce cil endothélial à la surface des HIMECs après irradiation pourrait constituer une nouvelle voie de recherche dans la compréhension des mécanismes impliqués dans l’activation de l’EndoMT.

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