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PARTIE 1 : Historique du « problème lapin »

III) L’intensification des mesures de régulation (1996-2003)

régulation (1996-2003)

Durant l’année 1996, la réorganisation des partenaires impliqués dans la gestion du lapin se poursuit avec quelques difficultés. Le 12 janvier 1996, l’ancien Directeur de la Fédération fonde l’association loi 1901 Equilibre 93 qui a pour objet le « Maintien, équilibre et gestion des espaces naturels en zone péri-urbaine [et la] préparation des jeunes à une meilleure connaissance de la faune sauvage». Une association fondée, dit-il, pour « pallier au désengagement de la Fédération » et pour s’adapter à l’élargissement des politiques d’aménagement des parcs qui souhaitent développer des activités d’éducation à l’environnement. A ce stade, la gestion du lapin et plus largement de « la faune sauvage dans les parcs départementaux » pourrait être confiée à Equilibre 93. Un projet de convention avec l’association est alors discuté au Conseil Général. Le document accompagnant la convention apporte des précisions sur la situation du moment :

« Depuis 1993, les agents de F.I.C engagés dans cette opération ont repris environ 1500

lapins principalement au parc du Sausset. Ce travail, qui a eu des résultats positifs, doit être poursuivi car les comptages récents démontrent que la population lapine est encore largement excédentaire et les dégâts enregistrés cet hiver en attestent d’ailleurs.

Mais le souci d’enrichir le patrimoine faunistique des parcs départementaux a conduit à envisager d’étendre ces actions en direction d’autres espèces qui, faute de prédateurs naturels, viennent à proliférer aux dépens de l’équilibre de l’écosystème : tortues de Floride, les pies, les corneilles, etc… des actions sont également envisagées contre les petits mammifères (ragondins notamment) provoquant des dégâts aux berges des plans d’eau. Par ailleurs, la volonté de développer une politique d’accueil des groupes (classes des collèges notamment) nous a amené à solliciter notre partenaire pour qu’il s’associe en aidant à la découverte de la faune cynégétique et en présentant les actions de gestion du patrimoine17 qu’il conduisait. Pour accepter de poursuivre ses prestations, la F.I.C a sollicité pour 1996 une réévaluation de 60% de l’engagement départemental. Cette augmentation ne semblant pas en rapport avec l’évolution des prestations souhaitées, nous avons été amenés à rechercher un nouveau partenaire présentant les mêmes

17 La qualification de patrimoine doit faire référence à l’intérêt que portait la Fédération à l’aménagement des zones humides sur le parc du Sausset.

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garanties dans des conditions économiques acceptables. A l’issue de différents contacts, il est apparu que la proposition présentée par l’Association Equilibre 93 (…) était conforme aux objectifs assignés et qu’elle méritait d’être retenue ». (Extrait du rapport à

la commission permanente du Conseil Général pour la signature de la convention entre Equilibre 93 et le Conseil Général, 1996 )

La convention est débattue mais tarde à être signée. Pendant ce temps, de nouveaux comptages sont produits par le prestataire et la population de lapins se porte toujours aussi bien en considérant les 1800 individus dénombrés.

En ce début d’automne, le responsable des reprises n’est toujours pas nommé. De son côté, le Directeur de la Fédération des chasseurs de Paris tente de faire valoir les droits de l’ancienne convention : « La durée de cette convention a été fixée à 5 années » rappelle-t-il; « elle reste donc valable jusqu’en août 1998 » (courrier du 19 novembre). Il propose dans ce cas d’étendre le partenariat à l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage qui pourrait permettre d’« assurer le rôle de conseil technique et d’organiser en

collaboration avec la FDC l’acheminement des lapins dans les départements autorisés et demandeurs ». La Fédération est prête avec le concours de l’ONCFS à apporter « des conseils techniques nécessaires à la bonne gestion des autres espèces animales ».

L’indemnisation pour l’année 1996/1997 est proposée à hauteur de 200 000 francs. La réponse de la direction des parcs et négative, les deux parties n’arrivent pas à trouver un accord malgré leurs échanges. Le nouveau président de la Fédération s’étonne qu’aucune suite favorable ne soit donnée et se dit surpris des arguments avancés dans la mesure où la Fédération et l’ONC sont prêts à s’adapter à la politique du moment18. La convention avec la Fédération est définitivement rompue en décembre 1996.

Très vite, les reprises de lapins débutent le 12 décembre sous la responsabilité d’Equilibre 93 et du prestataire de service qui encadre une équipe de chasseurs bien habitués des lieux.

Pourtant la gestion du lapin est loin d’être une question stabilisée. Lors de l’hiver 1996-1997, une vague de froid s’abat sur tout le territoire français. « C’est la Sibérie » titre le Parisien du 3 janvier 1997. Les températures sont de moins 7° en Ile-de-France, la neige et le gel persistent au Sausset, et les lapins, en manque de nourriture, « s’attaquent » à

18 Les parcs ont souhaité valoriser à l’époque les potentialités d’éducation à l’environnement de ces espaces.

92 l’écorce des arbres âgés d’une quinzaine d’années19. « L’écorçage» marque le paysage par le contraste de couleur que dessinent ces stigmates sur le bas des arbres. Le nombre d’arbres écorcés est conséquent, ce qui n’échappe ni aux gardes, ni aux techniciens, ni au directeur (cf image page suivante) .

En une nuit, le résultat est décrit comme « spectaculaire » et l’effet de surprise est d’autant plus important que personne n’avait observé ce phénomène à une telle ampleur. Le résultat est constaté au petit matin avec inquiétude et désolation. « mangé » « bouffé » « grignoté » « rongé » « boulotté » « dévoré »…, les termes ne manquent pas pour qualifier cet état de choses. En effet, pour les techniciens, la « mort » de l’arbre est certaine s’il est écorcé sur l’ensemble de sa circonférence (Figure 11).

19 Le besoin de ronger un aliment dur pour enrayer la croissance continue de leurs dents est bien connu chez le lapin, mais en période de disette ce comportement s’explique davantage par l’apport nutritif qu’offrent les minéraux contenus dans l’écorce.

Figure 11 : Ecorçages d’arbres par les lapins de garenne lors de l’hiver 1996-1997, archive du parc du Sausset.

93 Alors, que faire en plus des actions déjà menées ? Face à « l’urgence » de la situation, le nourrissage des lapins apparaît comme la solution de « dernier recours ». 2,5 tonnes (Soit 15, 20 ou 25 tonnes selon les sources) de betteraves et de racines d’endives sont données aux lapins dans l’espoir qu’ils ne s’attaquent plus aux arbres. Le reste des arbres non attaqués est ensuite protégé au plus vite avec des manchons de grillage.

L’opération de protection est faite sur les milliers d’arbres du parc. Le technicien en charge de la gestion des plantations se rappelle de cette période :

« Là, on a commencé à se poser vraiment de très sérieuses questions par rapport au

lapin... » (Ancien technicien du parc du Sausset).

Désormais tous les moyens sont bons pour « lutter » contre les « dégâts » causés par le lapin. Face à la situation, les techniciens et la direction questionnent les modes opératoires entrepris jusqu’alors.

« J’avais l'impression qu’ils [les chasseurs] se les gardaient un peu comme un moyen

d'avoir du lapin tout le temps. Parce que les lapins qui étaient rattrapés étaient renvoyés vivants pour faire du repeuplement en France. Donc leur intérêt, c'est avec du recul que je dis ça, leur intérêt à mon avis, c'est on en enlève mais pas trop pour en avoir l'année suivante, donc une gestion pas sérieuse quoi. » (Ancien technicien du parc du Sausset).

"Ils [les chasseurs] venaient passer une journée entre copains, ils se faisaient un bon

repas le midi, ils n’avaient pas d'impératifs (…). En plus, ils protégeaient un peu la ressource quand même, pour eux c'était une source de plaisir. Je ne veux pas faire du mauvais esprit, mais bon, ils n’étaient pas très motivés pour en reprendre beaucoup."

(Ancien technicien parc du Sausset).

Sous le coup de la situation, 1313 lapins sont repris en un mois et les comptages de mars signaleront la présence de 700 lapins après cette période de captures. De même qu’au début des années 1990, cette volonté de « gérer » les lapins circule dans le réseau cynégétique et attire de nouveaux intéressés. Un fauconnier de la région Ile-de-France souhaiterait venir chasser avec ses oiseaux dans le parc. Il adresse une demande écrite à la direction et en sera autorisé en retour. Les fauconniers commenceront en automne 1997, à raison de quelques jours par an, et cela chaque année à compter de cette date jusqu’à aujourd’hui.

94 Récapitulons succinctement les efforts consacrés jusqu’ici : la recherche de végétaux résistants, une équipe de fureteurs, quelque tirs de nuit, le cloisonnement des talus SNCF, le nourrissage des lapins, la protection des arbres, et bientôt, une équipe de fauconniers. Malgré tout cela, en prévision du prochain hiver 1997-1998, le Directeur des Espaces Verts adresse le 7 Août 1997 une lettre à la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Agriculture et de la Forêt. La situation est présentée comme catastrophique : « Les efforts faits par le Conseil Général depuis plus de 20 ans en matière d’espaces verts risquent d’être sérieusement mis à mal ».

Les techniques de gestion harmonique sont présentées comme « inopérantes devant la

voracité du lapin ». Des arguments d’ordre écologique sont mobilisés : « Depuis deux ans nous assistons à un appauvrissement écologique du milieu. Des prairies entières ne poussent plus, car au fur et à mesure de leur croissance, les différentes espèces sont mangées. Nous n’avons donc quasiment plus de floraison, donc de mise à graine, et par la suite le nombre d’espèces présentes diminue. Cinq variétés d’orchidées ont d’ores et déjà disparu. Seules subsistent les orties et les chardons qui deviennent dominants ».

(Extrait du courrier du Directeur des Espaces Verts à destination de la DRIAF, 7 Août 1997)

Les dégâts sur les arbres sont désignés comme « insupportables » et les techniciens du parc du Sausset en réaliseront une première quantification et qualification : « durant

l’hiver 1996-1997 quelques 15 800 arbres âgés de 17 ans (soit à peu près 20% des boisements) ont été détruits par les lapins qui se nourrissent de l’écorce, faute de trouver autre chose ». Des « boisements » de frênes et de sorbiers sont détruits à 95 %, ceux de charmes à 50%. Les érables plans et les merisiers sont également attaqués à 40%, les hêtres à 20%. Nous n’avons pas relevé les dégâts sur les lisières arbustives, mais ils sont également considérables, des massifs d’arbustes sont détruits à 100%. (...) nous craignons l’hiver prochain » (ibid., 7 Août 1997). Le directeur demande des conseils pour

réduire très rapidement la population de lapins « avant que l’existence du parc ne soit

remise en cause ». La DRIAF est alors questionnée en ce sens : « Peut-être devrons-nous solliciter des autorisations dérogatoires pour certains moyens de destruction ? ». Les

moyens de destruction ne sont pas détaillés, impossible de savoir ce qui est envisagé (tirs, empoisonnements… ?). La lettre continue en précisant que la situation n’est pas « aussi

95 l’idée qu’une fois la prolifération des lapins stoppée au Sausset, cette expérience pourrait devenir un modèle de gestion à appliquer à la Courneuve. La lettre se termine par une remarque sur la tortue de Floride à qui il est reproché de nuire à la qualité des plans d’eau des deux parcs.

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IV) Une tentative de partenariat public