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Chapitre 3 Les transformations contemporaines du paysage de la recherche

3.4 L’intensification des collaborations science-industrie

En 1986, le Federal Technology Transfer Act autorise les "travaux de recherche en collaboration" entre les laboratoires fédéraux d'une part, et les compagnies privées, les consortiums, et les États, d'autre part153. Ces collaborations sont formalisées par des accords portant le nom de Cooperative

Research And Development Agreements (CRADA), qui présentent la particularité de ne tolérer aucun flux financier. Il s'agit de mises en commun de ressources et non de subventions.

Tab. 27 : Nombre de CRADA actifs.

1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 34 98 271 460 731 1 078 1 628 2 471 3 121 3 688 3 239 3 201 2 980 2 924 Source: National Science Board, 2002, table 4-35.

153 Le Bayh-Dole Act, le Stevenson-Wydler Technology Innovation Act et le Federal Technology Transfer

Act sont les principales lois réorganisant le système américain d'innovation. D'autres textes moins fondateurs, ou moins directement liés à la question des relations science-industrie, viendront compléter ces textes dans les années 1980 et au début des années 1990. Ils achèveront de reformer le système national d'innovation américain dans le sens d'une optimisation du potentiel économique de la recherche et d'une amélioration des dispositifs de transfert: National Cooperative Research Act (1984, développement de la coopération entre les entreprises américaines en matière de recherche) ; Omnibus Trade and Competitiveness Act (1988, création du Competitiveness Policy Council) ; Defense Conversion, Reinvestment and Transition Assistance Act (1992, création du le Technology Reinvestment Project (TRP), visant à rentabiliser les investissements consacrés à la recherche financée par le Ministère de la Défense) ; Small Business Technology Transfer Act (1992, mise en place du Small Business Technology Transfer Research Program) ; National Cooperative Research and Production Act (1993, assouplissement des mesures de restriction sur les activités de production coopérative destinées en particulier aux research joint- venture).

Chapitre 3 – Les transformations contemporaines du paysage de la recherche

Les collaborations entre une institution de recherche et une entreprise peuvent être l’occasion de publications communes ou de rédaction de brevets communs. Le nombre de telles co-publications ou co-brevets peut être utilisé comme indicateur bibliométrique154 de l’intensité des collaborations

entre science et industrie. Plus que la valeur absolue de cet indicateur, c’est son évolution au cours de ces dernières années qui est significative. Les enquêtes de Diana Hicks (2000) montrent que le nombre de co-brevets, s’il reste faible, augmente régulièrement depuis le début des années 1980. Il passe d’environ 0,3% du nombre des brevets déposés à l'USPTO en 1980, à 1,3% en 1999. Jane Calvert et Pari Patel155 (2002) observent également une tendance à la hausse du nombre de co-

publications recherche-industrie au Royaume-Uni, qui semble également être confirmée pour les États-Unis par les chiffres du National Science Board (2002).

Fig. 16 : Co-publications université-industrie en % de la production académique totale (moyenne glissante sur 5 ans).

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

Sciences de la vie et santé Sciences de l'ingénieur Autres

Total

Source: Calvert et Patel, 2002.

154 Dont la valeur est évidemment toujours discutable, dans la mesure où il est difficile de mesurer

l'implication réelle de chaque co-auteur (OCDE, 1997b). Pour le cas de l’analyse des relations science- industrie, les co-publications ou les co-brevets indiquent cependant sans trop de doute l’indice d’une collaboration, sinon d’un contact entre le monde de l’entreprise et le monde de la recherche.

155 Selon Patel, contacté personnellement dans le cadre de mon étude, ce type d'analyse n'a été faite que pour

le cas du Royaume-Uni. La récolte et la correction des données sont trop longues et délicates pour qu'il puisse envisager d'élargir son travail à l'international. A sa connaissance, personne ne s'est à ce jour livré à une étude du même type pour un autre pays. Il existe cependant des chiffres similaires pour les États-Unis, que je présente à côté des résultats de l’enquête de Calvert et Patel. Ils sont à prendre avec beaucoup de précaution, tant les problèmes méthodologiques sont importants. On notera ainsi certaines incohérences entre les tableaux 28 et 29: on trouve par exemple sensiblement plus de co-publications du secteur académique produites avec l'industrie en physique que de co-publications du secteur industriel produites avec le secteur académique dans cette discipline. Les chiffres devraient évidemment être les mêmes. On touche ici du doigt les difficultés évoquées par Patel.

Chapitre 3 – Les transformations contemporaines du paysage de la recherche

Tab. 28 : Co-publications du secteur académique US, 1988-1999.

Nombre total Part produite avec l'industrie (1)

1988 1999 1988 1999

Total Sciences de l'ingenieur 30 160 35 535 20,3% 24,9%

Physique 2 945 3 786 36,5% 29,7%

Chimie 1 116 1 568 47,6% 43,8%

Sciences de la Terre et de l'espace 1 630 3 059 22,5% 18,5%

Mathématiques 224 194 42,0% 47,9% Médecine 14 190 15 131 10,9% 20,2% Recherche biomédicale 4 580 5 858 19,3% 22,2% Biologie 1 116 1 568 47,6% 43,8% Sciences de l'ingenieur 1 490 1 902 56,8% 63,7% Psychologie 806 642 14,1% 17,0% Sciences sociales 589 537 19,0% 15,8%

Santé et secteurs professionnels 969 963 29,9% 27,6%

(1) Le reste est constitué des articles co-publiés avec les laboratoires fédéraux, le secteur privé sans but lucratif ou l'étranger.

Source: National Science Board, 2002, table 5-46.

Fig. 17 : Co-publications université-industrie en % de la production industrielle totale (moyenne glissante sur 5 ans).

0 10 20 30 40 50 60 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

Sciences de la vie et santé Sciences de l'ingénieur Autres

Total

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Tab. 29 : Co-publications du secteur industriel US, 1988-1999.

Nombre total Part produite avec l'industrie (1)

1988 1999 1988 1999

Total Sciences de l'ingenieur 7 609 10 755 80,5% 82,1%

Physique 1 335 1 422 57,7% 58,2%

Chimie 638 814 59,2% 55,8%

Sciences de la Terre et de l'espace 542 818 59,6% 57,1%

Mathématiques 108 100 87,0% 93,0% Médecine 1 913 3 706 80,7% 82,5% Recherche biomédicale 1 090 1 528 63,7% 64,0% Biologie 638 814 83,2% 84,4% Sciences de l'ingénieur 1 065 1 442 79,5% 84,0% Psychologie 134 119 85,1% 91,6% Sciences sociales 129 100 86,8% 85,0%

Santé et secteurs professionnels 337 306 86,1% 86,9%

(1) Le reste est constitué des articles co-publiés avec les laboratoires fédéraux, le secteur privé sans but lucratif ou l'étranger.

Source: National Science Board, 2002, table 5-46.

En France, comme aux États-Unis, on observe également un développement des relations contractuelles entre recherche et industrie. Le nombre de contrats signés chaque année entre le CNRS et les entreprises augmente très rapidement entre 1983 et 1995, et continue à croître jusqu’en 2002. On doit cependant rester très prudent avec les données généralement présentées, le CNRS reconnaissant lui-même que ses données sont parfois douteuses et que les modes de calculs n'ont été fixés qu'à partir de 1994. Le tableau ci-dessous illustre la difficulté de cet exercice de comptage, en présentant deux séries de données issues pour la première de l'étude de Blanka Vavakova (2001, pp. 245-246), pour la seconde du site du CNRS156. Malgré les incohérences, on

reconnaît un mouvement global de hausse très sensible. Vavakova, Mustar et Larédo s'accordent à dire que le nombre de contrats en cours a décuplé en dix ans (Mustar et Larédo, 2002, p. 64), passant de 350 en 1982 à 3813 en 1994 (Vavakova, 2001, pp. 245-246).

Tab. 30 : Nombre de contrats du CNRS signés chaque année avec les entreprises.

1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1995 1996 1998 2000 2002 Vavakova 346 552 691 1100 1700 1832 2200 1400

CNRS 1077 1160 1136 1295 1499

Sources: Vavakova, 2001, p. 245-247; CNRS/DAE.

A ces formes de collaboration s’ajoute également la mobilité des personnels. Si elle est encouragée par la loi de 1982, elle est très strictement encadrée par les termes du décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983, "fonctionnarisant" les chercheurs des EPST. Avant la réforme apportée par la loi de 1999, un chercheur appartenant à un EPST ne pouvait légalement, et sans changer de position, qu'enseigner, expertiser ou être consulté. Pour créer une entreprise, il devait, conformément aux articles 243 à 245 du décret 83-1260, opter pour l'une des positions statutaires suivantes: le

156 http://hydre.auteuil.cnrs-dir.fr/dae/faitsetchiffres2003/09_partenariats.html. Les données figurant sur

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détachement, la mise à disposition, ou la mise en disponibilité157. Ces différentes possibilités

resteront très peu utilisées par les personnels de recherche, et la mobilité ne décollera pas au cours des deux dernières décennies.

Tab. 31 : Mobilité du personnel du CNRS vers les entreprises, 1986-1996.

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 Mise à disposition 44 31 29 40 25 9 8 8 15 10 8 Détachement 12 14 10 13 10 10 5 5 2 9 8 Disponibilité 28 20 24 20 22 16 6 5 2 27 34 TOTAL 84 65 63 73 57 35 19 18 19 46 50 Source: Guillaume, 1998.

On observe cependant le développement de cette autre forme de collaboration que sont les thèses en entreprise. Les Conventions Industrielles de Formation par la Recherche (CIFRE) sont instituées en 1981. L'objectif de la CIFRE est de permettre à un jeune doctorant de réaliser sa thèse en entreprise en menant un programme de recherche et développement en liaison avec une équipe de recherche extérieure à l'entreprise. La convention, financée par le ministère délégué à la Recherche et aux Nouvelles Technologies ou par les fonds structurels européens (FSE), est passée pour trois ans entre l'Association nationale de la recherche technique (ANRT) et l'entreprise, qui reçoit une subvention annuelle. Le dispositif se développera progressivement, passant de 50 conventions en 1981 à 392 en 1992, puis 800 en 2001.