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L’intégration de T2 dans le projet « pédagogique »

Dans le document Le dialogue d'Athanase et Zachée - RERO DOC (Page 139-169)

prÕj 80 Zakca‹on nomodid£skalon tîn „ouda…wn

B. La littérature de polémique

VII. L’intégration de T2 dans le projet « pédagogique »

Dans les paragraphes précédents, nous avons souvent mis en évidence un contraste entre T1 (associé parfois à T3) et T2, au point que nous nous sommes demandé si l’ensemble du texte avait été composé par le même auteur. Nous allons maintenant découvrir d’autres rapprochements entre les différentes tranches qui viennent contredire cette impression de cloisonnement du texte.

1. Un particularisme relatif

Comme la lecture de cette première partie est assez fastidieuse, résumons-la pour le lecteur pressé. Son but est de montrer d’abord que le style du texte est beaucoup plus homogène que le chapitre précédent a bien voulu le laisser croire, et que certaines des particularités avancées alors pour souligner les différences peuvent aussi être interprétées comme des marques d’unité. Elle s’arrête ensuite le fait que l’on trouve dans tout le texte un intérêt constant et semblable pour les personnes véritablement désignées ou visées par l’Ecriture, au point que l’interrogation sur les personnes est un méchanisme littéraire récurrent. Ces remarques suffisent à ébranler l’idée que les différences entre T2 et le reste d’AZ seraient importantes. Forts de ce constat, nous pouvons, dans les parties suivantes, parcourir T2 passage par passage et montrer que cette tranche est vraiment de la même main que les autres.

1.a - Points de contacts entre T2 et le reste du dialogus

Certains traits stylistiques récurrents ne connaissent pas les frontières des tranches que nous avons définies ci-dessus. Nous n’en citerons qu’une petite partie. En effet, nous trouvons dans tout le texte :

. des phrases débutant par ¢mšlei, toujours dans la bouche d’Athanase (T1 : §§20.2, 22.3, 34.3 ; T2 : §53.2 ; T3 : §89.3 ; T4 : §123.3). Si ce terme est davantage qu’un tic de langage, il correspond bien au rôle de professeur prêté à Athanase ;

. des expressions en oÙkšti (cf. ci-dessous, p. 137) ;

. des expressions en ¢lhqîj (T1 : §21.2 ; T2 : §71.1 ; T3 : §116.1) ; . des expressions utilisant la famille de fanerÒj :

T1 : Zachée, AZ 35.1 : fanerîj… ™k toà faneroà - AZ 35.3 : ™k toà faneroà - Athanase AZ 35.4 : fanerîj - AZ 35.8 : fanerîj … met¦ t¦ faner¦,

T2 : Athanase : AZ 56.2 : fanerîj - AZ 76.4 : faner¦ (adj) - AZ 112.1 : ™k toà faneroà,

T3 : Athanase : AZ 91.3 : ™n tù fanerù (sous influence d’une citation biblique) - AZ 115.2 :fanerîn (adj.) - AZ 121.5 :fanerîj,

T4 : Athanase : AZ 125.1 :fanerÒn 2x - AZ 125.2 :fanerÒn ;

. des questions en M¾ … (T1 : AZ 12.1, 13.3, 16.3, 21.1, 23.1, 35.1 ; T2 : AZ 72.2 ; T3 : AZ 116.1). Nous remarquons, tout de même, que cette technique est prépondérante en T1, et qu’en T2 se trouve le seul cas où l’expression est dans la bouche d’Athanase. Pour des raisons expliquées ci-dessus (cf. p. 67s.), nous ne retons pas, ici, AZ 60.1. . enfin, nous ne trouvons jamais dans l’interprétation du Premier Testament l’utilisation de techniques typologiques, pas même celle mise en œuvre par Paul dans Gal. 4.21-31 (Isaac le fils libre est un type de l’alliance en Jésus, tandis que le fils de l’esclave est un type de l’alliance du Sinaï), ni celle du fils aîné par rapport au fils cadet (suggérée par Paul en Rom. 9), qui connurent un grand succès dans la polémique antijudaïque. De

même, sont absentes du texte à la fois les interprétations allégoriques morales, comme celles de Philon, et, à l’opposé, les lectures fondamentalement littérales, à la façon des Antiochiens. Nous reviendrons dans l’Appendice C sur cette particularité.

Nous ajoutons encore que certains arguments utilisés ci-dessus pour souligner les divergences entre les tranches peuvent être retournés et utilisés à fins contraires.

Citons par exemple les occurrences de l’argument de la « mise au défi » (cf. ci-dessus, p. 125). Bien que nous ayons relevé qu’il n’est mis dans la bouche d’Athanase que dans la deuxième tranche, nous pourrions aussi le considérer comme un mécanisme littéraire caractéristique de l’auteur, mais utilisé avec une certaine souplesse.

T1 : Zachée : AZ 3.2 : OÙk œceij de‹xai - AZ 7.5 Pîj œceij de‹xai - AZ 31.3 :

'Eceij d pe‹sa… me - AZ 36.3 :Kaˆ œceij de‹xai, Transition AZ 46.4 : Zachée : Pîj dÚnV moi de‹xai,

T2 : Athanase : AZ 55.1 : OÙk œceij moi de‹xai - AZ 56.2 : OÙd toàto œceij de‹xai Zachée : AZ 76.1 : ”Eceij m oân pe‹sai,

T3 : Zachée : AZ 88.1 : Kaˆ t…j me dÚnatai pe‹sai,

T4 : Zachée AZ 124 :OÙk œceij de‹xai - AZ 127 : PÒqen g£r moi œceij de‹xai,

AZ 128.1 : œceij e„pe‹n … ;

Nous pouvons faire la même remarque à propos de l’utilisation des impératifs rhétoriques à la deuxième personne du pluriel (cf. ci-dessus, p. 132) : le fait qu’ils se retrouvent dans les trois premières tranches est peut-être plus significatif que le fait qu’ils sont plus fréquents dans la première.

A cette liste générale s’ajoutent d’autres exemples de points de contacts entre T2 et certaines des autres tranches, par exemple, avec T3 et T4 :

. ces trois tranches partagent toutes les occurrences de l’adverbe nàn (§§77.3, 78.2 ; 115.1 ; 123.2) ;

. elles contiennent aussi toutes les utilisations du « nous » exclusif :

T2 : Athanase : AZ 51.2 : ™pigrafÒmeqa kaˆ ™pikaloÚmeqa basilša… - AZ 68.2 : ”Idwmen toàto ¢pÕ tÁj ˜xÁj - AZ 68.3 : E„ d ‡dVj Óti Ósoi bapt…sqhmen

e„j cristÒn, cristÕn ™nedus£meqa, kaˆ citîna eÙfrosÚnhj, t¾n toà

pneÚmatoj ™l£bomen - AZ 68.3 : tÕ shme‹on toà stauroà œcomen - Zachée : AZ 57.3 : ”Eni g¦r me‹zon Ônoma <À> Ö œcomen ; AZ 77.1 : OÙ pisteÚomen Óti oÛtwj ™gšneto.

T3: Athanase : AZ 90.2 (en attribuant des paroles à Zachée) : e„ qšleij e„pe‹n Óti « oÜte ÆscÚnqhmen oÜte ™netr£phmen p£nta ¢polšsantej kaˆ `Rwma…wn genÒmenoi doàloi » - AZ 102.2 : ”Idwmen oân kaˆ t¦ ˜xÁj - Zachée : AZ 120.1 : 'All' oÙ tÕn cristÕn epon Ön sÝ lšgeij, ¢ll' Ön ¹me‹j prosdokîmen - AZ 120.2 : par' aÙtoà toà prof»tou ™did£cqhmen

T4 : Athanase : AZ 125.3: `H g¦r pštra ™stˆn Ð cristÒj, ™n ú peritemnÒmeqa - AZ 129.1 : Kaˆ ¹me‹j ‡smen Óti p£ntej oƒ ¤gioi

Ces exemples sont cependant ambigus, car ils peuvent aussi être interprétés comme soulignant l’opposition entre T1 et T2.

Quelques points sont communs à T4 et T2, par exemple le fait qu’ils partagent toutes les mentions explicites des promesses (T2 : §§70.5, 71.1 ; T4 : §124.2) ou qu’ils contiennent les 4 phrases dans lesquelles la subordonnée initiale en `/Ina … sert à introduire une nouvelle « preuve » (Athanase : T2 : §§55.2, 56.2 ; T3 : §126.3 ; Zachée §126.1).

Les points de contacts particuliers à la deuxième et à la troisième tranche sont plus nombreux :

. le thème de l’onction par l’Esprit en AZ 58-59, 63.2 (T2) et AZ 86.6 (T3) ;

. trois questions en kaˆ pîj : AZ 52.1, 87.1 : kaˆ pîj dÚnatai - AZ 77.1 : kaˆ pîj oÙk ºdun»qh ;

. un certain goût pour la préposition perˆ, notamment dans les discussions sur l’objet des textes (T2 : §§48.1, 50.1 2x, 65.1, 70.1 ; T3 : §§82.1, 99.1, 99.3, 102.1, 106.1, 108.1). Il y a cependant une exception dans T1, en AZ 40.1 ;

. la mention des apôtres comme étant le verus Israël annoncé (AZ 66.2 comme spšrma toà 'Abra£m - AZ 91.1 pour 'Isra»l) ;

. les deux demandes de Zachée commençant par 'Ephgge…lw : AZ 58.1 qui renvoie de fait à AZ 46.3, et AZ 122.1 (transition) qui fait référence à AZ 92-93 ;

. les formes du verbe plhrÒw. Elles mettent en lumière le thème de l’accomplissement des prophéties (T2 : 64.2, 71.2, 71.4 ; T3 : 106.2, 107.2 ; on trouve la même idée dans

les morceaux conservés en arménien, en AZ 108.2, 109.1). Il y a cependant une

exception dans la première tranche, en AZ 33.4 ;

. la fréquence d’utilisation du verbe gr£fw (cf. ci-dessus, p. 129) ;

. la fréquence d’utilisation des impératifs rhétoriques à la première personne du pluriel (cf. ci-dessus, p. 136) ;

. toutes les utilisations de pÒte (cf. ci-dessus, p. 133) ;

. l’adverbe˜xÁj, suivant toujours un impératif, et toujours dans la bouche d’Athanase :

AZ 65.2 :”Akouson tîn ˜xÁj tÁj profhte…aj

AZ 68.2 : ”Idwmen toàto ¢pÕ tÁj ˜xÁj AZ 69.2 : ¥koue tîn ˜xÁj:

AZ 102.2 :”Idwmen oân kaˆ t¦ ˜xÁj. AZ 105.2 : ”Akouson oân tîn ˜xÁj.

Cet exemple pourrait aussi être retourné, puisque nous trouvons dans la première tranche, dans une proposition infinitive, une expression proche mais différente, AZ 3.1 : kaˆ oÛtwj ™fexÁj ™pˆ t¦j ¥llaj ¢gage‹n ;

. la citation en toutes lettres du numéro des chapitres bibliques (AZ 49.2 :”Hkousaj ™n

deutšrJ yalmù profhtikîj lšgontoj toà Daud: - AZ 81.2 : 'En tù ˜katostù

™n£tJ yalmù oÛtwj e‡rhtai: - AZ 98.5 ¢n£gnwqi tÕn ˜bdom»koston prîton yalmÕn toà Daud). De plus, avec AZ 88.2 et 99.2 ce sont les seules fois où le terme Psaume est utilisé.

. l’utilisation du terme « David » pour désigner l’auteur d’un Psaume, à l’exception d’AZ 38.3 (T2 : §§49.2, 50.1, 58.2 ; T3 : §§83.2, 88.2, 98.2, 100.2, 110.3, 112.4).

Par contre la mention explicite d’Esaïe comme auteur de son livre est plutôt le fait de la première et de la deuxième tranche (§§27.3, 28.2, 30.1 ; 55.2, 57.4, 60.1 ; exception §89.2), de même que celle de Moïse pour le Pentateuque (§§3.3, 20.2, 36.4 ; exception §47.1). En T1, outre le livre de Baruch discuté en AZ 24-27, nous trouvons aussi la mention de Salomon pour citer les Proverbes (§13). Nous pouvons donc dire que la pratique de mentionner parfois le nom de l’auteur biblique traditionnel est commune à l’ensemble du texte ;

. de même, la présence de l’expression oÙkšti g£r, toujours dans la bouche d’Athanase (T2 : §70.1 ; T3 : §§121.7, 122.3), pourrait être comprise comme un trait propre à T2 et

T3. Nous remarquons cependant oÙkšti oân en AZ 6.4 (T1), AZ 70.3 (T3), et un simpleoÙkšti en AZ 123.1 (T4) ;

. nous constatons en outre dans ces deux tranches le procédé littéraire qui consiste à laisser Zachée répondre apparemment « victorieusement » aux questions d’Athanase, pour être ensuite mieux confondu. (T2 : §50 ; T3 : §§99-102).

Plus rarement, mais de façon plus intéressante, nous rencontrons aussi quelques rapports particuliers entre la première et la deuxième tranche, ce qui contredit fortement le sentiment d’opposition entre elles, tel que nous l’avons éprouvé dans le chapitre précédent. En T1 et T2, nous trouvons en effet :

. les deux mentions suivant lesquelles le Fils n’a pas changé de nature en s’incarnant, AZ 41 : Zakca‹oj: `O brac…wn kur…ou, ¿n lšgeij dÚnamin, ™tr£ph kaˆ ™gšneto paid…on ; 2 'Aqan£sioj: OÙk ™tr£ph, m¾ gšnoito.

AZ 46.4 : … †na p£ntaj sèsV mšnwn qeÒj, oÙ trapeˆj t¾n fÚsin. . le même intérêt pour le salut de l’humanité,

AZ 21.2 : †na di' ˜autoà sèsV boul»mati toà patrÕj tÕ tîn ¢nqrèpwn gšnoj. … di¦ toà Ðmo…ou sèsV tÕ tîn ¢nqrèpwn gšnoj.

AZ 46.4 : … †na p£ntaj sèsV mšnwn qeÒj, oÙ trapeˆj t¾n fÚsin.

voir aussi AZ 53.1 : 'Aqan£sioj: Mime‹sqai ¹m©j oÙ qšlei toÝj A„gupt…ouj, sèzesqai d aÙtoÝj boÚletai …

. Athanase avertit Zachée de ne pas se moquer (T1 : §29.3 ; T2 : §77.2) ;

. toutes les utilisations de l’adverbe na… (T1 : §§8.2, 8.4, 23.1, 23.3, 28.3 ; T2 : §54 dans une phrase, §63.3) ;

. les deux occurrences de ka…toi (§20.5 ; §48.2) ;

. une utilisation beaucoup plus large de l’adverbe mn (T1 : §§9.4, 16.2, 17.5, 19.3, 33.3, 41.2, 41.3 ; T2 : §§54.1, 71.7, 73.1, 77.2, 78.2 ; sinon §§80.1, 112.2 ; §123.2) ;

. une technique d’interprétation selon laquelle les interlocuteurs tirent argument de ce que le texte ne dit pas (T1 : §§5.4, 8.2, 9.1, 12.3, 13.3, 15.2, 17.5, 18.1, 32.1 ; T2 §§56.1, 59.2).

. des tournures dans laquelle un infinitif de lšgw suit une autre forme du même verbe : T1 : AZ 3.3 : K¨n lšgV MwãsÁj e„rhkšnai tÕn qeÒn … t…ni lšgeij aÙtÕ tÕn

qeÕn e„rhkšnai ; - AZ 14.6 : … T…na oân lšgeij tù 'Abra¦m taàta

lelalhkšnai - AZ 40.1 : …perˆ ¢nqrèpou e‡rhkaj e„rhkšnai tÕn prof»thn T2 : AZ 70.1 : Perˆ t…noj lšgeij lšgesqai taàta ;

les légères différences formelles ne sont ici pas plus significatives que le fait que l’on a affaire aux seules occurrences de e„rhkšnai, lšgesqai, et lelalhkšnai. Elles témoignent au contraire que le style de l’auteur n’est pas figé, comme nous aurons l’occasion de le voir plusieurs fois.

Ces remarques suggèrent déjà que les différences entre T2 et le reste d’AZ ne sont pas aussi importantes que notre première lecture le laissait croire. Prenons plus en détail un dernier exemple.

1.b - La question des personnes

Si nous regardons la façon dont le matériel biblique est traité, nous relevons dans tout le

parle-t-on? ». Or, chez notre auteur, l’interrogation sur les personnes est un des moyens préférés par lequel il fait progresser la discussion. Voyons les lieux où cette technique est utilisée.

En T1, le premier argument scripturaire d’Athanase est Gen. 1.26 (§3.3). Il demande directement : t…ni lšgeij aÙtù tÕn qeÕn e„rhkšnai ; La discussion sur ce verset, auquel vont rapidement s’ajouter le Ps. 103.24 et le Ps. 32.6, s’achève en AZ 11 par un résumé des acquis de la discussion, et en AZ 12.1 par un recul de Zachée sur cette question des personnes : ”Estw tˆj dÚnamij kaˆ ¹ sof…a, Î lšgei: poi»swmen ¥nqrwpon kat' e„kÒna kaˆ Ðmo…wsin ¹metšran.

Continuons de parcourir T1. La discussion autour de Gen. 19.24-25, quelques paragraphes plus bas, relève des mêmes procédés (§§14-18). Nous remarquons la longue citation de Gen. 18, et le fait que les interlocuteurs vont répéter le texte en y ajoutant des éléments pour clarifier leur pensée :

AZ 17.3 :Zakca‹oj: kÚrioj oân Ð qeÕj par¦ kur…ou tÁj sof…aj œbrexen ;

4 'Aqan£sioj: OÜ, ¢ll¦ aÙt¾ ¹ sof…a, kÚrioj kaˆ qeÕj oâsa, œbrexe par¦

kur…ou toà qeoà pàr kaˆ qe‹on.

En AZ 24-27 la dispute à propos de Bar. 3.36-38 porte surtout sur le nom qui peut être donné à l’auteur de ce verset.

En AZ 30-35 ils débattent d’Is. 7.14. Après quelques échanges traditionnels sur la bonne leçon du verset et la valeur du signe, Zachée en vient à mentionner Is. 8.4 (§33.1). Dans sa réponse, Athanase interprète littéralement le verset ; l’interprétation du verset ne dépend pas d’une lecture typologique ou allégorique du texte prophétique, mais du « décodage » symbolique des noms de peuples cités : la puissance de Samarie et les dépouilles des Assyriens représentent symboliquement les présents des mages (§§33- 34).

Un peu plus bas, une grande discussion exégétique porte sur Is. 53 (§§38-45). L’interprétation est surtout littérale. A nouveau, ils divergent sur l’identité des personnes mentionnées.

Or, en T2, nous trouvons fondamentalement le même intérêt pour les personnes.

Par exemple, dans l’interprétation du Ps. 49.10 en AZ 47-48, Zachée spontanément s’exclame, AZ 48.1 : Perˆ toà Daud epen, Óti… Plus bas à propos du Ps. 2.7-8 il revient à la charge, AZ 50.1 : Perˆ ˜autoà œlege Daud… Dans les deux cas, la question est de savoir de qui parle le psalmiste.

En AZ 59-71 se trouve une longue interprétation d’Is. 61.1-62.3, témoignant toujours de la même préoccupation : AZ 60.1 : Zakca‹oj: `Hsaaj Ð taàta lšgwn, m¾ g¦r Ð sÕj cristÒj. La réaction d’Athanase est conservée en arménien, AZ 60.2 : « Rather this, that which Isaiah said, he said in the person of Christ… the prophecy suits no one else, except Christ alone ». Plus bas Zachée se defend, AZ 61.1 : « Zacchaeus : All this is spoken concerning our generation. » ; AZ 62.4 : « Zacchaeus : And I say that he spoke about another, yet not about thy Christ. » ; AZ 65.1 : 'All' oÙcˆ perˆ Ømîn e‡rhtai toàto tîn cristianîn, ¢ll¦ perˆ ¹mîn tîn 'Israhlitîn. Athanase, alors, identifie la semence des juifs avec les apôtres. En AZ 70, la question de l’objet, en l’occurrence Jérusalem, est dans la bouche de Zachée : Perˆ t…noj lšgeij lšgesqai taàta ; Enfin Zachée insiste, AZ 70.5 : `Or´j Óti oÙdeˆj to‹j „ouda…oij t¾n ™paggel…an ™paggšlletai.

Divers passages bibliques sont également examinés en longueur en T3, et la question de l’identité est à nouveau au centre des discussions sur le Ps. 109 (§§81-87, cf. §§82-85),

sur Is. 45 (§§89-98, cf. §§91, 93), sur le Ps. 71 (§§99-110, cf. 99-104), sur Dan. 7 (§§116- 120, cf. §§117-119). Elle est également importante dans la longue citation de Dan. 2 (§§113-114) et il n’y a guère que la longue citation de Dan. 9 (§§120-121) qui ne donne pas lieu à une discussion sur l’identité.

En T4, les discussions sur les personnes sont plus rares (cf. §125.3). En effet, le sujet a changé, et il ne s’agit plus de savoir de qui parle tel texte, mais de savoir pourquoi les chrétiens ne pratiquent plus la circoncision ni les sacrifices. Cependant, cette discussion sur la circoncision est la seule que nous puissions adéquatement considérer, puisque la fin de celle sur les sacrifices et la suite du texte jusqu’à l’épilogue sont perdues. La démonstration ici repose sur Ier. 38.31-33 (l’annonce d’une nouvelle alliance), sur Ier. 9.25 (mention de la circoncision du cœur), et sur une discussion « historique » de la fonction de la circoncision dans le Premier Testament. L’auteur procède par accumulation, et l’influence du Nouveau

Testament se fait beaucoup sentir.

Ce survol nous permet de constater un intérêt obsédant, presque systématique, pour l’analyse littéraire du « qui parle de qui ». Certes, pour un auteur qui veut reconnaître en divers lieux du Premier Testament des annonces de Jésus-Christ, il n’est pas étonnant que cette question soit primordiale. Ce qui est ici plus intéressant, c’est que cette interrogation puisse être perçue comme un mécanisme littéraire très répandu dans tout le texte.

Nous venons de constater que plusieurs particularités de langage et plusieurs techniques littéraires sont communes à l’ensemble du texte ou à des tranches que notre première lecture nous avait plutôt incités à séparer. En soi, ces remarques suggèrent déjà que les différences entre T2 et le reste d’AZ ne sont pas aussi importantes que nous le pensions. Elles n’invalident cependant pas les constatations que nous avons faites. Donc, pour montrer que ces différences ne sont pas l’indice d’une plume différente mais s’inscrivent harmonieusement dans la progression du texte, il nous faut relire T2.

2. L’intégration de T2

Parcourrons maintenant T2, passage par passage, et regardons comment chacun d’eux s’inscrit bien dans le projet ou dans le style de l’auteur. Nous partons ici simplement de l’hypothèse qu’AZ est un texte composite, pour constater que cette position est impossible à tenir.

2.a - AZ 46 : la thématique des titres christologiques et la structure du texte

Nous avons déjà souvent insisté sur la triple rupture d’AZ 46, parce qu’elle change le principe de structuration d’AZ, les intérêts et le style du texte. Une lecture plus attentive nous montre que la situation est plus complexe.

Tout d’abord si la rupture structurelle est indéniable, thématiquement le changement n’est pas si important. Expliquons-nous. Dans tout AZ, toutes tranches confondues, le texte montre un intérêt important pour les noms et les titres christologiques. Alors que les appellations cachées et prophétiques de Jésus, fils de Dieu, ne deviennent explicitement déterminantes pour la structure du texte qu’à partir d’AZ 46, elles jouent aussi un rôle central en T1 et T3, comme nous l’avons déjà dit, par exemple, sur la question de l’identité des « objets » visés par le texte. Reprenons ce travail de façon plus large, en insistant sur la permanence de l’intérêt pour les titres christologiques.

En T1, l’intérêt de l’auteur pour les noms en général se manifeste surtout par une discussion sur l’identité entre les appellations Logos, Sagesse et Puissance, et sur le lien entre l’être ainsi désigné et Jésus.

D’emblée, Athanase fait le lien entre le Dieu Logos préexistant et Jésus considéré comme Christ :

AZ 4.1-2 : Zakca‹oj: ’Hn g¦r tÒte Ð cristÒj, Ð ™pˆ Ka…saroj AÙgoÚstou gennhqe…j ;

2 'Aqan£sioj: ’Hn ¢eˆ qeÒj, lÒgoj ên: cristÕj d ™kl»qh ˜nwqeˆj tÍ sark….

Il s’efforce ensuite de montrer l’identité entre la Sagesse et le Logos :

AZ 8.1-3 : 'Aqan£sioj: `H d sof…a aÙt¾ kaˆ Ð lÒgoj aÙtoà e‡rhtai, æj Ð prof»thj lšgei: tù lÒgJ kur…ou oƒ oÙranoˆ ™stereèqhsan. …

3 'Aqan£sioj: Tšwj æmolÒghsaj æj ¹ sof…a ™stˆn Ð lÒgoj, ú epe …

AZ 11.2-5 :'Aqan£sioj: Tšwj ™de…cqh Óti … kaˆ aÙt¾n t¾n sof…an lÒgon

çnÒmase lšgwn: …

Toute la discussion tourne autour de la question de la divinité de la Sagesse (§§9-20, et s’achève par la concession de Zachée en AZ 21.1 : Dîmen Óti qeÒj ™sti kaˆ ¹ sof…a (sur le lien Sagesse-Christ voir aussi §§7-8, 26).

Un peu plus bas, il introduit le titre Image, toujours dans le cadre de sa discussion sur Gen. 1.26 :

AZ 8.3 : 'Aqan£sioj: Tšwj æmolÒghsaj æj ¹ sof…a ™stˆn Ð lÒgoj, ú epe

poi»swmen ¥nqrwpon kat' e„kÒna kaˆ Ðmo…wsin ¹metšran, æj oÜshj e„kÒnoj toà ¢rcetÚpou ;

AZ 19.5 : 'Aqan£sioj: … 5 Kaˆ ésper basileÝj lšgetai kaˆ ¹ toà basilšwj

e„kèn, kaˆ oÙ dÚo basile‹j, oÛtwj qeÒj, kaˆ ¹ toà qeoà e„kën kaˆ sof…a, kaˆ oÙ dÚo qeo…. Kaˆ ™pˆ mn toà ¢nqrèpou mimhtikîj e„kèn, ™pˆ d toà qeoà fusikîj.

AZ 20 : Zakca‹oj: E„ Ð qeÕj Ð qeÒj, kaˆ qeÕj ¹ e„kèn, dÚo qeo…. 2 'Aqan£sioj:

DÚo qeo… e„sin, Ótan ¥llo qšlhma tÕ prwtÒtupon, kaˆ ¥llo ¹ e„kèn. Il ne manque pas d’insister sur l’Emmanuel d’Is. 7.14 en AZ 30-31.

Petit à petit, Zachée aussi se met à utiliser différentes appellations (Sagesse : §§7.3, 7.5, 9.2, 11.1, 12.1, 17.5, 19.3, 21.1, 22.1, 24.1, 26.1, 29.1 ; Puissance : §§12.1, 14.1, 16.3 ; Image : §20.1 ; Bras : §41) et entre totalement dans le jeu des noms du Fils. En AZ 36 il s’exclame : OÙk a„scÚnV despÒtou kaˆ qeoà, kaˆ dun£mewj kaˆ sof…aj staurÕn lšgwn ;

Avec Is. 53, Athanase introduit l’appellation Bras, AZ 40 : Zakca‹oj: “Ola § e‡rhkaj, perˆ ¢nqrèpou e‡rhkaj e„rhkšnai tÕn prof»thn.

2 'Aqan£sioj: Perˆ brac…onoj kur…ou genomšnou: brac…ona qeoà ¢koÚwn,

dÚnamin qeoà noe‹: oÙ g¦r ™k melîn sÚgkeitai tÕ qe‹on.

3 Zakca‹oj: ”Hkousa aÙtoà lšgontoj: ¥nqrwpoj ™n timÍ ên, kaˆ e„dëj fšrein

malak…an.

4 'Aqan£sioj: Fa…nV moi m¾ prosšcwn to‹j e„rhmšnoij. '/Hkousaj aÙtoà

lšgontoj: KÚrie t…j ™p…steuse tÍ ¢koÍ ¹mîn. kaˆ Ð brac…wn kur…ou t…ni

¢pekalÚfqh ; ¢nhgge…lamen ™nèpion aÙtoà æj paid…on.

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