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L’insertion du projet Cigéo dans le territoire

Dans le document ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT (Page 43-47)

À la suite du débat public sur le projet Cigéo organisé par la Commission nationale du débat public de mai à décembre 2013, l’Andra a annoncé en mai 2014 que la demande d’autorisation de création du stockage géologique profond ne pourrait être finalisée que vers la fin de l’année 2017. Or, l’article 3 de la loi du 28 juin 2006 prévoit que cette demande soit instruite en 2015, ce qui implique qu’elle soit en fait déposée dès 2014, compte tenu des divers avis qui doivent être rendus au préalable par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), la Commission nationale d’évaluation, les collectivités territoriales et l’Office. Ce décalage

(1) Rapport Assemblée nationale n° 2159-Sénat n° 250 sur « L’état d’avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs - Pour s’inscrire dans la durée : une loi en 2006 sur la gestion durable des déchets radioactifs », déposé le 16 mars 2005 par MM. Christian Bataille et Claude Birraux, députés.

correspond donc à un retard de trois années par rapport au calendrier fixé par la loi.

De fait, de nombreux aspects essentiels de Cigéo restent à préciser, celui-ci n’étant entré dans sa phase d’avant-projet à proprement parler qu’en novembre 2013, après la fin d’une phase dite d’esquisse (ou de prototypage), qui a défini les grandes lignes de la future installation. Il apparaît donc inutile de s’attarder sur les travaux restant à mener.

Vue en perspective du futur centre de stockage (source : Andra).

Néanmoins, un point mis en évidence dans le cadre du débat public de 2013 sur Cigéo a tout particulièrement retenu notre attention, en raison des risques qu’il induit à court terme. Il s’agit du peu d’attention porté aux conditions d’insertion du futur centre de stockage dans le territoire. Ce problème avait été par avance soulevé par M. Yannick Rousselet, chargé de la campagne nucléaire pour Greenpeace France, lors de l’audition publique du 28 février 2013 : « Comment l’État prendra-t-il en compte l’aménagement global du territoire? Ce ne serait pas à moi, en tant que membre d’une organisation écologiste, de poser cette question. Mais elle correspond à une préoccupation réelle des populations locales. Comment celles-ci vont-elles être prises en compte ? »

Ainsi que le souligne M. Maurice Laurent, secrétaire général de la

Commission nationale d’évaluation : « Un quatrième volet des recherches qu’il

aurait été important de prendre en compte concerne l’impact socio-économique

qu’un investissement aura inévitablement sur une région en voie de

désindustrialisation. À ce jour, aucune étude sur les avantages et les

inconvénients de ce projet n’a été réalisée […] [alors que] les Suédois ont engagé

voici dix ans une étude très fouillée, avec une équipe de trente sociologues et

économistes ainsi qu’un budget de 23 millions de couronnes [2,5 millions

d’euros], sur les impacts positifs et négatifs de leur projet de stockage. »

Il serait vivement souhaitable de lancer, même si c’est avec retard, ce type d’étude en Meuse/Haute-Marne. Sur ce plan, nous saluons l’engagement pris par le conseil d’administration de l’Andra, dans sa délibération du 5 mai 2014, de

« contribuer activement à toute initiative destinée à évaluer l’impact socio-économique de Cigéo sur le territoire ».

Il n’en reste pas moins que certains impacts du projet Cigéo vont se concrétiser dès 2015, par la mise en place des premières infrastructures indispensables à l’avancement du projet. Or, il n’existe, à ce jour, aucune structure administrative à même d’accompagner l’implantation du projet Cigéo dans le territoire. Cette situation apparaît préoccupante dans la mesure où elle pourrait se traduire par un manque de coordination entre les acteurs du projet et les acteurs locaux, susceptible de générer retards et insatisfactions.

S’agissant d’un projet d’intérêt national

(1)

– la capacité à gérer à long terme les déchets de haute et moyenne activité conditionnant la poursuite de la production nucléaire d’électricité sur tout le territoire –, nous proposons que le Gouvernement créée sans tarder une « mission Cigéo ». Cette mission serait directement rattachée au Premier ministre et dirigée par un responsable de haut niveau. Elle aurait pour objet d’accompagner l’insertion du projet Cigéo dans le territoire en assurant la coordination nécessaire entre tous les acteurs : l’Andra, les collectivités locales, les services de l’État, les élus, etc.

À ce jour, l'engagement des grands producteurs de déchets (EDF, Areva et le CEA) dans le développement des deux départements impactés par le projet de stockage géologique profond n'est pas à la hauteur des promesses faites lors de l'acceptation de celui-ci. L'absence, durant plus d’une année, de réunion du Comité de haut niveau (CHN) illustre la démobilisation à l’égard du développement économique local.

Le déploiement des premières installations représente une occasion de donner une nouvelle dynamique à l’accompagnement économique du territoire, prévu par la loi. La « mission Cigéo » serait également bien placée pour identifier suffisamment en amont les opportunités, informer les entreprises locales et étudier, avec les grands producteurs de déchets radioactifs (EDF, Areva et le CEA), les groupements d’intérêt public (GIP) de Meuse et de Haute-Marne – les moyens de ces derniers devant être pérennisés – et l’Andra, la meilleure façon d’en tirer parti.

(1) Dans leur rapport n° 1218 sur la gestion des matières et déchets radioactifs déposé le 3 juillet 2013, MM. Christophe Bouillon et Julien Aubert, députés, préconisent la définition d’une « Zone d’intérêt national » en Meuse-Haute-Marne. À cet égard, les rapporteurs notent : « Le choix de confier à l'énergie nucléaire civile un rôle structurant dans le bouquet énergétique français est le résultat de décisions nationales successives, que les alternances démocratiques et les majorités successives n'ont pas remises en cause. La gestion des déchets de cette industrie revêt donc le même caractère d'intérêt national que celui qui s'attache à la production d'électricité d'origine nucléaire et les populations qui acceptent d'accueillir ces déchets sur leur territoire sont en droit d'attendre une reconnaissance collective à la mesure de l'effort qu'elles consentent. »

S’agissant de la fiscalité associée au projet, il n'est pas acceptable que les conditions de sa mise en œuvre ne soient, à ce stade, toujours pas définies. Nous demandons que le Gouvernement fasse rapidement des propositions précises à ce sujet. La « mission Cigéo » pourrait aussi avoir pour mandat d'assurer la continuité du lien avec les deux départements concernés dans ce domaine.

Enfin, la « mission Cigéo » serait également la mieux à même de lancer, en liaison avec les élus et l’Andra, les recherches sur les impacts socio-économiques du futur centre de stockage sur le territoire.

En un mot, cette mission permettrait d’assurer une coordination

aujourd’hui inexistante et pourtant indispensable. Qui plus est, sa création

constituerait, pour la population comme pour les élus locaux, une preuve de

l’attention accordée à ce projet au plus haut niveau de l’État. Les problèmes de

moyens, en personnels et en locaux, ne devraient pas constituer un obstacle majeur

à sa mise en place, compte tenu de l’intérêt que les départements de Meuse et de

Haute-Marne, ainsi que la région Lorraine, porteraient à celle-ci.

IV. LES PROGRÈS DE LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE

La publication au second semestre de l’année 2005, à fin de consultation, d’un premier projet de Plan de gestion des déchets radioactifs, a précédé de peu le débat public organisé, sur ce même sujet, de septembre 2005 à janvier 2006, à la demande conjointe des ministères chargés de l’écologie et de l’industrie.

L’élaboration d’un document formalisant une politique publique par un groupe de travail pluraliste – comprenant des associations de protection de l’environnement – ainsi que la possibilité offerte aux citoyens de débattre, en amont de la loi, sur une grande problématique environnementale, constituaient, à l’époque, deux grandes premières dans notre paysage institutionnel. La simultanéité de ces innovations institutionnelles ne doit rien au hasard. Au contraire, elle illustre parfaitement la volonté des pouvoirs publics de tirer parti de tous les ressorts de la démocratie participative pour l’élaboration de la stratégie nationale de gestion des déchets radioactifs.

La réussite de ces deux démarches n’allait pas de soi. Tout comme le groupe de travail du PNGMDR a amélioré, au fil des années, son fonctionnement et le document qu’il est chargé de produire, la commission chargée d’organiser le débat public a su explorer de nouvelles voies pour assurer l’information des citoyens et leur participation.

Rien n’est jamais acquis en matière de démocratie participative : comme pour le groupe de travail du PNGMDR, la viabilité du débat public sur de grandes options d’intérêt national dépend, d’une part, de sa capacité à traduire les attentes des populations et, d’autre part, de celle des différentes parties prenantes à prendre en compte ces attentes dans un délai suffisamment court

(1)

. Aussi a-t-il semblé nécessaire, dans le cadre de la présente étude, de dresser un bilan du déroulement du débat public, d’intérêt local mais de portée nationale, sur le projet de stockage géologique profond Cigéo, ainsi que de ses conclusions, remises au mois de février 2014, et d’envisager les suites qu’il convient de leur donner.

A. LE DÉBAT PUBLIC, MODALITÉ ORIGINALE DE DÉMOCRATIE

Dans le document ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT (Page 43-47)