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Audition de Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale, M. Thibault

Dans le document ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT (Page 131-139)

F. La nécessaire intervention du Gouvernement ou du parlement

6. Audition de Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale, M. Thibault

la maîtrise des risques, Andra, le 11 décembre 2013

M. Christian Bataille.- Nous souhaiterions vous interroger tout à la fois sur l’avancement du projet de stockage géologique profond Cigéo, sur le débat public le concernant, qui se termine dans quelques jours, et sur votre vision du fonctionnement du dispositif d’élaboration du PNGMDR.

S’agissant du projet de stockage géologique profond, pouvez-vous faire un rapide point sur son avancement ? Quelles sont les principales difficultés restant à lever ? Qu’en est-il de la participation des grands producteurs, notamment d’EDF, à l’élaboration du futur centre de stockage ? Comment expliquez-vous qu’aucune estimation du coût de ce projet n’ait été publiée par le ministère fin 2013, car j’entends évoquer des chiffres assez considérables ? Il faudrait maîtriser ces annonces car il conviendrait de les assortir d’un certain nombre d’explications, notamment sur la durée concernée. Où en est-on de l’évaluation des impacts positifs et négatifs de la construction et de l’exploitation du centre de stockage ? J’ai le sentiment qu’on n’a pas réussi à faire sentir aux populations les implications de ce projet pour leur territoire. Ensuite, nous passerons à votre vision du débat public.

Mme Marie-Claude Dupuis. - S’agissant des études de conception industrielle de Cigéo, en 2012 nous avons mené, avec notre maître d’œuvre Gaiya, les études d’esquisse. Le premier semestre 2013 a été consacré à une évaluation de cette esquisse, à la fois par une revue de projet mandatée par la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), avec de multiples experts du monde industriel, de la filière nucléaire, des travaux souterrains, des grands projets, etc., par l’Autorité de sûreté nucléaire et par la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE2).

Le processus d’évaluation de la revue de projet a confirmé tous les choix de conception de l’Andra. Les producteurs avaient interrogé certains de nos choix concernant les travaux souterrains, notamment la présence de deux galeries, destinées à assurer une flexibilité industrielle et une plus grande sécurité du personnel, par exemple en cas d’incendie, ou encore les modalités de descente des colis au fond, par funiculaire ou automoteur, et le dimensionnement des hottes de confinement. Les producteurs souhaitant optimiser le coût de ces dispositions, la revue de projet a demandé qu’elles soient mieux justifiées. Après deux mois d’études complémentaires d’optimisation, nos choix de conception ont été unanimement confirmés. Aussi avons-nous obtenu le feu vert de l’État pour lancer l’étude d’avant-projet. C’est dans cette optique que nous avons passé un appel d’offres européen destiné à sélectionner les maîtrises d’œuvre complémentaires pour continuer le travail de conception plus détaillé du projet industriel.

Dans le cadre de ces études d’esquisse, nous avons identifié des pistes d’optimisation technique, en jouant à la fois sur la longueur des alvéoles, le co-stockage des déchets, le dimensionnement des installations de surface, etc. Mais dans les discussions avec les producteurs, la question des flux de déchets s’avère incontournable. Sur ce point, ils ont d’abord considéré qu’il était suffisant de disposer de l’inventaire complet des déchets radioactifs. Cet inventaire couvre en effet globalement la période de cent ans d’exploitation du stockage, mais pour dimensionner l’installation industrielle, il convient d’être plus précis sur les flux : nombre de colis par jour, type de colis, etc. Actuellement, nous sommes dans un

échange technique à ce sujet avec les producteurs. Le travail d’optimisation de l’installation ne pourra qu’être collectif, et il ne pourra pas se faire que dans un seul sens. Les producteurs devront s’entendre entre eux pour lisser l’envoi des colis de déchets vers Cigéo, ce qui permettra de lisser l’investissement. Les producteurs veulent être plus impliqués pour donner leur avis. Il est important de souligner qu’ils ont d’ores et déjà accès, dans le cadre d’une convention de coopération, à tous les dossiers d’étude de conception de Cigéo, dossiers qu’ils font analyser par des équipes conséquentes, et que nous échangeons ensuite en réunion avec eux sur tous les points techniques. Cette coopération doit être élargie à l’amont de Cigéo comme l’a recommandé la revue de projet.

M. Christian Namy.- Il n’est pas aberrant que les producteurs soient exigeants concernant la conception de ce projet.

Mme Marie-Claude Dupuis. - Certes, mais pour aller plus loin, il faudrait raisonner globalement. À ce jour, les échanges avec les producteurs ne concernent que le projet de stockage Cigéo lui-même, alors qu’il faudrait étudier l’ensemble des investissements nécessaires, sur Cigéo mais aussi sur les sites des producteurs, pour faire les derniers conditionnements, compléter les capacités d’entreposage, les transports, etc. Certaines des opérations prévues aujourd’hui dans Cigéo, comme les contrôles de deuxième niveau ou les mises en conteneur de stockage, pourraient être réalisées sur les sites des producteurs. Il s’avère donc nécessaire de rechercher un optimum économique entre les investissements qui seront faits sur les sites des producteurs et sur celui de Cigéo. Aussi demandons-nous une réciprocité dans le dialogue.

M. Christian Bataille.- Pour que ce soit clair dans la suite de notre dialogue, je suis à l’origine de la loi de 1991 qui affirme d’une manière forte le statut de l’Andra ainsi que son indépendance. Je pense qu’il faut trouver une distance juste entre l’Andra et EDF, et vous ne m’entendrez jamais dire que l’Andra doit passer sous la tutelle d’un producteur. La crédibilité de la filière est en effet conditionnée par votre indépendance. Comme dit l’adage, lorsqu’on déjeune avec le diable, il faut une cuillère avec un long manche. Vous êtes appelé à cohabiter avec EDF sur ce dossier et il faut que vous gardiez l’ascendant.

M. Christian Namy.- Sur quelles expériences des producteurs l’Andra souhaiterait-elle avoir des retours plus complets ?

Mme Marie-Claude Dupuis.- Les producteurs nous opposent, pour certains postes de coûts, leur retour d’expérience. Mais nous n’avons pas accès à la totalité des informations correspondantes. De leur côté, les producteurs ont accès à tous nos documents et recrutent des personnels dont la mission consiste spécifiquement à examiner nos dossiers. Ces équipes dédiées sont pratiquement aussi nombreuses que celle de notre maîtrise d’ouvrage.

M. Thibault Labalette.- En phase d’esquisse nous avons eu plusieurs réunions par semaine avec les producteurs, une centaine au total. À cette occasion, nous regardons toutes les lignes de coût une par une, en s’intéressant aux opportunités. L’Andra a proposé de faire un travail analogue sur la gestion des risques.

Mme Marie-Claude Dupuis.- Les coûts de l’EPR et de RJH ont tout de même fortement évolué. S’il est utile d’avoir un regard critique pour réduire l’enveloppe initiale, il ne faut pas oublier qu’ensuite celle-ci s’impose à nous. Nous essayons d’avoir une approche

« opportunités - risques » équilibrée.

M. Christian Bataille.- Ce que les parlementaires attendent de vous, c’est que vous réussissiez le projet et que l’énergie des acteurs de la filière ne se dissipe pas en vaines querelles de chapelles. Si un tel travers n’est pas courant dans le monde industriel, il est plus répandu dans le domaine de la recherche scientifique. En tant que vice-président chargé de la recherche de la région Nord, j’ai été étonné de constater que les chercheurs dépensaient à peu près la moitié de leur énergie en disputes.

M. Thibault Labalette.- Nous sommes conscients que les enjeux de coûts sont très importants.

M. Christian Bataille.- EDF est une industrie puissante, de dimension mondiale, sûre de son savoir-faire, qui regarde de manière un peu condescendante l’Andra et ses équipes. Or, l’efficacité passe par une compréhension mutuelle.

Mme Marie-Claude Dupuis. - Nous sommes d’accord sur le fait qu’il convient de trouver le bon équilibre. La DGEC nous a demandé pour la nouvelle phase d’étude d’ajuster la gouvernance. Ce que nous voudrions, c’est que l’Andra soit autorisé à étudier l’amont du stockage.

M. Christian Namy.- Pouvez-vous donner un exemple ?

M. Thibault Labalette.– Compte tenu de leur thermicité, la très grande majorité des verres à haute activité vont arriver dans le stockage à partir de 2075, soit après plus de 50 ans d’exploitation.

M. Christian Bataille.- Cela vaut-il aussi pour les premiers verres, ceux de Marcoule ?

M. Thibault Labalette.- L’idée pour ces verres de Marcoule qui, au plan de leur thermicité réduite, pourraient être stockés dès l’ouverture du stockage, serait de constituer initialement une zone pilote permettant de valider le concept de stockage des verres de haute activité, avant d’entrer à proprement parler dans la phase de stockage industriel de ce type de déchets.

Par ailleurs, il se trouve que le CEA va devoir investir pour créer de nouvelles installations permettant de contrôler ces déchets et de les mettre en colis avant de les envoyer dans le stockage Cigéo. Ces opérations peuvent être réalisées à Marcoule ou sur le site de Cigéo. Sur le plan industriel, l’impact de la seconde option serait significatif puisqu’elle induirait sur le nouveau site de stockage des contraintes déjà gérées à Marcoule.

Mme Marie-Claude Dupuis.- Nous disons qu’il faut étudier le meilleur optimum industriel et économique.

M. Christian Namy.- Qui sera à même de prendre ce genre de décision ? Quelle est l’autorité qui aujourd’hui a le pouvoir d’obliger l’un ou l’autre à prendre en compte cette contrainte ?

M. Christian Bataille.- Nous ne pouvons pas rester sur ce schéma de fonctionnement. Nous avons un problème de gouvernance. Nous n’avons plus de ministère de l’Énergie. Je le dis en tant que partisan du Gouvernement. L’énergie est considérée presque comme une discipline adverse. Voici un exemple d’arbitrage qui sera indispensable à un moment donné. À quelle échéance pensez-vous que celui-ci devrait intervenir ?

M. Thibault Labalette.- Ces décisions orientent la suite des études menées par l’Andra.

M. Christian Bataille.- À supposer que les colis soient préparés à Marcoule, cela faciliterait-il ou au contraire rendrait-il plus difficile leur transport ?

M. Thibault Labalette.- Comme une protection est ajoutée, le colis à transporter est certes plus volumineux mais les précautions radiologiques sont, dans une certaine mesure, moindres.

M. Christian Bataille.- S’agirait-il de transport ferroviaire ou routier ? Mme Marie-Claude Dupuis.- Nous préconisons un transport ferroviaire.

M. Christian Bataille.- De fait, un transport routier ne manquerait pas de susciter des inquiétudes.

Mme Marie-Claude Dupuis.- En ce qui concerne le PNGMDR, la question de la gouvernance du processus de gestion des déchets en amont du stockage est essentielle.

Lorsque nous faisons des propositions, les producteurs nous rétorquent qu’il ne nous revient pas d’interférer dans leurs activités. Un courrier que le CEA nous a adressé en porte témoignage.

M. Christian Bataille.- En tant que parlementaires nous pouvons dire au Gouvernement qu’il s’agit là de sa responsabilité.

Mme Marie-Claude Dupuis.- Nous ne prétendons pas tout faire, mais nous pouvons assurer un rôle de coordination des travaux sur ce sujet.

M. Christian Bataille.- Il faut un coordonnateur ayant directement ses entrées auprès du Premier ministre qui décide et soit investi de l’autorité de l’État.

M. Christian Namy.- Ceci dit, il semble paradoxal que l’Andra se trouve chargée du stockage sans avoir la main sur l’emballage et les transports des déchets vers les sites de stockage.

M. Christian Bataille.- Dans l’esprit de la loi, vous avez la responsabilité des déchets radioactifs à partir du moment où ils vous sont adressés.

M. Fabrice Boissier.- Aujourd’hui, nous avons la responsabilité des déchets à partir du moment où ils franchissent la barrière du centre de stockage. Toute la phase de sortie du centre d’origine et de transport n’est pas prise en compte.

Mme Marie-Claude Dupuis.- Pour cette raison, les investissements correspondants, par exemple à Marcoule, ne sont pas non plus programmés.

M. Christian Bataille.- Cela demande réflexion, car lorsque vous recevez les colis vous en avez la responsabilité ad vitam aeternam.

Mme Marie-Claude Dupuis.- L’Autorité environnementale, relevant du ministère, nous a demandé pour la demande d’autorisation de création de Cigéo de fournir une étude d’impact environnemental pour le stockage géologique lui-même mais aussi pour toute la chaîne : les transports des colis et les installations supplémentaires nécessaires pour préparer

ces transports sur les sites d’origine. Nous ne sommes pas obligés de réaliser l’intégralité de cette étude nous-mêmes, mais les producteurs doivent nous fournir les informations correspondantes, d’où notre demande de jouer un rôle de coordination sur cette question.

M. Christian Bataille.- Il est clair qu’il faut une coordination honnête et loyale entre les acteurs. Ceux-ci ne doivent pas se cramponner à leurs susceptibilité, explicable du fait de la genèse de la filière nucléaire, dépendante d’une autorité unique. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’Andra est venu s’ajouter aux acteurs, puisqu’elle n’était à l’origine qu’une direction du CEA. Il faut que l’Andra s’affirme comme le pivot sur la gestion des déchets. En tout cas, en tant que politiques, nous serions bien incapables de décider de questions techniques.

Mme Marie-Claude Dupuis.- Nous n’avons pas non plus la prétention d’avoir toutes les réponses à ces questions. Nous demandons simplement qu’elles puissent être étudiées de façon équilibrée.

Je reviens au contenu des évaluations de nos esquisses. Nous venons aussi d’avoir des avis encourageant, d’une part de l’Autorité de sûreté nucléaire qui confirme que nos choix de conception prennent en compte les contraintes de sécurité et de sûreté, tout en précisant les attendus pour la demande d’autorisation de création et, d’autre part, de la CNE2, qui dans son dernier rapport considère que notre étude industrielle est crédible.

M. Christian Bataille.- La CNE2 est constituée de scientifiques de très haut niveau qui, je pense que vous le savez, travaillent comme bénévoles. Qu’en est-il de la tenue des échéances fixées par la loi pour le projet?

Mme Marie-Claude Dupuis.- Sur le calendrier, je ne vous cache pas que c’est de plus en plus serré pour nous et il sera difficile de tenir l’échéance de 2015 pour le dépôt de la demande d’autorisation de création du stockage. Durant le débat public, nous avons justement eu beaucoup de remarques sur le calendrier du projet Cigéo.

La revue de projet s’est, pour sa part, interrogée sur notre capacité à travailler sur un projet industriel alors que les conditions de la réversibilité n’ont pas été définies par le Parlement. En effet, telle que la loi de 2006 a été votée, le Parlement ne définit la réversibilité que postérieurement au dépôt de la demande d’autorisation de création. Beaucoup de voix s’expriment, y compris du côté des opposants, pour dire qu’il faut modifier la loi. Pourquoi le Parlement devrait-il attendre pour se prononcer après le débat public ?

Qui plus est, dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, la question de l’inventaire de Cigéo va être posée. Un des points importants ressorti du débat public porte sur le stockage des combustibles MOX usés, en l’absence de réacteurs de quatrième génération.

M. Fabrice Boissier.- Aujourd’hui, l’inventaire du stockage est basé sur l’hypothèse que cette quatrième génération sera développée. Sous cette hypothèse, tous les combustibles usés, y compris les MOX, sont retraités, afin de récupérer les matières. Seuls des verres seront stockés. Mais si la quatrième génération ne voit pas le jour, tous les combustibles MOX usés ne pourront être réutilisés et deviendront de ce fait des déchets.

M. Christian Bataille.- A ce jour, rien ne permet de dire que la quatrième génération ne verra pas le jour. Aucune décision gouvernementale ne permet de le supposer. Il serait paradoxal de prendre des décisions en supputant l’échec de la filière.

M. Fabrice Boissier.- Concernant les combustibles MOX, ce problème ne se posera pas en pratique avant longtemps. S’il faut les stocker en l’état, ce ne sera avant 2080 et s’ils sont retraités pour alimenter les réacteurs de quatrième génération, les verres correspondants n’arriveront qu’en 2100. Actuellement, l’inventaire de Cigéo ne prend en compte que les déchets des réacteurs arrêtés et de ceux en cours de fonctionnement, indépendamment de leur durée d’exploitation.

Mme Marie-Claude Dupuis.- Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique va se poser la question du processus décisionnel de la gestion des déchets radioactifs. Une loi sur la réversibilité est indispensable pour continuer le projet. Le plus tôt est le mieux. Tous les éléments nécessaires sont aujourd’hui connus. Les propositions de l’Andra en matière de réversibilité ont été présentées dans le cadre du débat public.

M. Christian Bataille.- Alors que nous évoquons des échéances de long terme : 2070, 2080, etc., vous essayez de saisir des réalités trop fines, à l’année, au risque de vous engager dans une impasse. Il n’y a pas de raison de se saisir par anticipation de ce qui a été programmé par la loi.

Mme Marie-Claude Dupuis.- Aujourd’hui, nous rencontrons un problème pour présenter la demande d’autorisation de création en 2015, nonobstant la demande de l’autorité environnementale relative à l’étude d’impact. Par ailleurs, les ambiguïtés sur la réversibilité et le processus de décision compliquent notre travail. Nous sommes arrivés au bout de ce que nous pouvions faire sans disposer d’un nouvel éclairage du Parlement.

M. Christian Bataille.- À ce stade, le projet peut, sans inconvénient majeur, être retardé d’un an ou deux ans, puisqu’en quelque sorte, nous avons l’éternité devant nous pour les déchets nucléaires, bien que nous ayons dit par le passé qu’il ne faut pas souffrir de retard pour ne pas handicaper la suite du processus. Si je me permets de prendre une position distanciée sur cet éventuel report, c’est que je suis ce dossier depuis vingt-quatre ans, d’autant que le climat politique n’est guère favorable à un débat serein sur cette question.

Mme Marie-Claude Dupuis.- Je tiens à souligner qu’après la visite du site par plusieurs députés écologistes, ceux-ci ont publié un communiqué de presse indiquant que le projet ne serait acceptable que sous-réserve de sa réversibilité. Tout repose sur cette dernière.

M. Christian Bataille.- La réversibilité du stockage géologique, c’est exactement ce que nous avons prévu dans la loi de 2006.

Mme Marie-Claude Dupuis.- Certes, mais la réversibilité n’a pas été précisément définie. Qui plus est, il s’avère nécessaire de clarifier le processus de décision de Cigéo. Sur le premier point, nous avons publié nos propositions sur la réversibilité et la récupérabilité.

Sur le second, le public pense que dès 2015, avec la demande d’autorisation de création, l’Andra sera habilitée à créer et à exploiter le stockage géologique. Au contraire, nous ne souhaitons pas de « chèque en blanc ». Aussi avons-nous proposé d’organiser de grands rendez-vous, par exemple tous les dix ans, avec la société civile et ses représentants, élus ou non élus. Le débat public a montré qu’il y a énormément d’attentes à ce sujet. Si le Parlement ne s’en empare pas avant 2016 ou 2017, nous aurons manqué le coche.

M. Fabrice Boissier.- Le débat public de 2005 portait sur le choix entre stockage et entreposage. Autrement dit, faut-il faire confiance à la géologie ou à la société ? La synthèse que nous faisons du débat de 2013, c’est que la géologie et la société sont toutes deux indispensables pour assurer la maîtrise des déchets radioactifs.

M. Christian Bataille.- C’est très exactement le principe de la démarche engagée voici plus de vingt ans sur la gestion des déchets radioactifs.

M. Fabrice Boissier.- Mais le cadre réglementaire actuel ne donne pas à la société les moyens de maîtriser ce processus.

M. Christian Bataille.- Je vous renvoie au rapport que j’ai signé en 1990, où cela était déjà très clairement explicité.

M. Fabrice Boissier.- Là où il y a une cristallisation, c’est que, dans le cadre réglementaire actuel, l’autorisation attendue en 2018 donne à l’Andra un « chèque en blanc » pour cent ans.

Mme Marie-Claude Dupuis.- Il faudrait que le processus mis en place par le Parlement puisse se poursuive après l’autorisation.

M. Christian Bataille.- Après la fin du débat public, le Parlement aura la parole.

Néanmoins, ce ne sera pas nécessairement en 2014. À cet égard, que pensez-vous de l’initiative du président de la Commission nationale du débat public (CNDP) d’organiser une conférence de citoyens après la fin officielle du débat public ?

Mme Marie-Claude Dupuis. - Il a fait en sorte – c’est ce qui importe pour nous – qu’elle se termine dans les délais. Il est vrai que le débat public prend fin officiellement le 15 décembre, mais cette conférence constitue un outil complémentaire. La CNDP respectera le Code de l’environnement, au sens où elle remettra ses conclusions comme prévu le 15 février.

M. Christian Bataille.- La CNDP doit jouer son rôle, mais dans le respect du cadre défini par la loi.

Mme Marie-Claude Dupuis. - L’Andra a certes financé cette opération mais n’a pas eu, en tant que maître d’ouvrage, voix au chapitre. En l’occurrence, l’enjeu porte sur l’impossibilité de tenir des réunions publiques durant le débat. Cette conférence de citoyens vise, en quelque sorte, à les suppléer.

M. Christian Bataille.- La loi définit des objectifs : informer la population et recueillir son sentiment, mais n’impose à aucun moment une forme particulière au débat public.

M. Christian Namy.- Pourriez-vous nous préciser le coût d’investissement initial pour le stockage ?

Mme Marie-Claude Dupuis. - De l’ordre de quelques milliards d’euros, en tout état de cause moins que le coût d’un EPR. Toutefois, seul le ministère est en position d’annoncer le chiffrage définitif.

M. Christian Bataille.- Cette absence de réponse marque un manque de transparence. Qui plus est, elle laisse le champ libre à des supputations portant sur des montants dépassant les trente milliards d’euros, sans précision sur ce qu’ils recouvrent. L’État aura bien du mal à tenir le même discours à la Commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire décidée cet après-midi par l’Assemblée nationale.

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