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Audition de M. Henri Revol, président du HCTISN, le 30 janvier 2014

Dans le document ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT (Page 147-161)

F. La nécessaire intervention du Gouvernement ou du parlement

8. Audition de M. Henri Revol, président du HCTISN, le 30 janvier 2014

M. Christian Namy.- M. Henri Revol, en tant que sénateur, vous avez été rapporteur, avec notre président Bruno Sido, de la loi du 13 juin 2006 sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire. Cette loi est notamment à l’origine de la création du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire. Devenu par la suite le président du Haut comité, vous avez su donner à cette instance encore jeune une place de premier plan dans le dispositif institutionnel d’information et de transparence sur les activités de la filière nucléaire. Le Haut comité est intervenu lors des auditions publiques qui ont été organisées par notre Office au début 2013. Mais nous avons souhaité vous rencontrer à nouveau pour faire un point sur la gestion des déchets radioactifs et le PNGMDR.

M. Henri Revol.- J’ai été nommé président du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) en 2008, alors que je venais de quitter, après dix-neuf ans, le Sénat. Créé par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, le Haut comité est une instance pluraliste d’information et de concertation sur les risques liés aux activités nucléaires. Il a une fonction consultative. Il peut se saisir lui-même ou être saisi par le Parlement, le Gouvernement, les exploitants et les Commissions locales d’information (CLI). Jusqu’à présent, il a principalement été saisi par les deux premiers.

Le HCTISN est composé de quarante membres, dont des personnalités qualifiées – j’ai été nommé à ce titre – et des représentants du Parlement, des CLI, des associations de protection de l’environnement, des exploitants nucléaires (CEA, Areva, etc.), des instances de contrôle (ASN, IRSN, etc.), et des organisations syndicales du domaine nucléaire.

Initialement réticentes, car craignant que cette nouvelle instance ne soit par trop favorable à la filière nucléaire, les associations l’ont progressivement rejoint. À ce jour, l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO), France Nature Environnement (FNE), Greenpeace et Robin-des-Bois en font partie.

Je suis assez fier du bilan de ces six premières années. Si les débats ont souvent été vifs, ils sont toujours restés courtois. Le Haut comité est parvenu à un consensus sur pratiquement tous ses avis et rapports. Lorsque celui-ci s’avérait impossible, une contribution pouvait être annexée au document pour expliciter les points de désaccord.

L’un des premiers rapports publiés par le HCTISN, peu après sa mise en place, trouve son origine dans le déversement d’effluents liquides d’uranium par la SOCATRI au Tricastin. À la suite de cet incident, le ministre de l’Écologie a saisi le Haut comité d’une étude sur l’état radio-écologique des nappes phréatiques autour des installations nucléaires françaises. Le rapport lui a été remis dans un délai assez bref. Il comportait dix-neuf recommandations, dont un bon nombre ont été suivies d’effet.

Il y a eu ensuite un rapport important sur le thème « Transparence et secrets dans le domaine nucléaire ». La loi du 13 juin 2006 oblige en effet les exploitants à divulguer aux citoyens toute information qu’ils demandent concernant leurs activités, ce qui s’avère parfois problématique s’agissant de certaines données jugées confidentielles. Il existe, de fait, une antinomie entre la loi de 2006 et les règles qui régissent les secrets défense, commercial et médical. Ce rapport incluait de nombreuses recommandations nécessitant des modifications législatives.

M. Christian Namy.- Le Parlement est-il le seul à même de s’emparer de vos conclusions ?

M. Henri Revol.- Le Gouvernement peut également s’en saisir, comme toute autre instance.

M. Christian Namy.- Dans les faits, quelle suite a été donnée aux recommandations de ce rapport ?

M. Henri Revol.- Aucune pour l’instant.

J’en viens au rapport sur la transparence du cycle nucléaire, consécutif à la médiatisation d’un ouvrage, publié par une journaliste affirmant que la France exportait des déchets nucléaires en Russie. À nouveau, le HCTISN a été saisi par le ministre de l’Écologie pour faire la lumière sur l’ensemble des inventaires du cycle nucléaire français. Nous y sommes parvenus, en rassemblant et en vérifiant les informations existantes. Dans ce cadre, nous avons visité des installations d’enrichissement en France, en Grande-Bretagne et en Russie. Dans ce dernier pays, nous avons rencontré quelques difficultés. Une première délégation du Haut comité a été confrontée, alors qu’elle se trouvait déjà à l’aéroport, à la récusation par les autorités russes des représentants de Robin-des-Bois et de la CGT. Aussi ai-je pris la décision, quelques minutes avant le départ, de reporter ce déplacement. Nous sommes finalement parvenus à visiter les installations russes utilisées par EDF et AREVA un an après la publication du rapport. Il était néanmoins essentiel de vérifier sur place ces fameux stocks d’uranium appauvri issus de l’enrichissement - puisqu’il est d’usage que celui qui réalise cette opération conserve la propriété de cette matière. Nous avons constaté que si les conditions de stockage de ces matières ne sont pas au niveau de celles de la France ou de la Grande-Bretagne, elles demeurent satisfaisantes.

M. Christian Bataille.- S’agissait-il uniquement de déchets très faiblement radioactifs ?

M. Henri Revol.- Il s’agissait d’hexafluorure d’uranium ou UF6.

Suite à cette enquête, dans nos recommandations, nous avons demandé, afin d’assurer une mise à jour de ce rapport, que la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) fasse annuellement devant le Haut comité un point complet sur les changements intervenus dans les inventaires de matières et déchets.

En juin 2012, après avoir auditionné l’Andra sur le projet Cigéo, le Haut comité a jugé nécessaire de clarifier l’inventaire des déchets à stocker et le processus décisionnel qui a conduit à ce projet. En décembre 2012, la ministre de l’Écologie nous a saisis de ce même sujet. Nous avons tenu à publier le rapport avant le débat public, le 28 mars 2013, ce qui a été possible du fait de la forte implication du rapporteur, Madame Christine Gilloire.

Le groupe de travail a été constitué, conformément à la démarche habituelle du Haut comité, avec au moins un représentant de chacun des collèges et un certain nombre d’experts.

L’Andra et la DGEC n’en faisaient pas partie mais ont été auditionnées. Nous nous sommes fixés l’objectif de produire, dans un délai réduit, un rapport condensé et facile à lire. Entre le 9 septembre 2013 et le 15 mars 2013, neuf réunions de travail se sont tenues, les deux dernières étant consacrées à l’élaboration du rapport. Nous avons auditionné M. Georges Mercadal qui avait conduit le débat public de 2005 sur la gestion des déchets, l’Andra, la DGEC, l’IRSN, l’ASN, la DGPR, l’association MIRABEL-LNE, antenne locale de FNE,

Robin-des-Bois, Greenpeace, le Comité local d’information et de suivi du laboratoire souterrain de Bure (CLIS), etc. Les annexes du rapport présentent l’inventaire de référence Cigéo et un historique complet du processus décisionnel, avec une liste des publications parues sur le sujet depuis 2005.

Nous avons participé à un certain nombre de visites et de conférences, notamment à la conférence internationale ICGR (International Conference on Geological Repositories), du 1er au 3 octobre 2012 à Toronto, qui réunissait les pays envisageant la création d’un centre de stockage géologique profond de déchets radioactifs. À cette occasion, l’ONDRAF (Organisme national des déchets radioactifs, équivalent belge de l’Andra) a présenté un panorama des projets de stockage dans le monde et le CEA un point de ses recherches sur la séparation-transmutation. Nous avons, par ailleurs, visité le laboratoire de Bure et rencontré le président de la Commission particulière du débat public du projet Cigéo, M. Claude Bernay.

S’agissant des déchets radioactifs, nous jugeons, dans nos conclusions, qu’il convient de distinguer entre, d’une part, l’inventaire de référence, correspondant aux déchets existants ou anticipés dont l’Andra estime aujourd’hui qu’ils devront être stockés en couche géologique profonde et, d’autre part, les déchets provenant de l’exploitation future des installations et de leur démantèlement, qui ne seront connus précisément que dans l’avenir. Par ailleurs, nous notons que si le volume des déchets à stocker dépendra peu de la politique de gestion qui sera retenue pour le parc nucléaire actuel, une remise en cause de la stratégie de retraitement des déchets aurait un fort impact sur la nature même des déchets à stocker. Néanmoins, celui-ci ne se concrétiserait qu’à la fin du siècle. Nous considérons que le projet Cigéo ne clôt pas à lui seul la question de la gestion des substances hautement et moyennement radioactives.

Pour le processus décisionnel, nous avons rappelé son historique qui a commencé en 1990, lorsque le Premier ministre de l’époque a demandé à Christian Bataille de reprendre le dossier de la gestion des déchets. Nous avons souligné qu’il s’agit d’un processus très long et globalement transparent mais que sa durée et le nombre élevé de documents produits pourraient nuire à sa lisibilité. Il convient de noter également qu’initialement l’accueil d’un laboratoire souterrain n’impliquait pas forcément celui du centre de stockage. Par la suite, la construction d’un seul laboratoire a limité, de fait, le choix géographique. Nous avons par ailleurs relevé que le processus français n’était pas isolé au plan international dans ses choix, son déroulement ou sa longueur. Au-delà de la procédure et de la décennie actuelle, il s’agit d’un processus de long terme qui comportera encore des recherches, des études et des décisions, comme prévu par la loi, pour la réversibilité et la fermeture du stockage. L’Andra propose d’organiser des rendez-vous réguliers avec les parties prenantes, par exemple tous les dix ans. La loi sur les conditions de réversibilité pourrait peut-être prévoir des dispositions correspondantes.

Quelles ont été nos recommandations principales ? En premier lieu, que notre rapport soit mis à disposition du public pour le débat sur le projet Cigéo. Nous en avons fait une large diffusion. Il a été mis en ligne sur le site de la Commission particulière du débat public et sur celui du Haut comité. En deuxième lieu, nous avons souhaité que soit explicité, à l’occasion du débat national sur la transition énergétique, l’impact des différents scénarios de politique énergétique sur la poursuite ou l’arrêt du recyclage des combustibles. En troisième lieu, nous avons jugé qu’une modification importante du centre de stockage, comme celle qui consisterait à y stocker, vers la fin du siècle, des combustibles usés non retraités, impliquerait de relancer une étude, avec des dispositions législatives correspondantes ainsi qu’une consultation du public allant au-delà de l’enquête publique. En quatrième lieu, nous avons demandé que soient présentées clairement, à l’occasion du débat public, les options possibles pour le projet et son insertion dans le territoire, avec leurs avantages et inconvénients. En

cinquième lieu, nous nous sommes montrés favorables à la proposition d’organiser, tous les dix ans, une consultation avec toutes les parties prenantes. Ce rapport a été voté à l’unanimité par le Haut comité le 28 mars 2013 et remis à la ministre le 26 avril 2013. Il a été mis en ligne aussitôt sur le site Internet du Haut comité puis transmis à M. Claude Bernay.

M. Christian Namy.- Après avoir remis votre dernier rapport, quel retour avez-vous eu de la part du ministère ?

M. Henri Revol.- Nous n’en avons eu aucun.

M. Christian Bataille.- Après le travail approfondi que vous avez réalisé sur le projet Cigéo, considérez-vous que son calendrier peut encore être tenu ?

M. Henri Revol.- Ce calendrier pourrait être influencé par les décisions prises dans le cadre de la future loi sur la transition énergétique, notamment si celles-ci impliquent des modifications substantielles, par exemple l’arrêt du retraitement. Sinon le calendrier, même s’il semble tendu, reste tenable.

M. Christian Bataille.- Le retraitement et les conditions de stockage sont effectivement liés.

M. Henri Revol.- Néanmoins, même si ces décisions majeures devaient être prises, leurs incidences sur le stockage interviendraient bien plus tardivement.

M. Christian Bataille.- C’est précisément pour cette raison que l’impact d’éventuelles décisions politiques en matière d’énergie nucléaire, domaine où l’unité de temps est de l’ordre du demi-siècle, ne peut qu’être limité.

D’après-vous, l’organisation d’une conférence de citoyens par la Commission nationale du débat public, malgré la fin du délai maximum de six mois fixé par la loi pour le débat et en dépit des possibles réticences de la Commission particulière du débat public Cigéo, est-elle conforme à la volonté du législateur ?

M. Henri Revol.- Il ne me semble pas. J’ai d’ailleurs décliné une invitation à cette conférence, n’ayant été prévenu qu’une semaine à l’avance. J’ai une expérience ancienne des conférences de citoyens, puisque l’Office parlementaire a organisé la première conférence de ce type en France, sur les OGM. Leur principe consiste à demander à un organisme de sondage de sélectionner un panel citoyen, réputé représentatif, puis à former ce dernier sur deux week-ends, avant de lui demander de formuler un avis. À l’époque, le résultat ne nous était pas apparu convaincant.

M. Christian Namy.- Avez-vous examiné le problème de l’intégration de ce projet dans le tissu économique et social du territoire ?

M. Henri Revol.- Ce dernier aspect a effectivement été évoqué dans le cadre des auditions, notamment par le CLIS. Nous avons indiqué qu’il convenait d’expliciter clairement, à l’occasion du débat public, les options possibles pour l’insertion du projet dans le territoire, avec leurs avantages et inconvénients. Par contre, la question de l’accompagnement économique n’a pas été abordée.

M. Christian Namy.- Malheureusement, ce n’est pas ce que nous constatons sur le terrain. L’Andra manque de transparence sur ce sujet et n’intervient que lorsque le CLIS met en évidence les insuffisances du projet sur ce plan. Par ailleurs, quels étaient les représentants

du CLIS présents ? Enfin, ce problème de l’intégration économique et sociale du projet Cigéo pourrait-il être le sujet d’une saisine du Haut comité ?

M. Henri Revol.- Lorsque nous avons auditionné la délégation du CLIS, qui était représentative du pluralisme de cette instance, nous avons été largement sensibilisés sur ce point mais le Haut comité ne pourrait être saisi de cette question, puisqu’il est chargé de traiter des risques liés aux activités nucléaires. La loi de 2006 sur la gestion des déchets radioactifs lui a également demandé d’organiser régulièrement des réunions de concertation et des débats sur la gestion des déchets nucléaires, afin de répondre à une demande des CLI et du CLIS relative à la création d’un comité dédié à la question de la gestion des déchets radioactifs.

M. Christian Bataille.- Sur le PNGMDR lui-même, pensez-vous qu’il facilite les relations entre les interlocuteurs ? Voyez-vous des améliorations à apporter à ce document ?

M. Henri Revol.- Nous avions émis dans notre rapport sur la transparence du cycle du combustible une recommandation demandant que le PNGMDR soit mieux diffusé vers le public : « Le Haut comité recommande, en premier lieu au Gouvernement et à l’Autorité de sûreté nucléaire, de développer la notoriété du PNGMDR, véritable outil de référence, afin qu’il soit plus largement connu par le grand public ».

M. Christian Bataille.- Ainsi que le démontre l’exemple du récent débat public, nous ne sommes pas encore parvenus à trouver de formule permettant d’assurer un dialogue réellement ouvert et serein.

M. Henri Revol.- Pour autant, je suis satisfait du travail réalisé durant ces six années avec les membres du Haut comité, même si certains étaient, au départ, quelque peu réticents.

Ainsi que vous pourrez le constater en consultant les appréciations des membres du collège dans le rapport de bilan qui sera prochainement publié, celles des associations sur les travaux publiés sont positives.

Le mandat de l’ensemble des membres du Haut comité prendra fin le 27 février 2014. J’espère que la nomination de leurs remplaçants se fera dans un délai assez bref.

M. Christian Namy.- Je le souhaite également, le Haut comité étant devenu sous votre impulsion une instance importante pour assurer la transparence sur les questions de sécurité et de sûreté nucléaire dans notre pays. Je vous remercie des éléments d’information que vous nous avez apportés aujourd’hui.

ANNEXE N° 2 :

RÉUNION AVEC UNE DÉLÉGATION DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE, LE 10 JUILLET 2014

M. Christian Bataille, député, vice-président, a reçu une délégation russe – dont des parlementaires membres des commissions compétentes en matière de nucléaire civil – conduite par Mme Tatiana Elfimova, secrétaire d’État, directrice générale de Rosatom, pour s’entretenir de la législation encadrant le secteur nucléaire civil en France

M. Christian Bataille. - Je sais que vous avez un programme très dense et qu’après cet entretien vous devez visiter l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) que je connais bien, puisque j’en suis, au travers de la loi de 1991, le fondateur, et à ce jour l’un des administrateurs. Je crois que vous souhaitez faire d’abord une présentation. Je reprendrai ensuite la parole pour évoquer avec vous la politique de gestion des déchets nucléaires.

Mme Tatiana Elfimova,secrétaire d’État, vice-directrice générale de Rosatom. - Je vous remercie M. Bataille. Je suis ici aujourd’hui avec mes collègues parlementaires de la Douma d’État de la Fédération de Russie pour évoquer la question essentielle de la gestion des déchets nucléaires.

Nous vous avions rencontré au mois de mai 2011, alors que la Fédération de Russie était encore dans une phase préparatoire à l’adoption de la loi relative à la gestion des déchets nucléaires. Deux mois plus tard, cette loi a été votée. Il y a trois ans, vous m’avez conseillé de prendre le temps mais nous pouvons commencer à tirer les leçons des deux premières années d’application de cette loi. C’est pourquoi nous avons souhaité vous rencontrer pour vous interroger à nouveau.

Nous avons compris que la loi doit intégrer à la fois l’ensemble des mesures de gestion publique des déchets et les évolutions technologiques applicables dans ce domaine.

Étant donné que le développement de l’énergie nucléaire est un processus de long terme, nous devons aussi adopter une perspective de long terme. C’est pourquoi nous avons aujourd’hui cet objectif très opérationnel consistant à étudier les modalités de mise en œuvre de cette loi.

Cette loi définit ce que sont les déchets nucléaires et impose aux producteurs d’assumer le financement de la gestion de leurs déchets. Elle charge également un opérateur unique de la gestion de l’ensemble de ces déchets. Nous souhaiterions notamment déterminer si cet opérateur doit avoir d’autres missions que celles attribuées aujourd’hui à l’agence correspondante en France.

Afin d’assurer l’efficacité de cette loi, nous avons dû adapter la législation de la Fédération de Russie. Ainsi, nous avons modifié le système fédéral de surveillance de l’environnement et le système d'obtention de licence pour ce type d'activité, dont l’organisation Rostechnadzor a la responsabilité. L’une des mesures les plus complexes concernait l’obtention des licences pour les terrains destinés au stockage de déchets dans le cadre du ministère des ressources naturelles. Cette nouvelle loi comporte de multiples interactions avec d’autres aspects de l’énergie atomique.

Nous avons par ailleurs élaboré plusieurs décrets d’application de cette nouvelle loi.

Le premier porte sur le recensement des déchets radioactifs. Le second sur le système public de traitement des déchets radioactifs et de contrôle de cette infrastructure. L’un des décrets les plus problématiques porte sur les critères de définition des déchets radioactifs. C’est un document d’une grande envergure qui comprend les informations relatives à chaque isotope dans chacun de ses états : liquide solide ou gazeux. Le dernier décret concerne les aspects financiers, avec la définition des tarifs rattachés à chaque type de déchets radioactifs. Cette année nous avons appliqué ces tarifs ce qui a suscité beaucoup de questions.

Nous aurons évidemment l’occasion de discuter de multiples questions avec l’Andra.

Plusieurs de ces questions nous ont été répercutées par le ministère du développement économique. Par exemple, étant donné le caractère particulier de l’opérateur et le temps nécessaire pour préparer les sites de stockage, pensez-vous qu’il faut lui attribuer un statut spécial ? Ces projets sont assimilés à des projets de développement, pensez-vous que cela est adéquat ou serait-il préférable de les considérer comme des projets d’intérêt national ? Nous vous remercions d’avance pour les conseils que vous pourrez nous donner.

M. Christian Bataille. - Je vais essayer, Madame la ministre, de répondre à toutes vos questions. Mais je tiens à vous dire que le projet que vous venez d’exposer apparaît déjà bien organisé et prend en compte l’importance de la durée. J’ai souvent eu l’occasion de dire à mes amis du Gouvernement, ainsi qu’au Président de la République, que leur mandat se limite à cinq ans, alors que l’unité de temps de l’industrie nucléaire est de cinquante ans. Il faut par conséquent que la décision politique qui s’inscrit dans un temps bref puisse prendre en compte des décisions sur un temps long.

J’ai commencé à m’intéresser à ce dossier en 1989, il y a vingt-cinq ans. J’ai eu beaucoup de chance car les électeurs de ma circonscription m’ont toujours réélu, ce qui explique que j’ai pu suivre ce dossier aussi longtemps. Une autre constante qui n’est pas toujours facile à maintenir est celle des décisions, indépendamment des changements de gouvernement. Nous avons en France des alternances, avec parfois des gouvernements de droite et parfois des gouvernements de gauche. Il faut que la politique nucléaire ne souffre pas de ces changements, ce qui serait catastrophique.

Vous m’interrogez sur la centralité de la décision et le rôle de l’opérateur nationale.

À vrai dire, en France, nous avons un mécanisme qui n’est pas très éloigné du votre parce que c’est l’État, pendant et après le Général de Gaulle, qui a toujours été au cœur de la politique nucléaire. Nous avons des opérateurs multiples mais qui sont tous contrôlés par l’état. Le CEA qui vous accompagne aujourd’hui est un institut de recherche national. Areva, qui construit les réacteurs est contrôlé par des capitaux d’État. EDF, le principal opérateur, appartient à 90 % à l’État. Quant à l’Andra, c’est un établissement public dont le président et la directrice générale sont nommés par le Gouvernement. Je voudrais aussi mentionner, en particulier, la place de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui est une autorité indépendante et a la capacité de décider d'arrêter une centrale nucléaire qui montrerait des signes de faiblesse. On la surnomme le « gendarme du nucléaire ».

Je peux vous résumer le calendrier de la politique française de gestion des déchets radioactifs en ce qui concerne le stockage géologique profond. Nous avons un laboratoire à Bure qui fonctionne depuis une dizaine d’années et qui a conclu à la faisabilité d’un stockage dans un sous-sol argileux. Le parcours est toujours compliqué car des opposants minoritaires ne manquent jamais d’essayer d'empêcher le dossier d’avancer normalement. Mais nous pensons franchir les étapes administratives et législatives - puisqu’il y aura un retour devant le

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