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A) Surreprésentation des dimanches et jours chômés

Les dimanches et jours chômés sont des journées particulièrement fructueuses pour les cabaretiers. En effet, forcés de suspendre leurs activités pour respecter la tradition chrétienne, les hommes se retrouvent au cabaret pour passer leur journée, discuter des nouvelles et jouer à la boule. Sur les 264 clients, dont le témoignage nous permet de définir le jour de leur venue au cabaret, 165 ont fréquenté le débit un dimanche ou un jour chômé, soit 62% des clients ! Rassemblés à l’auberge, ils pouvaient arriver tôt et y rester tard dans la nuit. Malheureusement, le temps passé au cabaret, augmentant de concert avec l’ivresse des clients, ces journées sont artificiellement surreprésentées dans les sources, car les entorses à l’ordre adviennent avec plus d’intensité lorsque le vin est bu en quantité.

307 NICOLAS, Jean, « Le Tavernier, …op.cit., p.20-28. 308 ADI, 16B 402, Information du 22/07/1777, Charavine. 309 ADI, 16B 392, information du 26/04/1756, Saint Geoire. 310 ADI, 16B 391, information du 13/07/1755, Chirens. 311 ADI, 16B 401, information du 3/08/1776, Chirens.

Les jours ouvrés se partagent les 38% restants : le samedi, veille de jour chômé, s’arroge 12%. Tandis que pour les autres jours de la semaine, aucune tendance notable ne semble apparaitre.

Figure 13 : Fréquentation du cabaret en fonction des jours de la semaine.

B) Surreprésentation des fins de journée

Les clients se retrouvent volontiers à la fin de la journée. Occupés d’abord à leur travail, ils se retrouvent le soir pour profiter des quelques heures qui séparent la fin de l’activité du coucher. C’est également l’occasion d’économiser en chandelle et en bois de chauffage. Les clients se retrouvant au débit en soirée, représentent ainsi les trois quarts de la clientèle recensée ! « Apres les vespres » le dimanche, est la formule la plus régulièrement employée. Les vêpres correspondent à l’office qui marque la fin de l’après- midi et le début de la soirée. Dès la fin de la messe, ces hommes se retrouvent dans le second lieu de la sociabilité villageoise : l’auberge. Les soirées connaissent à nouveau une surreprésentation car les querelles s’élèvent le plus souvent le soir, lorsque les buveurs avinés laissent déborder leurs rancœurs et haines larvées. Les sources judiciaires déforment une fois de plus la réalité et bien que le cabaret soit plus fréquenté en soirée qu’en pleine journée, ces chiffres paraissent excessifs.

La matinée quant à elle, est le moment de la journée le moins représenté, notamment parce que peu d’affaires interviennent le matin. Elles représentent 7% de la clientèle. Néanmoins, d’autres biais nous informent de la présence de la clientèle au débit le matin. En effet, la plupart des informations rédigées à l’auberge le sont au cours de la matinée. Le greffier indique ainsi « ce jourd’huy dix septieme juin sur environ les huit

heures de matinnée mille sept cent quatre vingt dix »312 par exemple. Ces auditions

interviennent donc principalement le matin.

De fait, elles ont plus rarement lieu l’après-midi : « Du onze septembre mile sept

cent quatre vingt neuf a une heure de relevé au lieu d'apprieu dans l'auberge de Laurent Billiard »313. Le cabaret est ainsi largement fréquenté à d’autres moments de la journée,

dont les sources judiciaires ne permettent pas de déchirer le voile du passé. Les après-midis rassemblent en effet seulement 16% des buveurs recensés. Certains clients semblant passer à l’auberge vers une ou deux heures de relevées314, au moment du déjeuner ou un peu plus

tard vers les 4 à 5 heures, au moment du goûter. C’est le cas d’un « couvreur à pailer » qui s’arrête au cours de sa laborieuse journée de travail pour prendre une pause à l’auberge : « a lheure du gouter sur environ les autre heure de relevé Besson offrit une bouteille de vin

au deposant ». Le plus généralement, les passages à l’auberge l’après-midi -recensés dans

les affaires- se font le dimanche, alors que les paysans sont libérés des obligations de leurs activités. 78% des clients recensés présents au cabaret un après-midi, y sont ainsi entrés un dimanche, contre seulement 12% en semaine -le reste correspondant aux informations non renseignées-315. Ils sont nombreux à se rendre au cabaret avant et après les vêpres, comme des jeunes de Châbons qui commencent par boire le dimanche, avant de se rendre pour la majorité d’entre eux à l’office, puis s’en retournent au cabaret terminer ce qu’ils ont entrepris316.

Les soirées restent ainsi les plus fréquentées bien que les cabarets étaient vraisemblablement visités à tout heure du jour.

312 ADI, 16B 407, information du 17/06/1790, Chirens. 313 ADI, 16B 407, information du 11/09/1789, Apprieu. 314 Une ou deux heures de l’après-midi.

315 Voir annexe 14 sur la clientèle.

Figure 14 : Fréquentation du cabaret en fonction de l'heure de la journée.

C) Des temporalités différentes

Il est important de remarquer que le cabaret connait des temporalités différentes. En effet, cet espace communautaire est pratiqué dans le cadre de différentes fonctions par la collectivité villageoise. Fonctions judiciaire, économique, sociale et administrative n’interviennent pas au même moment dans le quotidien de l’auberge. La clientèle qui s’y rattache est ainsi également différente. La fonction judiciaire du cabaret intervient par exemple dans la journée et en semaine, de préférence le matin, pour la rédaction des pièces de procédure par les auxiliaires de justice en vue des procès. Les fonctions économiques et administratives ne semblent pas connaitre une temporalité réellement propre. En effet, il est toujours temps pour les clients de discuter affaires ou de rédiger un acte au coin d’une table. La fonction sociale du cabaret comme centre de la sociabilité communautaire est également permanente, néanmoins, les soirées, s’étirant tard dans la nuit, privilégient cette occupation au dépend des autres.

La typologie de la clientèle du cabaret évolue ainsi dans sa répartition dans le temps. De fait, sur les 19 notables dont nous connaissons le jour de venue au cabaret, ils sont 63% à s’y être rendu en semaine. Alors même que pour les 68 laboureurs dont nous connaissons le jour de la venue, ils sont seulement 12% à être entrés un jour ouvrable, contre 88 % un dimanche ou jour chômé. Cette illustration parlante démontre ainsi que comme aujourd’hui, la clientèle varie en fonction du jour et l’heure de la journée. Les notables plus âgés venant les matins de la semaine, laissant la place à la jeunesse les dimanches soirs.

Vis-à-vis de la saison, le vin est connu pour être particulièrement consommé à certaine période de l’année comme durant les fêtes de Noël, l’entrée et la sortie du Carême, les vendanges317. Nous avons donc recherché une certaine temporalité du cabaret en fonction des mois et des saisons. Malheureusement, cette analyse est trop dépendante de quelques grosses affaires qui gonflent les chiffres de certains mois. Le résultat ne semble ainsi pas particulièrement parlant.