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L’importance de l’intégration des composantes cognitivo-affectives de la CCG en

Chapitre 5 : Discussion

5.2 L’importance de l’intégration des composantes cognitivo-affectives de la CCG en

Les facteurs cognitivo-affectifs associés à la douleur musculosquelettique attirent de plus en plus l’attention des cliniciens et des chercheurs étant donné la complexité de l’expérience douloureuse. Dans le cadre d’une approche centrée sur le patient, ces facteurs font maintenant partie intégrante de l’évaluation et de la prise en charge en physiothérapie. Les résultats obtenus lors de notre étude concordent avec les connaissances actuelles portant sur les mécanismes de la thérapie manuelle. Au-delà de leur effet biomécanique, ces techniques sont désormais connues pour des effets bien plus vastes et complexes reliés au patient, au thérapeute prodiguant l’intervention et à l’environnement dans lequel l’intervention est réalisée. L’application des diverses techniques de thérapie manuelle produit une cascade de réactions au niveau des systèmes nerveux central et périphérique conduisant à une diminution de la douleur, mais également des effets non-spécifiques attribuables à d’autres facteurs, par exemple, les croyances et attentes du patient envers la thérapie manuelle (Bialosky et al., 2009). Ces effets se traduisent par des bénéfices cliniques sur différents facteurs, incluant des facteurs psychologiques reliés à la douleur (catastrophisation, peur et comportements d’évitement et kinésiophobie) (Bialosky et al., 2018). Ces modalités peuvent donc être utiles pour réduire l’impact des facteurs cognitivo-affectifs reliés à la douleur, tel que suggéré par nos résultats.

Bien que les facteurs cognitivo-affectifs reliés à la douleur n’aient pas été considérés dans des études précédentes traitant de la CCG, ils ont démontré une grande utilité chez d’autres populations souffrant de douleur musculosquelettique. De façon générale, la présence de ces facteurs est associée au développement de la douleur chronique, à l’incapacité persistante et à une réponse moins favorable en traitement (Hill et al., 2007). Chez une population similaire et souvent affectée par la CCG, soit la cervicalgie post accident de

voiture, un indice de catastrophisation élevé représente un facteur de risque élevé d’un pronostic défavorable, tout comme l’anxiété et la dépression (Walton et al., 2013).

Certains questionnaires utilisés pour évaluer l’influence des cognitivo-affectifs reliés à la douleur peuvent également contribuer à la prise de décision des cliniciens en ce qui concerne les modalités de traitement à mettre en place pour leurs patients. Par exemple, selon le modèle de sous-classification de la lombalgie basée sur le traitement (Fritz et al., 2007), un résultat de moins de 19 points à la sous-échelle du travail du questionnaire FABQ fait partie des éléments aidant à identifier les patients qui bénéficieront de manipulations vertébrales dans le traitement de leur condition. À plus long-terme, l’implantation de ces questionnaires dans l’évaluation des patients souffrant de CCG pourrait potentiellement nous permettre de trouver des liens entre la réponse à certaines modalités en physiothérapie et le résultat desdits questionnaires, et donc, contribuer à guider le choix des interventions à utiliser chez certains sous-groupes de patients.

À la lumière des connaissances actuelles concernant les sciences de la douleur, les mécanismes de la thérapie manuelle et le modèle biopsychosocial de la santé, il apparait essentiel de considérer les facteurs cognitivo-affectifs lors de l’évaluation et de la prise en charge de toute condition musculosquelettique. La validation des divers outils d’évaluation connus et utilisés chez d’autres populations avec douleur musculosquelettique représente une perspective intéressante en recherche chez les patients souffrant de CCG. Une fois validés, ces outils pourraient être utilisés en clinique tout comme en recherche afin de recueillir des informations concernant les composantes non-biologiques de la douleur et optimiser la prise en charge des patients.

5.3 Implications cliniques potentielles

L’approche thérapeutique en physiothérapie combinant les mobilisations rotatoires de type SNAG aux exercices d’auto-mobilisation de type auto-SNAG au segment C1-C2 a démontré des effets bénéfiques significatifs sur divers facteurs, incluant la douleur, la perception de fonction physique, la mobilité cervicale globale et segmentaire (au niveau

C1-C2) et les facteurs cognitivo-affectifs reliés à la douleur chez les patients souffrant de CCG.

Tel que suggéré par le plus récent guide de pratique clinique portant sur les cervicalgies (Blanpied et al., 2017), nos résultats semblent supporter l’utilisation des exercices de type auto-SNAG au segment C1-C2 dans la prise en charge clinique des patients souffrant de CCG. Nous croyons que la combinaison de l’exercice et de la technique de traitement par le clinicien pourrait être plus bénéfique car l’application de techniques en thérapie manuelle agit via des mécanismes complexes et engendre indirectement un effet bénéfique sur les facteurs cognitivo-affectifs de la douleur, en plus des facteurs biologiques.

L’utilisation du TFRC par les physiothérapeutes pourrait être optimisée via l’ajout d’un outil de mesure afin de permettre un meilleur dépistage d’une perte de mobilité rotatoire au segment C1-C2. Le goniomètre HALO représente une option intéressante car il est simple d’utilisation, peu couteux et a démontré une bonne validité de construit dans la mesure de l’amplitude de mouvement (Correll et al., 2018; Jorgensen et al., s. d.). En plus d’augmenter la sensibilité du test, l’ajout d’une mesure continue (en degrés) permettrait également au clinicien d’obtenir une donnée fiable et précise d’un déficit de mobilité au segment C1-C2. Cette mesure pourrait ainsi être utilisée pour orienter la prise en charge, mais également pour déterminer l’évolution du patient dans le temps.

L’ajout de l’évaluation de certains facteurs cognitivo-affectifs, tels que la catastrophisation de la douleur, les peurs et comportements d’évitement reliés à la douleur et la kinésiophobie, pourrait aider le clinicien à obtenir un portrait plus global et représentatif du patient dans le cadre du modèle biopsychosocial de la douleur. Considérant la complexité de la douleur chronique et le défi que représente la prise en charge des patients présentant des facteurs cognitivo-affectifs associés à la douleur musculosquelettique en général, l’ajout de ces mesures pourrait permettre au clinicien de mieux comprendre la condition de chaque patient et de porter un regard différent sur le pronostic de chacun. De plus, la considération de ces éléments permettrait d’individualiser la prise en charge des

patients souffrant de CCG en appliquant certains principes connus dans la gestion de la douleur chronique avec composantes cognitivo-affectives (J. A. Watson et al., 2019).

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