L’importance du lien avec les enseignants

Nos recherches préalables sur la problématique des troubles de comportement en milieu scolaireproposaientplusieurs éléments qui semblaientvouloirrévélerl’importanceque lelien avec les adultes pouvait prendre et l’influence qu’il pouvait détenir sur les élèves présentant descomportements inadéquats etproblématiques. Danscetteoptique,undes acteursdumilieu scolaire le plus influent sur l’élève demeure l’enseignant. À cet effet, nos expérimentations auprès deG. et deS., lors desquelles leprocessus dejusticeréparatrice était axéautour d’une finalitépréventive, nousontpermisde constaterque larelationd’unélève ayantuntroublede

comportement avec ses enseignants semble représenter un facteur déterminant de son comportementà l’école. RappelonsqueG. avaitconnuplusieursconflits avecdes enseignants etmême unautre accrochage suiteà la CIJRalors que les enseignants de S. semblaient avoir abandonnés l’idée de sa réussite académique. À cet effet, lors de l’évaluation de l’expérimentation,samèreavaitsuggéréquelaprésenced’enseignantàlaCIJRauraitététoute aussiimportantequecelledeladirectionetdel’éducatrice.

Ence sens,ilapparaîtpertinentde s’intéresseràl’incidencede larelation élève/enseignantsur les jeunes avec des troubles de comportement. À cet effet, Potvin (2007) soutient qu’une perceptionnégativede l’élèvequantàsesrelationsavec ses enseignantspeutêtreassociéeàun facteurd’absentéisme. Dans sonécrit,l’auteurdéveloppesapensée(p.1-2) :

Il peutse produire dansla relation élève enseignantou élèvedirection uneffet négatif issu des conséquences des problèmes de comportement de l’élève. Il est possible que pour le personnel de l’école qu’il soit « souhaitable » que l’élève soit absent étant donné les problèmes qu’il cause quand il est présentà l’école. Ce sentiment peut être perçu par l’élève sans que celui soitmentionné directement. Cette attitude des adultes et même des pairs, peut avoir pour conséquence de soutenir ou de renforcer l’absentéismechezunélèveperturbant.

Ilajoutequedesmauvaisesrelationsavec lesenseignantsetd’autresadultes del’écolepeuvent amenerlesélèvesentroubledecomportementàexpérimenterdes moments d’humiliationetde dévalorisation. De même, d’Allaire et ses collaborateurs (2005) suggèrent que les relations négatives entre les élèves en difficulté et les enseignants représentent un facteur de risque probantdudécrochagescolaire. Àceteffet,notonsque,pourS.,quiestmédicamentésuiteàun diagnostic de dépression et quia connudes épisodes suicidaires, son attitudenégative envers l’école, ses mauvais résultats académiques et ses relations peu constructives avec ses enseignants, seraientdes facteurs derisque liés au suicide(Flouri etBuchanan, 2002 ; Hart et al., 2007 ; Portzky et al., 2005 ; Psychiatry, 2001 dans Laurier, 2008). De même, « le fait de quitterl’écoleetdenepasatteindre desqualifications minimalesplaceraitles adolescentsplus à risque de présenter des comportements suicidaires » (Beautrais, 2003a, 2003b ; Brent et Bridge, 2007; Fergussonetal.,2003 ; Rohde, Seeleyetal., 1997dansLaurier, 2008 : p.39),ce qui estexactementle caspourS. autermede ladernièreannéescolaire. Ainsi, pourlesélèves qui éprouventdes difficultéscomportementales, l’enjeude larelation avec les enseignants est sérieuxcarles conséquencespeuventêtretrèsimportantes. Conséquemment, «c’estencesens

que l’influencedes adultessignificatifs, notammentlesprofesseurs,peutjouerunrôleclédans lapréventiondeladélinquance,toutenfavorisantlaréussitescolaireetainsi lavalorisationde l’école»(Laurier, 2008 :p.39).

Dans cetteperspective, certains éléments delalittérature appliqués ànos expérimentations de justice réparatrice préventive nous font réfléchir sur l’importance du lien entre l’élève en troubledecomportementetsesenseignants. Enfait,àlalumièredecequenousapprennentles auteurs dans leparagraphe ci-dessus, laparticipationd’enseignants auprocessus nous apparaît désormais comme une tangente indispensable au processus puisqu’il semble que ceux-ci incarnent des figures fondamentales de la relation directe et quotidienne des jeunes avec l’école, cequitend à impactersignifîcativement l’expérience scolaire des élèves entrouble de comportement. Robine etDebarbieux (2014) ont expérimentédes dialogues élève/enseignant, basés sur le principe de communication non-violente de lajustice réparatrice qu’on retrouve entre autres dans la troisième étape du processus que nous proposons. L’expérience semble avoirétéconcluante. Lesauteursdécriventl’effetdudialogueélève/enseignant:

Chacundécouvre avec étonnementceque l’autrepouvaitvivre. Laprisede conscience souhaitée par l’adulte chez l’élève se fait beaucoup plus quand il entend ce que l’enseignantvit, quand il le découvre comme un être humain, que quand il reçoit une punition. Les adultes découvrentqu’au lieu de perdre leurautorité, ilsaccèdent à une qualité de relation basée sur un respect mutuel : l’élève ayant reçu de l’écoute, de la considération,durespect,endonnelui-même aussi,naturellement(p.84).

Aussi, les données recueillies dans les cas de G. et de S. suggèrentque lajustice réparatrice permettrait d’améliorerlesrelations entrelesélèvesauxcomportementsdifficilesetles adultes en milieu scolaire, du fait que, dans ces deux expérimentations préventives, les participants notaient une amélioration des relations des élèves avec les adultes de l’école. En ce sens, si nous considérons que la justice réparatrice peut améliorer les relations entre les élèves en trouble de comportement et les adultes de leur école, cela signifie qu’elle a le potentiel d’améliorer le lien entrelesjeunes etleurs enseignants et donc, laparticipation de ceux-ci au processus devrait être une priorité vu leur rôle central dans l’expérience scolaire des jeunes considéréscommeproblématiques.