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Contribution de la justice réparatrice : une approche éducative plutôt que punitive

Dans le document MAÎTRISE EN TRAVAIL SOCIAL (Page 57-61)

4. Comment est le climat à l’école / en classe depuis la CIJR?

4.1.3. Contribution de la justice réparatrice : une approche éducative plutôt que punitive

Les données recueillies portent à croire que l’utilisation d’une philosophie réparatrice innovante pour aborder le cas de J. avec une approche différente, c’est-à-dire la CIJR, ait permis d’obtenir des résultats différents de ce que l’on avait l’habitude de voir chez J. en termes deréactionsauxmesures disciplinairesprises àsonégard suiteà des conflits.Eneffet, il semble qu’une approche basée sur l’empathie, la conscientisation, la responsabilisation, la communicationetl’éducationse soitavéréeprometteusedans lecasdeJ.

En guise d’analyse et d’explication, partons du fait que J., aux prises avec d’importants troublesde comportements’extériorisantsouventpardelaviolenceoudescrises, estunélève qui a été suspendu à maintes reprises de son école, donc, exclus de son milieu scolaire.

Pourtant, ses comportements inadéquats n’ont fait qu’augmenter au fil des années et aucune mesure disciplinaire employée précédemmentne semble avoir eu l’effetescompté sur l’élève considéréproblématique, sicen’estqued’empirerlagravitéetlafréquencedesesagissements répréhensibles. Par ailleurs, ce constat de l’exacerbation des comportements inadéquats de J.

faceaux sanctions imposées parsonmilieu scolaire se confirmedans les recherches d’auteurs repris plus haut dans la section de l’essai consacré à la problématique des troubles de comportementextériorisés.

Par exemple, Diem (1998) ainsi que Walker et ses collaborateurs (2004) soutiennent que les mesures disciplinaires du milieu scolaire, cherchant à assagir les élèves perçus comme problématiques, ont en fait l’effet inverse puisqu’elles tendent à empirer les comportements inadéquatsdeceux-ci.Robbes etAfgoustidis(2015)ajoutentqueles sanctionsimposéescréent

une relation tendue entre l’élève et l’école, ce qui contribue à l’adoption de comportements d’opposition systématique et de provocation ainsi qu’à l’agitation et à l’extériorisation de frustrations. Ces auteurs expliquent qu’il secréeunrapport de forceentre l’élèveet l’écoleet puisque le jeune avec des troubles de comportements sent qu’il n’a pas l’opportunité de s’exprimersursasituationou dese rattraper, onnoteune augmentationsignificativedurisque qu’il explose et extériorise des comportements de façon violente et impulsive (Robbes et Afgoustidis, 2015). Bégin et ses collaborateurs (2016) en arrivent aux mêmes conclusions suggérant que l’utilisation stricte, arbitraire et répétitive de mesures punitives en réponse aux écartsdeconduitedes élèvesperçuscommeproblématiques contribueàdétériorer lesrelations deceux-ciavec l’école dansuneescaladedurapportdeforcequimetdel’huilesurlefeuence qui concerne l’extériorisation de leurs troubles de comportementen milieu scolaire en termes defréquence,degravitéetdechronicité.

Dans cette perspective, l’expérimentation d’une approche plus flexible, telle que la justice réparatrice,pourrevenirsurles éléments fondamentaux d’une situationconflictuellequi mène à une suspension, semble pouvoir s’avérer bénéfique et plus efficace que l’application machinale demesurespunitives sans véritable finalité éducative. En effet, si l’on compare les retombéesdelaCIJRsurlasituationconflictuelleetplusparticulièrementsurlecomportement de J. aux retombées des autres mesures auparavant employées pour répondre aux situations problématiques concernantcet élève, ilapparaît quelajusticeréparatricesoitparvenue à faire unboutdecheminquelesautresapprochesn’ontpasréussiàfaireavecJ.

De même, l’analyse des données recueillies montredes améliorations comportementales de la partdeJ. encommençantparsa façondesecomporter avec lavictime. Eneffet, enréponseà laquestion«comment se comportele fautifavectoi depuis sonretourà l’école/enclasse? », touslesparticipantesontréponduqueJ. faisaitpreuvedegentillesseetcelorsdechacunedes deuxévaluations(après7et21jours).

Ensuite, les données qualitativesproposentdesaméliorationsdans lafaçondeJ. àréagiràune situationdeconflit. OnnoteparexemplequeJ.aréussiàgérerundifférendavec lavictimeen s’exprimant et s’expliquantnon-violemment pour ensuite faire ses excuses, ce qu’il semblait visiblementincapabledefaireparlepassé. Auregarddecettepossibleamélioration,lesliensà faire aveclalittérature sontintéressants alors queEllisetTod(2009) dénoncentle faitque les

écoles emploient des mesurespunitives,parfois avec beaucoupde rigidité, pourconformerles élèves à descomportements adéquatspuisque cette façond’opérer contraintledéveloppement deleurautonomie etsupprimetoute opportunitéd’apprentissage àpartird’expériencesvécues.

Dansuneoptiquesimilaire,Kohn(1996dansHopkins,2011)expliquentquelameilleurefaçon d’amener les élèves à devenir des personnes réfléchies et éthiques, contrairement à des personnes qui ne font que faire ce qu’on leurdit sans poser de questions, c’est de les placer dans des contextes éducatifs leurpermettantdetrouvereux-mêmes etentreeux la manière de se comporter convenablement à l’école, en société (l’école est une micro-société). De fait, l’expérimentation d’une approche disciplinaire moins rigide (plus flexible) et plus éducative reflète bien l’idée de Kohnpuisque laparticipationde J. à la CIJRet donc, l’évolution de sa réflexion tout au long du processus et du dialogue axé sur la conscientisation et la responsabilisation, semble l’avoir suffisamment outillé pour luipermettre de régler, de façon autonome,unconflitsurvenusuiteàlaconcertation.Untémoignagedel’éducatriceàcetégard vientappuyercetteréflexion :

«Je croisquelajusticeréparatrice estunbonmoyenpourdesconflits comme ça. Tsé, suspendre J. àtoutbout de champs c’est inutile etçane lui apprend vraiment rien. Là, ce qu’on a fait avec eux, le dialogue et tout, c’est une opportunité pour J. de mieux comprendre sesmauvaiscomportementsmais,surtout, deles réparer»

Ence sens,on comprendici l’importanced’une approche plus flexible etadaptée, qui déroge des mesures punitives habituelles, pour intervenir auprès d’élèves avec des troubles de comportement extériorisés en milieu scolaire afin de leur permettre d’apprendre de ce qu’ils ont vécu, de développer une réflexion prosociale / éthique et d’ajuster leurcomportement en fonction de ces apprentissages de façon à mieux répondre aux situations conflictuelles (Hopkins,2011).

Aussi, en lien avec l’amélioration de J., en ce qui a trait à la gestion de conflits, la démonstrationdesa capacité d’expressionlorsdudialogue avec lavictime dansle cadrede la CIJRnous amène àpenserquel’aspectde lacommunicationestunélément cléde l’approche puisque, comme le mentionne Robbes et Afgoustidis (2015), il est essentiel pour les élèves avecdes troublesdecomportementd’avoirl’occasiondes’exprimerensituationde conflit. En ce sens, lajustice réparatrice, qui incarne une approche plus flexible, adaptée et éducative, offre l’opportunité aux élèves de dialoguer autour du problème au lieu de les punir sans en 59

discuter. De cette façon, ceux-ci tendent à ressortir d’une situation négative avec des améliorations comportementales etdes apprentissages auniveaux des habiletés socialesplutôt qu’avec des frustrations plus vives, une incompréhension de la situation et un sentiment d’injustice qui ne peuvent qu’empirer le rapportde force entre ces élèves et l’école, comme soulignépardifférentsauteursprécédemment.

Aussi, si, comme le rapporte la littérature, les mesures disciplinaires tendent à augmenter la tension et semblentparfois être des contributrices à l’escalade des conflits en milieu scolaire, (Bégin et coll., 2016), les données recueillies ici semblent vouloir indiquer que la justice réparatrice, elle, a permis de diminuer la tension entre la victime et le fautif, au point que, malgré une certaine méfiance résiduelle de la victime (possiblement reliée en partie à des facteurs de sonvécu antérieur), les deux élèvesparvenaient àeffecteur unetâche quotidienne ensemble,soitladistributiondescollationsdansles classes.

Ensomme, 1‘expérimentationde lajusticeréparatrice et les données recueillies dans lecas de J. semblent vouloir suggérer que le projet a eu des retombées positives sur l’élève et qu’une approche plus flexible et éducative pour intervenir auprès d’un élève avec des troubles de comportementextériorisés enmilieu scolaireparaît plus efficaceque l’applicationde mesures punitivessans fondementéducatif.

CIJR#2 :Interventiondejusticeréparatricepréventiveauprès deG.

4.2.

G. est unélève dusecondairede 15 ans quiétait enconstante opposition avec les professeurs, le personnel de l’école et la direction. Troubles de comportements, violences verbales, faroucheoppositionenversle personneldel’école, impolitesse,absentéisme, consommationet vente de drogue. L’élève vivait de fréquents conflits avec ses enseignants et se retrouvait souventdans le bureau dela directrice suiteà ceux-ci. En ce sens, G. représentait uncas très problématiqueàl’école.

4.2.1. Contexte d’intervention Naturedelademande

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Nous avons eul’opportunité d’expérimenternotreprojetdejusticeréparatrice avec G. suiteà notre affectation à l’école secondaire qu’il fréquentait. Après avoir consulté l’équipe école (direction, éducatrice, enseignantressource, agentd’assiduité) pourobtenir lepointde vuede chacunde ses membres surla situationde G. etleurvisiondu type d’interventionàmettre de l’avant, nous avons présenté les grandes lignes de notre projet et proposé d’emprunter cette avenuepourremédier auxcomportementsinadéquats de l’élève, ceque ladirection aaccepté.

Dans cecontexte,nous avonspuexpérimenternotreapprochedansuncas opposantunélèveà ladirectiondel’école.

Justificationdelajusticeréparatricecommemodèled’intervention

La direction menaçait d’expulser G. de l’école ou de l’envoyer dans un établissement d’encadrementcomportementalintensif. C’estfaceàcerisqued’expulsionqueleprocessusde justiceréparatrice s’estenclenchésous laformed’unealternative cherchantàmaintenirl’élève danssonécole.

4.2.2. Présentationdesdonnéesprovenantdel’outild’évaluation Lesrépondant(e)s

Les données quantitatives et qualitatives de la concertation à laquelle a participé G.

comprennent les réponses de G. et de trois autres participantes : l’éducatrice, l’agent d’assiduité et la direction. La mère de G., présente lors de la concertation, n’était pas disponiblepourrépondreauxquestions maisacollaboréetparticipéactivementtoutaulongdu processus.

Données quantitatives

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