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Je présente ici quelques résultats obtenus dans la recherche sur le vécu disciplinaire. Je m’attarde notamment sur ceux concernant la dimension de la compréhension, constitutive du

vécu disciplinaire. Ils sont exposés ailleurs plus en détail (Reuter dir. 2016c). Cette recherche

prend en compte différents degrés scolaires et filières ainsi que des étudiants et des adultes en formation123. J’ai étudié plus particulièrement les classes de seconde, la majorité des résultats présentés ci-après les concerne.

De manière générale, la compréhension est mentionnée plutôt positivement en primaire, elle fait partie de ce qui donne envie aux élèves d’aller à l’école, elle suscite des sentiments positifs comme le fait de se sentir fier ou content d’avoir compris en cours. La compréhension est mentionnée plutôt négativement au collège, elle fait partie des mauvais souvenirs en classe. Elle est aussi mentionnée négativement en BTS et GRETA.

123 Primaire, collègue et lycée (général et professionnel), BTS, Master et CAP. Les classes et nombre d’élèves sont détaillés dans Lahanier-Reuter et Menouar-Verfaillie (2016) p.36-37.

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2.1 L’importance de la compréhension concernant l’envie ou non d’aller à

l’école

Le choix a été fait d’utiliser des questionnaires parmi d’autres outils méthodologiques (Lahanier-Reuter, Verfaillie-Menouar, 2016). La question suivante a été posée : « Y a t’il ou y avait-il des fois où tu as ou tu avais vraiment envie de venir à l’école à cause d’une matière ou d’un type de travail ou d’évaluation dans une matière ? Si oui, peux-tu me dire le plus précisément possible pour quelle(s) raison(s) ». Cette question était aussi posée sur le versant négatif.

Dans les déclarations des élèves de 2nde, les élèves ont plutôt envie de ne pas aller au lycée quand ils ont en cours de l’Anglais, du Français, de l’Histoire-Géographie et des Mathématiques, soit les matières considérées comme centrales. Les raisons mentionnées sont : l’évaluation, le rapport au domaine du monde auquel réfère la matière, le fonctionnement de l’enseignant, l’incompréhension, et l’exposition publique (Ordonez-Pichetti, 2016).

Cependant ces émotions positives ou négatives, aussi fortes soient-elles, peuvent évoluer ou se transformer radicalement. Par exemple, un élève écrit : « En Français j’ai toujours était nul mais en 3ème j’ai eu une super prof et au lycée aussi, ça devient un plaisir alors qu’avant c’est une corvée », ou un autre : « En 4ème, j’avais des difficultés en Mathématiques et je ne comprenais vraiment rien. Je me sentais nue. Mes parents m’ont payés des cours de Mathématiques avec une dame qui m’a redonné confiance en moi et me donné envi de combattre cet « echec ». J’ai eu un déclic et je suis devenue excellente en maths, qui m’a permit d’approfondir mes connaissances et m’a donné envi de faire un BAC S. ». La confiance en soi est reliée à l’estime de soi, à la valeur que l’individu s’accorde à lui-même (Lafortune, St-Pierre, 1994). L’estime de soi est définie comme l’appréciation affective qu’un individu manifeste envers lui-même (Ruel, 1987).

J’ai noté l’importance émotionnelle de la compréhension dans les disciplines, ainsi que les conséquences dommageables induites par la non-compréhension.

Comprendre ou ne pas comprendre dans une discipline induit chez les élèves des réactions émotionnelles plus ou moins exacerbées. L’incompréhension dans une discipline est vécue

188 négativement par les élèves. Cette incompréhension est fréquemment mentionnée en Mathématiques, peu en Histoire-Géographie et jamais en EPS.

2.2 L’importance de la compréhension concernant la matière préférée ou la

moins aimée

Les questions suivantes ont été posées : « Quelle est la matière que tu préfères ou que tu as préférée à l’école ? Pour quelle(s) raison(s) ? » et « Quelle est la matière que tu aimes le moins ou que tu as aimé le moins ? Pour quelle(s) raisons ? »

Pour les élèves de 2nde, l’incompréhension est très souvent mentionnée comme la raison principale de ne pas aimer une matière. Il m’a été possible de penser des liens entre désamour et non implication dans une discipline. Parmi toutes les raisons évoquées par les élèves de 2nde à propos de l’amour ou désamour d’une discipline, l’incompréhension occupe la deuxième place dans le nombre d’occurrences des raisons. La première raison donnée est le domaine du monde auquel réfère la matière et la troisième est l’évaluation.

En 3ème, la raison principale de ne pas aimer les Mathématiques est la difficulté que les élèves rencontrent lors de la compréhension des contenus.

2.3 Le poids du vécu dans les disciplines

La dimension émotionnelle de la compréhension, exprimée par les élèves, manifeste des relations affectives intenses avec les disciplines.

Je retrouve quatre des cinq disciplines interrogées dans cette thèse (Français, Histoire-Géographie, Mathématiques et SVT) parmi les matières citées comme étant les plus aimées ou les moins aimées avec comme principale justification à ce sentiment la compréhension ou l’incompréhension des contenus. Ainsi, en Mathématiques, l’incompréhension des contenus est la raison la plus citée par les élèves de 2nde parmi les raisons de ne pas aimer la matière. Hajar écrit : « Je trouve que les Mathématiques sont difficiles comme matière et quelques fois dur à comprendre » ou Lucas : « Car je trouve que c’est compliqué, je n’arrive pas à comprendre beaucoup de choses ».

189 En SVT, Paul affirme: « c’est difficile à comprendre il y a beaucoup trop de choses à apprendre ». Ce dernier exemple réitère l’ambiguïté entre les termes comprendre et apprendre que l’on retrouve chez les élèves. Ici c’est l’incompréhension d’un contenu qui suscite chez les élèves un sentiment négatif à propos de la matière.

2.4 Les sentiments évoqués au moment de comprendre

En posant la question : « Peux-tu m'expliquer ce qui se passe dans ta tête quand tu comprends quelque chose que tu n'avais pas compris avant ? » Les 44 premiers élèves interrogés (Ordonez-Pichetti, 2011) intègrent un sentiment dans leurs réponses. Treize élèves ont utilisé le terme « content », cinq le terme « fier », trois un « soulagement », et deux une « réjouissance ». J’identifie 23 réponses sur les 44 qui évoquent un sentiment lié au processus de compréhension d’un contenu à l’école. Dans la citation suivante, on peut distinguer un sentiment attaché à la discipline selon la manière de l’étudier : « J’aime les matières logiques et pas les langues ou l’Histoire-Géo où dans ces cas c’est que du par cœur ».

Les sentiments suscités par la compréhension d’un contenu peuvent varier pour un même élève selon la discipline à laquelle il se réfère. Il peut par exemple se sentir fier d’avoir compris en Histoire, content d’avoir compris en SVT et soulagé d’avoir compris en Anglais.