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L’impact du pâturage

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 195-198)

5. L E MARAIS DE R IBAINS : ETUDE D ’ UNE TOURBIERE DE MAAR

5.4. Les principales sources de dysfonctionnement de la tourbière

5.4.2. L’impact du pâturage

Sur la tourbière de Ribains le pâturage équin a été intégré depuis une dizaine d’années.

Cette pratique concerne 30 à 35 ha de la partie centrale, soit plus de la moitié de la surface totale de la zone humide. Seules le ruisseau de la source des Empèzes et le grand fossé de drainage sont actuellement en mesure d’empêcher efficacement les chevaux d’occuper le reste de la tourbière. Il s’agit d’un pâturage extensif permanent, avec un maigre apport fourrager complémentaire, durant l’hiver. Il concerne le plus souvent un troupeau d’une vingtaine de bêtes, pouvant atteindre occasionnellement la quarantaine. La pression du pâturage est donc le plus souvent d’environ 0,7 UMB / ha (Unité de Moyen Bétail, pour des bêtes comprises entre 300 et 500 kg), soit un peu moins de 0,6 UGB / ha (Unité de Gros Bétail), sachant que 1 UGB est égal à 0,8 UMB (Darinot & Morand 2001) et peut atteindre jusqu’à 1,3 UMB / ha, soit environ 1,1 UGB / ha.

Ce pâturage n’est pas sans effet sur la tourbière. Nous avons vu à quel point les modifications des conditions hydriques avaient été lourdes de conséquences sur l’équilibre

écologique de la tourbière. Dans ces conditions, le pâturage représente une menace supplémentaire susceptible d’accélérer ou de favoriser l’action du drainage.

Les animaux interviennent sur le milieu de trois façons (Dupieux 1998) : - par le piétinement des végétaux et du sol,

- par abroutissement des végétaux, - par l’apport d’excréments.

Photographie 15 : Impact du pâturage sur la tourbière de Ribains, particulièrement visible dans les zones d’abris et de repos ou les parcours alimentaires.

C’est donc la combinaison de ces trois facteurs qui va conditionner l’impact du pâturage sur le milieu concerné. L’intensité avec laquelle ces trois modes d’intervention vont agir sur le milieu va dépendre de la pression de pâturage, de la durée du pâturage et de leur comportement alimentaire. Il est également important de vérifier si un complément fourrager est apporté.

Le comportement alimentaire des grands herbivores domestiques est quant à lui conditionné en particulier par la qualité nutritive, l’appétence des végétaux et la disponibilité

variabilité comportementale comme la facilité d’accès, l’hydromorphie ou le pourcentage de graminées (Faverot et al. 1999). Ces paramètres orientent donc les parcours alimentaires des chevaux, d’autant plus que la surface du marais de Ribains est loin d’être homogène.

L’existence de gradients hydrologiques, topographiques et/ou pédologiques, à l’origine d’une richesse floristique élevée et d’une importante diversité des groupements végétaux, oriente les chevaux dans leurs choix alimentaires. A cela s’ajoute encore la variabilité saisonnière des différents types de prairies. Certaines sont exploitables plus tôt dans la saison. D’autres, comme les prairies hygrophiles, moins praticables au printemps car souvent inondées, peuvent représenter une ressource fourragère intéressante plus tard dans la saison, en début d’été.

Nous pouvons noter également que les pics de production sont en général plus tardifs pour les prairies hygrophiles. Cette caractéristique est intéressante au niveau de l’utilisation de la ressource fourragère, qui permet d’envisager une complémentarité possible entre les différents types de prairies (Bonis 2004). Dans ces conditions la libre pâture des chevaux entraîne des zones de sur-pâturage et de sous-pâturage (Darinot & Morand 2001). La pression du pâturage, estimée approximativement entre 0,6 et 1,1 UGB à l’hectare, n’a donc qu’une valeur indicative et doit être prise avec précaution.

Les principaux parcours alimentaires des chevaux entraînent, par action mécanique des sabots, l’apparition de décapages en surfaces de la tourbe. Du fait des apports d’excréments et du tassement, ces surfaces décapées se minéralisent rapidement et se distinguent d’autant plus dans le marais. Le surpiétinement des chevaux entraîne ainsi des phénomènes de déstructuration de la végétation et du sol, aux conséquences nettement visibles sur certains secteurs, particulièrement sur les parcours et les reposoirs à l’abri des arbres. Sur ce type de pâturage extensif discontinu, on estime généralement que 5 à 10 % de la surface des zones humides concernées par ce type de pâturage est ainsi entièrement dégradée (C.R.E.N. 1999).

A Ribains, les surfaces totalement décapées occupent des superficies très modestes.

Elles sont concentrées sur la moitié est du grand fossé de drainage, à l’abri de la ripisylve (photographie 15), mais aussi de la petite saulaie à saule roux (Salix acuminata), développée dans la partie Nord-Est de la tourbière. De nombreuses taches sont également visibles sur les marges du cône de déjection, dans la prairie à canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa). Ce phénomène de décapage est également clairement visible sur les parcours alimentaires (photographie 15). Dans ces secteurs, la mise à nu du sol et le piétinement répété, ont entraîné le développement d’un sol brun très évolué et enrichi en azote, favorable à l’implantation de communautés herbacées vivaces, mi-hautes, denses et pauvres en espèces qui pénètrent de

plus en plus profondément dans la zone humide. Celles-ci sont dominées par l’ortie dioïque (urtica dioica), le galéopse tetrahit (Galeopsis tetrahit) auxquels s’ajoutent le cirse des champs (Cirsium arvense), l’élyme rampant (Elymus repens) ou la ciguë tachetée (Conim maculata).

Dans les prairies humides bordant la partie à l’Est du ruisseau de la source des Empèzes, on constate des signes de dégradation de la zone à touradons. Ces structures végétales, encore impressionnantes par leur taille et leur densité (photographie 14), sont régulièrement consommées par les chevaux. Les sabots des chevaux qui parcourent ces zones plus humides déstructurent profondément la surface du sol fragilisant également la base des touradons. Les conditions hydriques et édaphiques initialement favorables au développement de ces formations végétales ne sont alors plus réunies. De cette façon, ces touradons ne pourraient représenter que des reliquats, au même titre que ceux présents dans la partie centrale de la tourbière (photographie 11).

Enfin, la consommation répétée et systématique de certaines espèces n’est pas sans conséquence sur la dynamique de la végétation. Elle peut conduire, à plus ou moins long terme, à stopper leur progression et entraîner leur régression, voire leur disparition. Seules les espèces les plus résistantes vont pouvoir survivre au broutage excessif, au compactage et à l'action des sabots sur le sol. On assiste ainsi à une substitution progressive des communautés d’intérêt patrimonial par des communautés beaucoup plus banales (Seytre 2003). Il est à noter que l’essentiel de l’habitat à calamagrostide négligée (Calamagrostis stricta) est situé dans ce périmètre de pâturage. La renoncule lingua (Ranunculus lingua), également présente dans le périmètre, est quant à elle moins menacée par le pâturage du fait de sa toxicité.

A Ribains, il est certain que le pâturage ne constitue pas le principal facteur de transformation de l’écologie de la tourbière. Néanmoins, il paraît favoriser certains processus et accélérer d’autant plus les dégradations, initiées par la création du grand fossé de drainage.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 195-198)