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La classification des tourbières

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 64-68)

3. P RESENTATION ET TYPOLOGIE DES TOURBIERES DU D EVES

3.1. Les tourbières : définitions

3.1.2. La classification des tourbières

La classification des tourbières a déjà fait l’objet de nombreuses publications à travers le monde, dès le début du XXème siècle (Weber 1902, 1903 ; Tansley 1911 ; Cajander 1913 ; Abolin 1914 ; Durietz 1949). Celles-ci se sont multipliées par la suite (Moore & Bellamy 1974 ; Botch & Masing 1983 ; Sjörs 1983 ; Succow & Lange 1984 ; Steiner 1992 ; Mitsch &

Gosselink 1993 ; Manneville 1999 ; Charman 2002) et font encore aujourd’hui l’objet de réflexions. La multiplicité de ces références témoigne de la complexité et de la diversité de ces habitats. C’est la raison pour laquelle il peut paraître compliqué de mettre en place une typologie adaptée, tant les facteurs influents sont nombreux, sans compter les problèmes de traduction d’une langue à l’autre. « The classification systems of different countries provide a bewildering array of hierarchies, terms and definitions and it is difficult to provide a summary of ideas that will be applicable to all countries » (Charman 2002). Toutefois, « la classification mondiale des tourbières tend actuellement à s’homogénéiser et à se clarifier » (Manneville 1999).

Les classifications des tourbières dépendent de divers critères aussi bien descriptifs comme la végétation, la topographie ou le contexte géomorphologique que génétiques avec le

partie n’est pas de reprendre dans le détail l’ensemble des typologies existantes mais de présenter la terminologie utilisée à travers ce travail.

3.1.2.1. Classification d’après le statut trophique et l’origine de l’alimentation hydrique

Lorsque l’on aborde le thème de l’alimentation en eau dans les classifications sur les tourbières on s’aperçoit que de nouveaux termes peuvent être créés simplement en changeant les suffixes. Il arrive donc parfois qu’il y ait confusion entre l’utilisation du suffixe « -gène » du grec genos (= origine, naissance), qui désigne exclusivement l’origine de l’eau qui a permis la naissance de la tourbière et le suffixe « trophe » du grec trophê (= nourriture), qui fait référence à l’état nutritionnel actuel de l’eau, pour la croissance des plantes. On distingue ainsi nettement le terme ombrogène, « qui naît des eaux de pluie », du terme ombrotrophe,

« qui se nourrit des eaux de pluie ».

Terminologie en « -trophe »

Lorsque l’on étudie le mode d'alimentation hydrique actuel des tourbières, il convient d’utiliser la terminologie en « trophe ». Celle-ci permet de distinguer les eaux minérotrophes - ou géotrophes - des eaux dites ombrotrophes. Les eaux minérotrophes sont plus ou moins enrichies en minéraux du fait de leur écoulement dans le sol ou le sous-sol. Au contraire, les eaux ombrotrophes, directement issues des précipitations météoriques sont très pauvres en minéraux. Dans ce cas, le statut trophique désigné par le suffixe –trophe nous permet d’opposer les tourbières ombrotrophes aux tourbières minérotrophes.

Une tourbière ombrotrophe est donc théoriquement tributaire exclusivement des apports pluviométriques. Cela signifie qu’elle est déconnectée de toute alimentation en eau tellurique. Les faibles apports nutritifs des eaux météoriques confèrent à ces tourbières une forte oligotrophie et une acidité à l’origine de spécificités floristiques bien étudiées par les botanistes.

Une tourbière minérotrophe ou géotrophe est en revanche largement tributaire des eaux de ruissellement ou de la présence d’une nappe phréatique. Cette eau enrichie en éléments nutritifs va permettre le développement d’une végétation sensiblement plus riche que les tourbières ombrotrophes. Dans cette même logique, on peut distinguer deux grands

types de tourbières minérotrophes : les tourbières minérotrophes riches et les tourbières minérotrophes pauvres (Durietz 1949 ; Payette 2001a). Cette subdivision repose essentiellement sur les propriétés chimiques et le pH de la tourbe et de l’eau circulant dans la tourbière. Ainsi, le pH de l’eau et du substrat organique des tourbières minérotrophes pauvres varie entre 3,8 et 6,5, alors qu’il est généralement supérieur à 5,5 et atteint facilement 7,5 dans les tourbières minérotrophes riches (Payette 2001a).

Certaines tourbières minérotrophes deviennent, par exhaussement, progressivement ombrotrophes. On parle alors d’ombrotrophie par opposition au phénomène de minéro- ou géotrophie. L’origine de ce changement peut être soit de nature climatique, soit le résultat d’une succession écologique naturelle (Payette & Rochefort 2001). Il arrive ainsi qu’une tourbière minérotrophe en cours d’ombrotrophie présente une mosaïque de surfaces de nature différente, intimement liées entre elles (Wheeler & Proctor 2000). Dans ce cas, certains auteurs ont été amenés à distinguer une troisième catégorie intermédiaire qualifiée de tourbières mixtes ou tourbières de transition. Ici, nous privilégierons la notion d’ombrotrophie jugé plus appropriée.

Ce gradient d’ombrotrophie-minérotrophie varie de « riche » à « pauvre » en espèces indicatrices de minérotrophie, entre les tourbières ombrotrophes et les tourbières minérotrophes. Ce gradient peut donc s’exprimer à l’échelle régionale, du fait par exemple de contextes climatiques différents, mais aussi à l’intérieur d’une même tourbière (Du Rietz 1949 ; Wheeler & Proctor 2000 ; Campbell & Rochefort 2001).

Le niveau trophique fait aussi référence à la teneur du milieu en éléments nutritifs dissous, notamment en azote et phosphore. Il permet alors de distinguer les tourbières oligotrophes (pH < 5,5) pauvres en éléments minéraux, des tourbières eutrophes (pH > 7) fortement minéralisées, les tourbières intermédiaires étant qualifiées de mésotrophes (5,5<

pH <7). Mais là encore, il ne faut pas être dyadique. Des phénomènes d’eutrophisation peuvent intervenir par enrichissement nutritif du milieu notamment par arrivée d’effluents divers, dont ceux d’origine agricole. Une évolution inverse, l’oligotrophisation, peut également intervenir lorsque les apports externes cessent ou deviennent insuffisant, dans le cas par exemple d’un lessivage par eaux de pluie, ou encore lorsque l’ombrotrophie se développe.

Terminologie en « -gène »

La classification en « gène » est la plus courante et pourtant la plus difficile à utiliser si l’on considère que l’on étudie les conditions hydriques ayant permis le démarrage de la tourbière. Or, pour connaître cette situation de départ il est indispensable de réaliser au préalable une étude hydro-géomorphologique approfondie. Seule celle-ci permettra de déterminer sur quelle formation géologique repose la tourbière et de quels apports hydriques elle a pu bénéficier. Cette étude doit ensuite être couplée avec une étude paléoenvironnementale afin de pouvoir localiser où le démarrage de la tourbière a pu avoir lieu. Cette question est particulièrement importante lorsque la surface de la tourbière est étendue. Dans ce cas, la turfigenèse a aussi bien pu se faire au fond d’une dépression, actuellement totalement comblée et donc invisible, que sur le versant ; la terminologie utilisée serait alors différente d’un cas à l’autre.

Dans cette terminologie nous retiendrons surtout quatre types de tourbières (Julve 1994) :

- Le type ombrogène qui, comme le type ombrotrophe décrit précédemment, est uniquement sous l’influence des eaux météoriques et de ce fait d’origine climatique.

- Le type soligène qui correspond aux tourbières « […] dépendant de sources, de suintements ou de ruissellements d’eau sur des pentes moyennes à faibles ou encore de percolation sous la surface du sol […] » (Manneville 1999).

- Le type topogène issue d’une nappe affleurante dans une dépression topographique. Toutefois, ce type peut porter à confusion car il est en effet difficile d’envisager une dépression qui ne soit pas également tributaire des apports en eau des versants. Dans ce cas il serait alors plus juste d’utiliser le terme de topo-soligène.

- Le type limnogène qui « prend naissance par atterrissement dans un étang ou un lac, à partir de radeaux ou de plantes enracinées dans les profondeurs du plan d’eau » (Manneville 1999).

Dans cette même typologie, d’autres types de tourbières existent : fluviogène ou telmatogène, thalassogène et condensarogène. Néanmoins, ces types de tourbières étant absents de notre cadre d’étude, nous ne les développerons pas.

3.1.2.2. La classification selon l’acidité du milieu

L’acidité du milieu, déterminée par une échelle de valeur de pH comprise entre 2,5 et 9 (Succow & Lange 1984 ; Gorham & Janssens 1992 ; Proctor & Maltby 1998 ; Gunnarsson et al. 2000 ; Sjörs & Gunnarsson 2002), permet d'opposer les tourbières acides ou acidiphiles (<5,5) aux tourbières basiques ou alcalines (>7). Une situation intermédiaire comprise entre un pH de 5,5 et de 7 permet encore de qualifier certaines tourbières de neutro-alcalines.

Dans les domaines granitiques ou volcaniques de nos moyennes montagnes, seules les tourbières acides ou neutro-alcalines sont représentées.

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