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L’identification du profil des personnes enquêtées

CHAPITRE V. LES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES ET REVENUS DES MÉNAGES CHEZ LES

5.1 L’identification du profil des personnes enquêtées

L’identification permet de connaître l’âge, le niveau de scolarisation, la profession, la composition du ménage et les actifs fixes (terre, bétail…) des personnes enquêtées. Ces variables sont importantes dans l’analyse socio-économique des ménages. La détention du capital foncier, l’accès à la scolarisation et une certaine composition du ménage favorisent la résilience.

5.1.1 L’identification des personnes enquêtées

Les veuves du génocide représentent en majorité une population vieillissante dont le niveau de scolarisation est faible. Selon les résultats du recensement des rescapés, mené par l’INSR en 2008, les veuves de la tranche d’âge des 35-49 ans représentent 22 % de la totalité des veuves du génocide. Cette proportion passe à 34 % dans le groupe d’âge 50-64 ans et atteint 45 % pour les veuves ayant plus de 65 ans. La même étude précise que 40 % des veuves ne savent ni lire ni écrire (INSR, 2008).

Pour la dernière recherche approfondie, et comme nous l’avons déjà mentionné précédemment, l’âge des personnes enquêtées a été limité à 55 ans. L’objectif était de cibler les veuves capables de travailler et pour lesquelles on peut mesurer la capacité de résilience sur la base de leurs réalisations. Les résultats obtenus en ce qui concerne l’âge et la scolarisation sont résumés dans le tableau suivant :

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Tableau 19. Répartition des personnes enquêtées en fonction de l’âge et du niveau d’études par zone d’étude

Bugesera Rwamagana Moyenne

Age moyen 50,8 49,8 50,3 Niveau d'étude moyen 3,5 3,1 3,3 Sans aucune étude scolaire en (%) 40,0 30,0 35,0 Niveau primaire en (%) 50,0 60,0 55,0 Formation technique (familiale) en (%) 10,0 10,0 10,0

Source : Enquête (2012)

L’âge moyen des veuves est de 50 ans. Leur niveau moyen de scolarisation est de trois années de primaire. Les personnes enquêtées n’ayant pas fait d’études représentent 35 %. Celles qui ont fréquenté l’école mais n’ont terminé l’école primaire s’élèvent à 55 %. Les veuves du génocide ayant une formation technique sont estimées à 10 %. La formation dite familiale était autrefois dispensée à des personnes ayant terminé l’école primaire ; elle durait deux ans. Actuellement, elle est assimilable à des formations techniques. Ces dernières ont connu un bon développement en étant transformés en écoles secondaires complètes et délivrent actuellement le diplôme des humanités. Comme nous allons le montrer plus tard, la formation est capitalisable pour ces veuves. En effet, celles qui présentent un niveau de scolarisation élevé (post-primaire) bénéficient de plusieurs formations, utiles au développement du capital humain. Ce sont elles qui deviennent les gestionnaires des associations au niveau de l’agglomération. Le fait d’avoir travaillé sur un nombre limité de personnes nous a permis de bien connaître le profil de chacune des enquêtées.

Partout à Rwamagana comme à Bugesera, les responsables des coopératives sont celles qui ont le niveau de scolarisation le plus élevé. La comparaison par site ne montre pas de différences significatives en ce qui concerne l’âge et le niveau d’études. Le critère de choix sélectif des enquêtées l’explique en grande partie. Il en est de même pour la scolarisation. Etant donné que les deux sites se trouvent en milieu rural et que l’enquête s’adresse au même public (femmes), on peut s’attendre à ce que les résultats soient similaires.

5.1.2 Le nombre d’enfants dans les ménages des veuves

Le nombre d’enfants dans un ménage est un élément important pour les populations pauvres qui vivent de l’agriculture. Le ménage fournit l’essentiel de la main-d’œuvre domestique dans les exploitations agricoles. Certains membres du ménage peuvent également chercher un travail hors exploitation pour maximiser le revenu du ménage ou tout simplement dans un souci de plein emploi.

La figure 10 montre que Rwamagana occupe la première position concernant le nombre d’enfants dans un ménage : 4,2 contre 3,6 à Bugesera. La taille d’un ménage moyen au plan national est de 4,8 (EICV3, 2010-2011). Les enfants biologiques sont plus nombreux à Rwamagana qu’à Bugesera. Les veuves de Bugesera sont plus nombreuses à avoir adopté plusieurs enfants : 1,8 contre 1,3 à Rwamagana. Elles sont aussi plus nombreuses à avoir survécu sans aucun enfant (25 % contre 0,5 % à Rwamagana). Globalement, 50 % des veuves

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vivent avec des enfants adoptés63. A Bugesera, les enfants adoptés sont plus nombreux que les enfants naturels. Cette situation s’explique, d’une part, par l’intensité du génocide dans la région et, d’autre part, par des éléments d’ordre historique au niveau de la zone.

Figure 10. Nombre d’enfants dans les ménages des personnes enquêtées et lien de parenté Source : A partir des données de l’enquête (2012)

Note : Le nombre d’enfants, les enfants biologiques et adoptés sont exprimés en moyenne des veuves enquêtées.

En effet, Bugesera a connu beaucoup d’atrocités bien avant le déclenchement du génocide de 1994. Cette zone a été le lieu de déportation des Tutsis dès 1959, à la suite des troubles politiques. Les massacres des Tutsis s’y sont succédé en 1963, 1973 et 1990. A Ntarama, au village Mandela, Madame Nyiramisioni est originaire de Gikongoro, au Sud du Rwanda. Sa famille s’était installée à Bugesera en 1963 pour fuir les massacres qui ont emporté son père. Le génocide a causé la mort de son mari et de trois enfants. Elle est rescapée avec une fille qui, malheureusement, est morte aussi en décembre 2011 à la suite d’une courte maladie. Pendant la période exploratoire, en 2010, et la première enquête approfondie, en 2011, c’est avec elle que nous avons établi les premiers contacts et entretiens. Ensuite, elle a facilité notre introduction dans d’autres ménages de veuves. Elle inspirait la confiance et manifestait de l’estime de soi. Après la mort de sa fille, elle n’a plus jamais été la même. Cette illustration montre que la résilience n’est pas un acquis définitif et que la composition du ménage compte énormément. Il y a des difficultés qui surviennent et qui peuvent rendre vulnérables les personnes qui pourtant présentaient une certaine résilience.

63 Il faut faire la différence entre l’adoption légale et cette forme d’adoption reconnue en milieu rural. Ce sont,

en effet, des enfants ayant un lien de parenté (paternel ou maternel), qui se regroupent auprès de la veuve et forment le ménage.

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Il faut aussi noter que 13 % des veuves (25 % quand on considère le seul site de Bugesera) n’ont pas d’enfants naturels. Les veuves, surtout celles qui n’ont pas d’enfants, affirment que leur pauvreté est plus accentuée par l’absence de soutien social. Les enfants constituent une aide essentielle pour les parents d’un âge avancé mais aussi une force de travail dans une économie paysanne, comme dans le cas d’espèce. L’adoption est une stratégie d’adaptation, de résilience. Les enfants adoptés à Bugesera sont plus nombreux qu’à Rwamagana, justement pour compenser le déficit familial.