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CHAPITRE V. LES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES ET REVENUS DES MÉNAGES CHEZ LES

5.2 Les activités socio-économiques

5.2.2 L’élevage

L’élevage est une activité complémentaire à l’agriculture au Rwanda. Les personnes enquêtées pratiquent l’élevage en stabulation permanente. Les animaux sont gardés dans des étables où ils reçoivent leur alimentation et les soins vétérinaires nécessaires. Plus de 90 % des étables sont construites sur les mêmes parcelles que les habitations. L’élevage dans les étables permet aussi d’assurer la sécurité du bétail et de faire un suivi particulier en cas de maladie. D’une part, il est motivé par le fait que les pâturages sont presque inexistants dans plusieurs régions du pays et, d’autre part, il permet de récupérer le maximum de fumier de ferme, utile pour la production du compost. Il faut noter aussi qu’il existe des mesures publiques qui interdisent la pratique de l’élevage extensif en divagation. Elles ne concernent pas, cependant, les éleveurs ayant des fermes bien structurées, qui peuvent garder leurs animaux dans des limites précises.

Nous avons analysé la composition et le taux de possession des bovins et ovins par les ménages des personnes enquêtées, avant et après 1994, et leur mode d’acquisition. Les résultats sont présentés dans le graphique ci-après.

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Figure 19. Pourcentage de détentrices de cheptel des veuves avant et après 1994 Source : A partir des données de l’enquête (2012)

D’après nos entretiens réalisés au cours de la phase exploratoire et de la première enquête portant sur 148 veuves, tout le cheptel en leur possession avait été soit pillé, soit tué pendant le génocide.

La figure ci-dessus présente des statistiques pour 30 personnes enquêtées durant la dernière phase, en 2012. A Bugesera, il a été constaté que le taux de possession du cheptel a connu une diminution, respectivement de 50 % et 34 % pour les bovins et les ovins. A Rwamagana, ce taux a diminué de 5 et 23 % respectivement pour les bovins et les ovins.

La reconstitution du cheptel bovin a été assurée par le programme One Cow per One Poor

Family - Girinka Munyarwanda pour 75 % des personnes enquêtées. C’est à Rwamagana et

spécialement à Munyiginya qu’il y a eu le plus de vaches distribuées. Si l’on fait une comparaison par district, les proportions se montent à 83 % et 17 % respectivement à Rwamagana et à Bugesera. Il faut rappeler que le programme Girinka a permis d’octroyer des vaches aux ménages présentant les capacités de les entretenir dans un élevage en stabulation. En plus d’être pauvre, il faut avoir assez d’espace pour cultiver le fourrage. Enfin, 7 % des personnes enquêtées ont acquis des vaches par leurs propres moyens. Elles font partie de celles qui pratiquent le commerce comme activité secondaire à Nyagasambu.

La pratique de l’élevage en stabulation par les veuves rencontre cependant des difficultés en termes de disponibilité et de transport du fourrage. En effet, les personnes enquêtées vivent dans les agglomérations, en habitat regroupé. Le fourrage est le plus souvent cultivé dans des champs éloignés des habitations. En plus du fourrage, les fertilisants sont transportés par tête du village au champ. Cela alourdit les travaux agricoles des veuves. Il faut savoir qu’une vache consomme une quantité importante d’eau, qui doit être puisée généralement à quelques

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kilomètres du village. Les autres charges d’exploitation relatives à la pratique de l’élevage de bovins sont notamment l’insémination artificielle qui est annuelle, sauf en cas d’échec. Elle est évaluée à 5 000 Frw par les veuves.

Le revenu issu de l’élevage comprend la vente du lait et du fumier, et la variation de stock « élevage » par les nouvelles naissances. Puisque le nombre de têtes de bétail est limité (entre 1 et 5), il a été jugé que les deux derniers composants sont insignifiants. Le calcul du revenu tient compte des données recueillies auprès de huit éleveurs de Munyiginya70. D’autres possèdent des vaches de la race locale qui produisent 2 litres de lait, qui sont consommés par le ménage.

Tableau 25. Production laitière moyenne des vaches des veuves de Munyiginya (en litres) Veuve Production journalière Prix du litre Vente journalière Vente mensuelle

1 6 190 1 140 34 200 2 8 190 1 520 45 600 3 4 190 760 22 800 4 10 190 1 900 57 000 5 7 190 1 330 39 900 6 5 190 950 28 500 7 8 190 1 520 45 600 8 7 190 1 330 39 900 Total 55 10 450 313 500 Moyenne 7 190 1 306 39 188

Source : Nos calculs à partir des enquêtes de terrain (2012)

Note : le prix et les revenus sont exprimés en Frw.

La production laitière d’une vache dépend essentiellement de la qualité et de la quantité de fourrage consommé et d’autres aliments complémentaires tels que le sel, l’eau…

Les quantités présentées dans le tableau ci-dessus ne comprennent pas le lait consommé par les veaux et les ménages. Ce sont celles qui sont vendues au centre de collecte « DUFACO ». L’approvisionnement se fait chaque jour et les paiements sont effectués à la fin du mois, sur des comptes ouverts à l’Umurenge SACCO. En moyenne, la vente du lait procure un revenu moyen de 1 306 Frw par jour soit 39 188 Frw par mois. Après déduction des charges d’exploitation71, le revenu net de l’élevage est estimé à 20 000 Frw par mois par les personnes enquêtées. Cette somme est un revenu régulier sur 10 mois de l’année (période pendant laquelle la vache produit du lait).

A part le revenu monétaire, la possession de la vache permet d’augmenter le rendement agricole par l’utilisation du fumier. Il y a lieu de rappeler que l’importance de l’élevage dans la lutte contre la pauvreté n’est pas l’apanage des Rwandais. En effet, chez les éleveurs Turkana au Kenya, le cheptel est à la fois fondement des relations sociales et facteur essentiel de résilience (Cantoni et Lallau, 2010). Selon Cantoni et Lallau : « les animaux procurent la

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Ces veuves ont été bénéficiaires des vaches laitières du projet Send a Cow Rwanda. Elles sont membres de la coopérative « DUFACO » et génèrent des revenus importants à partir de la vente du lait.

71 Les charges d’exploitation de la pratique comprennent la rémunération du berger, le fourrage, l’eau et les

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principale source de nourriture avec la viande et, de façon plus courante, le prélèvement ponctuel de sang et de lait qui permet de nourrir en partie la famille tout en maintenant le cheptel en vie. Le troupeau est également une composante essentielle de l’identité et de la culture turkana. De plus, il a un rôle d’épargne pour le noyau familial. Enfin, posséder un troupeau de grande taille comprenant plusieurs centaines, voire milliers, d’animaux, tout en étant synonyme de richesse et assurant un statut social important, est un gage supplémentaire de résilience. »

Dans sa recherche sur Madagascar, Rousseau (2005) montre que « les bœufs font partie du

capital ou des actifs physiques dont disposent les ménages. Ils constituent des réserves de valeurs, de l’épargne et peuvent servir à lutter contre les risques ».

Pour le FAO (2009), « l’élevage est un moyen d’existence essentiel pour les pauvres. Il est

une source d’emploi, un moyen de thésaurisation, une forme d’assurance. Il favorise l’égalité entre les sexes en créant des opportunités pour les femmes. Il contribue à la fertilité des sols et il participe à la lutte contre les ravageurs. Les déchets d’élevage peuvent aussi servir de source d’énergie pour la préparation des aliments et à ce titre contribuer à la sécurité alimentaire ».