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I. Introduction générale

I.5. L’hypothèse du triptyque « contenu – pilotage – profils »

I.5.1. Trois facteurs qui déterminent la réception du projet

L’hypothèse générale sur laquelle s’appuie l’analyse des données recueillies et qui organise le rapport d’étude est la suivante : la mise en œuvre de collaborations inter-

professionnelles entre le SCD et les enseignants-chercheurs (et, selon le contexte, le souhait d’approfondir ou de prolonger ces collaborations) repose sur les conditions de réception du projet par les « collaborateurs » : bibliothécaires et enseignants-chercheurs.

Nous soutenons que ces conditions de réception sont influencées voire déterminées par trois facteurs et la manière dont ils s’articulent entre eux :

 Facteur 1. Le contenu même du projet.  Facteur 2. Le pilotage du projet.

 Facteur 3. Les profils socioprofessionnels.

Nous avançons donc que les contenus, le pilotage et les profils socioprofessionnels conditionnent les formes de réception et d’appropriation du projet, et par là, les formes de collaboration envisagées.

Ces facteurs (Facteur 1, Facteur 2 et Facteur 3) ont servi de guide à l’analyse des entretiens : ils sont devenus des axes thématiques qui ont permis de « découper » les entretiens. Nous avons ensuite détaillé ces facteurs en variables qui permettent d’identifier, dans les entretiens, ce qui relève des « contenus », du « pilotage » et des « profils » des enseignants-chercheurs, des bibliothécaires et de l’ingénieur pédagogique. Le « profil » par exemple se caractérise ici par le « parcours professionnel », la « discipline d’enseignement », « l’articulation recherche – enseignements », « rapport au numérique », « rapport au pédagogique ». Le poids de chaque variable varie en fonction du corps professionnel : on comprend aisément que la variable « discipline d’enseignement » prévaut par exemple pour les enseignants-chercheurs.

Les variables sociales et professionnelles ainsi construites (« parcours professionnel », « discipline d’enseignement », « articulation recherche – enseignements », « rapport au numérique », « rapport au pédagogique », etc.) ont ensuite été alimentées de données empiriques : « parcours professionnel » = « a une formation initiale en sciences de l’éducation », « a une formation initiale en informatique », « a soutenu une thèse en informatique », « a été instituteur », « a passé le concours de bibliothécaire (vs de conservateur) », etc. Ces données factuelles ont permis d’identifier la forme concrète des

indicateurs dans le discours, c’est-à-dire de savoir quelle forme prennent concrètement par

exemple les « valeurs professionnelles », les « compétences » (indicateur « rapport de connaissance et de reconnaissance des compétences respectives »), etc.

Enfin, l’analyse du discours, c’est-à-dire des propos tenus, des avis portés, des attentes formulées, etc., a permis quant à elle d’identifier le sens que les indicateurs prennent pour les

acteurs (telles compétences sont-elles effectivement connues, reconnues ? etc.). C’est ainsi que l’on peut constater par exemple que l’indicateur « volontés et motivations » (par le projet, donc à collaborer) dépend notamment, pour les enseignants-chercheurs, du rapport qu’ils entretiennent au numérique (variable « rapport au numérique » du Facteur 1), ainsi que des « modalités d’exploitation des contenus » (variable du Facteur 3), etc.

Tableau 2. Récapitulatif du mode d’analyse thématique des entretiens

Nom Prénom / n° entretien*

Facteur Variables Données empiriques Indicateurs Impact sur relation au projet Impact sur collaborations Page de l’entretien 1. Profil « parcours professionnel » (formation) Instituteur Formation initiale en sciences de l’éducation Thèse en informatique « rapport de connaissance et de reconnaissance des compétences respectives »

Intérêt pour l’IP Importance du numérique dans l’IP Compétences numériques Etc. ++ ++ ++ 1 « discipline d’enseignement » Sciences de l’éducation « rapport de connaissance et de reconnaissance des compétences respectives » Référée à « scénario pédagogique » ++ 3, 8 « articulation recherche – enseignements », « Enseignement + / recherche – » « valeurs professionnelles » Ethos d’enseignant Autonomie ++ « Individualisme pédagogique » ++ ++ - - - - 5 « rapport au

numérique » Compétences numériques ++

« rapport de connaissance et de reconnaissance des compétences respectives » Importance du numérique dans l’IP … ++ 4-5 2. Pilotage du projet (vu par nom/prénom) « Modalités de sollicitation des enseignants- chercheurs » Rencontres personnalisées en face à face (x rencontres en bib, dans bureau) « formes de diffusion / communication » Primordial Forte volonté Formes de sollicitation variées des EC ++ 10

Mailing Peu opérant - - 5

3. Contenus du projet (vu par nom/prénom) « ebooks » Ebooks homothétiques ou « pdf » Adéquation aux besoins/attentes Faible pertinence Parle d’ebooks « tuteurs » / « dynamiques » Etc. - - 22 Modalité

d’exploitation « scénario pédagogique » « Adéquation modalité / compétences »

Faible degré d’adéquation des exigences du scénario avec l’exploitation qui en est faite par les EC

Etc.

- - 24

* Ici, le tableau est une concaténation de plusieurs tableaux utilisés pour l’analyse. Nous présentons ici le détail des variables retenues :

Les variables du Facteur 1 : le contenu même du projet. Interviennent ici :

 L’offre de contenus (des ebooks adaptés).

Introduction générale  Les modalités d’exploitation des contenus (ici via le « scénario pédagogique »)

Nous avons également cherché à caractériser les formes des collaborations attendues (explicitement, par le porteur de projet) et/ou constatées (construites peu à peu) - et ce sur quoi elles ont porté - dans le temps en répondant à plusieurs questions connexes :

 les personnes interrogées avaient-elles quelque relation que ce soit avant le déroulement du projet lui-même ;

 avec qui y a-t-il (y avait-il) relation (intra ou inter professionnelle) ?  combien de personnes sont-elles concernées par ces relations ?

 le réseau des relations de chaque individu a-t-il été modifié par le projet, et si oui dans quel sens ?

 chaque relation a-t-elle évolué dans le temps (en termes de nature et/ou d’intensification) ?

 de nouveaux acteurs non attendus interviennent-ils et pourquoi ?

 les relations sont liées aux positions professionnelles (obligation professionnelle) ou aux investissements respectifs (qui peuvent aller au-delà des obligations professionnelles) : quel rôle alors chacun joue-t-il (accepte-t-il de jouer) dans le projet ?

Les variables du Facteur 2 : le pilotage du projet. Interviennent ici les modalités :

 de communication, de diffusion de l’information (temporalité, utilisation privilégiée du mail, face à face, individuellement, collectivement, etc.), afin de partager l’information,

 de sollicitation des enseignants-chercheurs (questionnaires, etc.), les demandes formulées par le SCD à leur encontre (initiatives à mettre en place),

 d’échanges en vue de définir (totalement ou partiellement) des objectifs communs, de faire des choix, avoir des moments, des lieux, des rôles, des tâches à réaliser  de reconnaissance des expertises, identités et valeurs,

 d’inclusion-participation des participants (partage de la décision). Mais également :

 la temporalité du projet,

 le soutien hiérarchique / institutionnel,

 des formes d’« organisation » (collaborations avec des instances locales, organisations d’évènements…),

 un climat de confiance (appréciation du porteur de projet par les partenaires et collègues).

Les variables du Facteur 3 : le profil socioprofessionnel. Interviennent, dans cette analyse :

 Le parcours professionnel.  La discipline d’enseignement.

 L’articulation recherche – enseignements.

 Le rapport au numérique (compétences et appétence).

 (plus globalement) Le rapport au métier (d’enseignant, de chercheur, de bibliothécaire, d’ingénieur pédagogique) ; et donc « le rapport à » : l’enseignement, la recherche, l’information - documentation, la pédagogie, mais aussi le « public », l’institution, les pairs…

 Les valeurs professionnelles déclarées.

Les questions des conditions d’existence ou d’absence de relation et/ou d’évolution de relation ont ensuite été abordées, des conditions institutionnelles et organisationnelles (position de la hiérarchie…) aux conditions matérielles (lieu, temporalité…), structurelles (modalités de la communication collective et interindividuelle) et individuelles (profils individuels comme l’appartenance disciplinaire ou l’investissement dans les questions pédagogiques des enseignants-chercheurs).

I.5.2. Revenir à la question de départ

Au final, cette étude pourrait se résumer à la question suivante : pourquoi certains

enseignants-chercheurs se sont-ils investis dans le projet « Des ebooks pour la Licence » (et pas d’autres) ? Et ses corollaires : quelle(s) formes / quelle intensité cet investissement prend-il,

et à quoi tiennent les différences ? Au-delà de la « bonne volonté » des enseignants- chercheurs, l’objectif pour nous est d’identifier des facteurs structurants les choix. Ici, les indicateurs nous servent de guide.

L’étude de ces relations de collaboration ne peut cependant pas être abordée sans revenir au projet lui-même, à son contenu (aux choix effectués en termes de « bouquets » par exemple, et à la manière dont les choix ont été faits), à son déroulement, ses objectifs et les conditions (institutionnelles, communicationnelles, matérielles, etc.) de sa réalisation au sein de l’Université, car ces facteurs construisent une représentation du projet. Il y a tout au long de son implantation des stratégies qui sont développées par le porteur de projet pour trouver des soutiens, pour présenter le projet d’une façon favorable et le valoriser / légitimer auprès de ceux à qui il s’adresse et dont il attend une participation. Ces facteurs vont donner un sens au projet, une certaine valeur aux yeux des enseignants-chercheurs, bref, de l’intérêt (ou pas), ce qui va influencer la réception du projet par ces derniers (elle-même influencée par le profil de l’enseignant-chercheur, etc.), donc leur choix de s’investir ou non dans le projet. La relation de collaboration naîtra (ou pas) de cet investissement (ou de son absence).