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V. Conclusion

V.1. Caractériser les facteurs des collaborations inter-professionnelles

L’analyse des relations de collaboration entre SCD et équipes pédagogiques autour d’un projet d’innovation pédagogique par le numérique montre ici que si des relations (pré)existent bien entre SCD et équipes enseignantes, et malgré le recours à un acteur

facilitateur en la figure de l’ingénieur pédagogique, on ne peut parler de « collaborations

inter-professionnelles » établies et durables. La situation analysée est en réalité celle de

relations de collaboration par projet, en construction, inscrites dans une démarche que l’on peut

qualifier d’artisanale, d’apprentissage collectif de la collaboration autour d’un projet d’innovation pédagogique. La trame des limites rencontrées par ces opérateurs du

changement mobilisés pour renverser la table des valeurs académiques se situe tout à la fois

au niveau des compétences individuelles et des logiques par trop sectorielles des organisations professionnelles universitaires.

Au terme de cette étude, il est possible de caractériser les collaborations inter- professionnelles constatées à l’état naissant de la manière suivante :

1) Le projet d’innovation pédagogique – et « l’AMI », le cadre institutionnel qui lui est donné – dans lequel s’inscrit le projet « Des ebooks pour la Licence » a fait émerger ces collaborations en provoquant un décloisonnement des besoins professionnels attenants à la mise en œuvre d’un tel projet, avec toutes les difficultés que peut rencontrer un projet naissant de collaborations entre deux corps professionnels qui, pour certains et parfois, se côtoient, mais qui, professionnellement, ne se connaissent pas (sans s’ignorer pour autant).

Cet état de fait a fortement influencé : a. Le facteur relationnel.

L’identification des enseignants-chercheurs susceptibles de participer au projet n’a pu se faire qu’au travers de connaissances interpersonnelles (notamment au travers des enseignants-chercheurs qui fréquentent la BU Sciences), lesquelles se sont révélées relativement rares et soumises à conditions (par exemple que les enseignants-chercheurs fréquentent la bibliothèque, ou à tout le moins, le campus afin que des contacts, mêmes informels, soient possibles).

b. Les stratégies de pilotage.

Notamment tout le travail de légitimation pédagogique du projet aux yeux des enseignants-chercheurs, comme les stratégies d’essaimage.

c. La connaissance des expertises respectives.

L’absence d’explicitation des pratiques pédagogiques qui était pourtant attendue des enseignants-chercheurs par les bibliothécaires n’a pas permis d’intégrer les

Conclusion ebooks dans des scénarios pédagogiques, lesquels se sont révélés être au cœur du projet. L’aide à l’élaboration des scénarios pédagogiques attendue des bibliothécaires par les enseignants-chercheurs n’a pu se réaliser non plus. Par voie de conséquence, dans la majorité des cas, les collaborations elles-mêmes s’en sont trouvées inabouties.

d. Le rapport au temps.

L’innovation prend du temps. Ici, le temps consacré au facteur relationnel s’est comme surajouté au temps de présentation et d’explication du projet, lui-même lié au temps qu’un enseignant-chercheur éventuellement intéressé par le projet est inévitablement amené à consacrer à la stricte question de la maîtrise des outils pédagogiques numériques. Il en est allé de même avec la mise en place des « scénarios pédagogiques ». C’est pourquoi le projet, entendu ici au sens de projet de collaboration avec les enseignants-chercheurs, se déploie en deux temps, avec une phase que l’on a qualifiée de « qualitative » (il fallait qualifier le projet, identifier les acteurs…) et une phase dite « quantitative » (phase de recrutement plus large et institutionnalisé des enseignants-chercheurs).

En conséquence, les collaborations SCD – enseignants-chercheurs sont, au terme de cette étude :

a. relativement peu nombreuses,

b. centrées sur les disciplines scientifiques et techniques, c. à l’état naissant, ou « en construction »,

d. menées à travers une démarche « artisanale », pragmatique et adaptative,

e. rarement satisfaisantes (au regard des attendus relatifs à la notion centrale de « scénario pédagogique »).

2) Nous avons vérifié en outre que les conditions de réalisation des collaborations sont directement déterminées par trois facteurs :

a. Le contenu même du projet.

Cela concerne à la fois :

 Le format des ebooks : faible intérêt de l’ebook homothétique.

 Les conditions matérielles d’accès aux ebooks (connectique et niveau de granularité).

 Le « scénario pédagogique » : il détermine les motivations à collaborer comme la réalisation effective ou non des collaborations.

b. Les facteurs de pilotage.

Ils se déclinent :

 En termes de stratégies de légitimation menées par le porteur de projet auprès des acteurs pédagogiques, techniques et politiques locaux et nationaux de l’innovation pédagogique.

 En termes de reconnaissance des expertises respectives (les bibliothécaires présélectionnent les bouquets, les enseignants- chercheurs choisissent les ebooks de leurs cours).

 En termes de partage et de diffusion de l’information (réunions, rencontres individuelles, mailing).

 En termes de stratégies d’élaboration d’un objectif commun (via la journée d’étude).

 En termes de relations sociales (importance du facteur « relations interpersonnelles »).

 En termes d’essaimage (s’appuyer sur des enseignants-chercheurs pour qu’ils diffusent le projet auprès de leurs collègues).

c. Les profils socioprofessionnels : i. des enseignants-chercheurs.

Les conditions de réalisation des collaborations sont ici déterminées par l’appartenance disciplinaire (prédominance des disciplines scientifiques et techniques), les compétences numériques (déterminent les usages et motivations), le niveau d’explicitation des pratiques pédagogiques (détermine l’aboutissement de la collaboration) et le niveau d’individualisme pédagogique et de culture de la collaboration des enseignants-chercheurs (ce sont les valeurs du groupe professionnel à dépasser). Nous sommes à même de proposer la combinaison des variables socioprofessionnelles individuelles susceptibles de mener un enseignant-chercheur vers une collaboration fructueuse avec le SCD sur la base du projet proposé, et cela, comme nous l’avons développé plus haut, selon l’équation suivante :

D is cip li n es s ci e nti fiq u e s et te c h niq u es

compétences numériques178 + privilégie enseignement sur recherche179

=

collaboration fructueuse.

ii. des bibliothécaires.

Les conditions de réalisation des collaborations sont ici déterminées par la figure renouvelée du bibliothécaire qui est celle du « consultant expert ». Sa légitimité est acquise par la maîtrise des compétences relatives aux outils numériques documentaires mais plus largement aux outils numériques liés à l’information. Ces bibliothécaires sont résolument orientés vers la médiation technique et/ou pédagogique de l'offre informationnelle. Se situant « à la croisée des mondes »

178 i.e. qui comprend un usage et une maîtrise systématique des outils pédagogiques numériques.

Conclusion (pédagogie, informatique et documentaire/informationnel), ils font de la collaboration une éthique professionnelle.