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1. LA DOULEUR AIGUË DANS LES SOINS

1.3. LA PRATIQUE DE L’HYPNOSE DANS LA DOULEUR INDUITE PAR LES SOINS

1.3.2. L’hypnose

Lors de l’hospitalisation les patients, en voyant leur environnement bouleversé, peuvent être en situation de stress, ces situations peuvent être très mal vécues en pré- sence de la douleur. Quand la personne rentre dans une situation de panique ou stress important, les réactions face au stress s’inhibent, entraînant un blocage physique et mental. C’est un état neurophysiologique qui tient compte d’une loi de la physique appliquée à la biologie, en situation de stress, à savoir « la loi de l’excitation-inhibi- tion » (Everly, 1989). C’est-à-dire, en termes physiologiques, une grande excitation peut entraîner une grande inhibition. Physiologiquement, l’hypnose va se servir de ce qui bloque la personne pour que cela entraîne une inhibition programmée et progres- sive en fonction des stimuli qui en sont à l’origine (Everly, 1989 ; Pelissolo, 2016). L’hypnothérapeute réagit alors en fonction d’un objectif à atteindre pour faire changer les stimuli qui ont causé la souffrance ou le comportement, en fonction des effets qu’il recherche pour le patient. En lien avec ces changements, l’hypnose a été définie par the Executive Committee of the American Psychological Association – Division of Psychological Hypnosis (1994), comme étant « une procédure durant laquelle un profession- nel (…) suggère à un patient ou un sujet des changements de sensations, de perceptions, de pensées ou de comportements » (Vanhaudenhuyse et al., 2008, p. 424 ; Elkins, Barabasz, Council & Spiegel, 2015 p. 3). C’est dans ce sens que les personnes peuvent penser qu’il s’agit d’une « manipulation » de la part de l’hypnotiseur (Aguado, 2015). Des manipulations ont été déjà signalées à la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, 2017). En effet, les abus de la psychothérapie ou de ce qui concerne le psycho-spirituel peuvent, actuellement, être signalés. Ainsi 97 si- gnalements ont été effectués en 2016. Selon la MIVILUDES, certaines pratiques réa- lisées par des pseudo psychothérapeutes s’avèrent particulièrement dangereuses.

L’exemple donné dans son rapport de 2016 est celui de l’augmentation de l’offre dans les jours qui ont suivi les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, proposant des thé- rapies aux victimes. Sur la liste comportant plus de 250 personnes « ont trouvé très peu de psychologues ou de psychothérapeutes inscrits au répertoire ADELI, inscription qui garantit que le praticien a les Diplômes et une formation reconnue, et permet d’éviter les pseudo-thérapeutes » (MIVILUDES, 2017, p. 24).

D’autres définitions ont été données au sujet de l’hypnose, mais avant de les avancer dans notre travail et afin de comprendre, nous allons présenter très briève- ment l’histoire de l’hypnose.

1.3.2.1. Une brève promenade dans l’histoire de l’hypnose avant de

la définir

Dans l’histoire, l’hypnose fait appel à des personnes qui pensent avoir des pou- voirs pour soigner les autres. Aux origines, ces pouvoirs étaient liés aux pratiques magiques-religieuses que pratiquaient les shamans pour soigner leur peuple, comme nous l’avons déjà vu dans l’approche historique de la douleur (cf. sous-chapitre 1.1). Des pratiques comme la méditation, la quiétude du corps, le travail avec les sons et les mots pour aider à guérir le corps et l’esprit ont été retrouvés pratiquement dans toutes les cultures, tant occidentales qu’orientales (Gonzalez-Ordi, 2015. Cité par Martin Carbonell, 2016). Actuellement, nous pouvons aussi évoquer d’autres méthodes d’in- duction hypnotique, issues du passé, comme la musique, le chant, la danse… Selon Gonzalez-Ordi (2015. Cité par Martin Carbonell, 2016), Professeur à l’Université Complutense de Madrid, Spécialiste en Psychologie Clinique, dans son groupe de tra- vail « Hypnose psychologique », ces pratiques favorisent l’état mystique-religieux qui amène la personne à cet état modifié de conscience (EMC). Cependant, d’autres théo- ries ont considéré que ces pratiques, même si elles amènent aux personnes à un état de transe ou EMC, sont différentes de la pratique d’hypnose, du fait qu’elles sont dépendantes de la culture et donc des rites et rituels. Alors que l’hypnose est plus aseptique avec une composante suggestive qui dépendra de la réponse des personnes. L’hypnose a donc un « but neurophysiologique » et n’est pas simplement une culture renforçant la suggestion contextuelle (Gruzelier, 2002). Pour cet auteur, les perspec- tives sociocognitives et neurobiologiques peuvent être combinées afin de faciliter la compréhension de différentes composantes de l’hypnose. En laissant de côté, pour le moment, les théories en lien avec l’hypnose, qui seront présentées très brièvement dans la suite de notre travail, nous voudrions revenir à l’histoire de l’hypnose pour

parler de Franz Anton Mesmer (1734-1815). Ce médecin Allemand, qui s’est inspiré des travaux sur le « Magnétisme Animal » de Paracelse, médecin alchimiste suisse, tra- vaillait sur des techniques de soulagement de la douleur, entre autres symptômes (Chaves & Dworkin, 1997. Cité par Martin Carbonel, 2016). Ses travaux concluaient à la présence d’un fluide dans l’univers qui faisait le lien entre l’homme et le bas (la Terre) et l’homme et le haut (le Monde subtil), ayant les propriétés de revitaliser le corps physique et psychique. La maladie était alors le déséquilibre de ce fluide. Mes- mer pensait que le magnétisme du corps obéissait à des lois similaires à celles de l’élec- tricité et donc il provoquait des crises chez ses patients pour les amener à la guérison. Ses travaux ont été très rapidement censurés par le gouvernement français (Martin Carbonell, 2016). L’Abbé José Custodio de Faria (1756-1816), moine portugais, dans la suite des travaux de Mesmer, posait les bases de l’hypnose, le sommeil magnétique (Martin Carbonell, 2016). Mais ce n’est que plus tard que ce sommeil magnétique, sera appelé hypnose. C’est John Elliotson (1791-1868), professeur de Chirurgie de l’Uni- versité « College Hospital » de Londres, qui se servira de l’hypnose dans le cadre des anesthésies (Gezundhajt, 2007). À cette période, l’anesthésie par inhalation était entre deux approches différentes : l’approche pharmacologique, considérée scientifique et objectivable et l’anesthésie mesmérienne, dépendante de ce que racontait le patient et donc non objectivable.

En 1878, Jean-Martin Charcot (1895,1893), neurologue français, soutiendra la pratique de l’hypnose, même s’il ne l’avait jamais pratiquée, en fondant l’École de la Salpêtrière En 1891, le Professeur Hippolyte Bernheim (1840-1919) donne naissance au terme Psychothérapie qui désigne une méthode basée sur « la suggestion hypno- tique » (Gezundhajt, 2007). Ensuite, plusieurs auteurs ont suivi, de Emile Coué et sa « Méthode Coué, en passant par Pierre Janet et le phénomène de « la régression » jusqu’en 1937, avec Milton Erickson (1901-1980), qui développera la forme connue à ce jour « l’Hypnose Ericksonienne », dont les caractéristiques que la définissent la re- lation thérapeutique sont (Zeig, 1994 ; Erickson, Zeig & Geary, 2000) :

Le respect de l’individualité de la personne sans jugements : chaque personne est unique

et mérite le respect du thérapeute et donc chaque thérapie, faite auprès de chaque personne, est aussi unique.

La relation thérapeutique fondée dans l’acceptation d’autrui : chaque thérapeute doit

accepter la personne telle qu’elle est avec sa réalité dans laquelle il est aussi inclus. Il doit accepter la réalité du patient telle qu’elle lui est présentée.

La communication avec la souffrance de la personne : chaque personne qui a un symp- tôme cache probablement derrière une souffrance. Le thérapeute doit donc communique avec le symptôme de la personne pour comprendre sa souf- france.

La relation thérapeute-personne privilégiée : chaque personne a plusieurs contextes

de vie, individuel, familial, social… auxquels viennent se rajouter le contexte thérapeutique.

Nous présenterons, maintenant, les différentes définitions de l’hypnose.

1.3.2.2. Définition

Étymologiquement, le mot hypnose vient du grec « Hypno » en honneur au Dieu du « sommeil ». Cependant, cette évocation du sommeil ne correspond pas avec l’état hypnotique, qui est un état différent du sommeil et de l’état de veille, un état modifié de conscience.

La définition de l’hypnose proposée, en 1994, par la Society of Psychological Hypnosis de l’American Psychological Association (APA) que nous avons vue aupa- ravant, a fait le tour du monde. Cette définition a été proposée au regard de l’absence de consensus entre les différentes approches théoriques (Melchior, 2010). Elle inclut aussi, l’importance du contexte hypnotique, dans lequel l’hypnothérapeute se sert d’une méthode d’induction qui peut prendre plusieurs formes. Mais, toutes ces formes font appel à des situations de calme. Elles évoquent la relaxation et le bien-être. De plus, l’hypnotiseur donne des instructions pour que la personne pense ou imagine des choses agréables. Wickramasera (2015. Cité par Martin Carbonell, 2016; Mather & Degun, 1975) définit l’hypnose comme une expérience dans laquelle la personne as- sure une empathie, soit suggérée par l’hypothérapeute, soit générée par lui-même pen- dant le processus hypnotique, afin d’entraîner des changements de sensations, de per- ceptions, de pensées ou des comportements (Elkins et al., 2015. Cité par Martin Carbonell, 2016), en modifiant ainsi la relation mental-corps. Cet état de suggestion dépend de la personne, mais la plupart s’accordent à dire que l’expérience avec l’hyp- nose est agréable. (Capafons et al., 2008).

En 2013, le président de l’APA avait proposé une commission pour travailler la définition. Les membres de cette commission concluaient (Elkins et al., 2015. Cité par Martin Carbonae, 2016) :

Hypnose : c’est un état de conscience impliquant une attention focalisée et une conscience périphérique réduite, caractérisée par une plus grande capacité de réponse à la suggestion.

Induction hypnotique : technique pour induire l’hypnose.

Hypnothérapie : utilisation de l’hypnose dans le traitement médical ou

psychologique d’une personne.

Dans l’hypnothérapie ou utilisation psychothérapeutique de l’hypnose, nous pouvons rencontrer diverses formes, dont l’hypnose classique et l’hypnose Erickson- nienne. Dans l’hypnose classique, l’hypnothérapeute suggère un changement à la per- sonne de manière directe, en la dirigeant. Alors que dans l’hypnose Ericksonnienne, l’hypnothérapeute accompagne la personne en la mettant au centre de la séance et celui permettre de devenir acteur de sa guérison. Cette forme d’hypnose suppose que la personne a un noyau inconscient qui est réellement capable de mobiliser ses res- sources. Mais toutes ces formes sont une procédure (hypnotique) adjuvant aux théra- pies médicales et psychologiques, augmentant ainsi leur efficacité. (Elkins et al., 2015 ; Capafons, 2004).

Nous pouvons aussi parler de deux types d’hypnose : l’hypnoanalgésie et l’hyp- nosédation. La première fait référence à l’hypnothérapie comme technique pour sou- lager la douleur. L’hypnosédation, elle, fait référence à la combinaison de l’hypnose avec la sédation intraveineuse.

1.3.2.3. Théories sur l’hypnose

La proposition de définition par l’APA a entraîné différentes approches de l’hyp- nose. Ces approches ont donné lieu à différentes théories opposées de l’état altéré de conscience (Woody & Sadler, 2014. Cité par Martin Carbonell, 2016). Cependant, se- lon M.C. Gay (2007), deux grandes théories peuvent expliquer l’hypnose : la théorie psychosociale (les non-étatistes) et la théorie de la néodissociation (les étatistes). En effet, ces deux théories s’opposent au niveau de la reconnaissance ou non de la mo- dification de l’état de conscience.

La théorie psychosociale ou sociocognitive ou cognitivo-comportamentale de l’hypnose a été élaborée par Sarbin en 1950 (Cité par Gay, 2007), élaboré par Barber en 1970 (Cité par Gay, 2007) et par Spanos en 1980 (Cité par Gay, 2007). C’est une théorie qui réintègre le social, le culturel, le cognitif et les données neurophysiolo- giques. Elle part des postulats (Gay, 2007) comme que l’hypnose peut être provoquée

par des suggestions non hypnotiques que peuvent se dérouler dans d’autres contextes (médiation, sophrologie …). Toutes les personnes facilement hypnotisables par sug- gestion, expriment des attitudes positives au sujet de l’hypnose, alors que celles moins hypnotisables expriment des attitudes négatives. De plus, il est impossible pour l’hyp- nothérapeute de vérifier l’état de conscience dans lequel les personnes se trouvent sous hypnose.

La théorie néodissociative de l’hypnose a été élaborée par Hilgard 1974 (cité par Gay, 2007). Sa théorie a été inspirée de la théorie de la dissociation de Pierre Janet qui travaillait sur les travaux de Charcot à la Salpetrière cité par Gay, 2007). Hilgard avait observé que les personnes sous hypnose, avaient une partie du corps où la douleur était absente, alors que dans une autre partie du corps, la douleur était bien présente. Ce fait a été appelé « observateur caché ». Il serait plutôt un produit de l’influence sociale, que de l’influence de la dissociation et montre comme les personnes s’enga- gent dans des rôles en réponse à la demande de l’hypnotiseur (Gruzelier, 2002). À partir de ce constat, cette théorie confirmait la présence d’une conscience divisible en deux subsystèmes cognitifs qui pouvaient traiter et sélectionner l’information de ma- nière différente. Tous les deux pouvaient être séparés par une « barrière amnésique » induisant une polarité physique (Gay, 2007). Cette théorie part de deux principes : toutes les personnes facilement entrant en transe ont un plus haut niveau de dissocia- tion et toutes les personnes sont facilement hypnotisables, étant donc la suggestion, une capacité préexistante (Gruzelier, 2002).

En résumé, ces deux théories partent de différents postulats au sujet de l’état de conscience, la première suppose qu’il n’y en a pas, alors que dans la deuxième, il y a une coexistence de deux états de conscience sur un même plan. Dans la pratique cli- nique, dans le soulagement de la douleur, la première théorie alerta à l’hypnothéra- peute de l’importance de l’évaluation avant la séance (alliance thérapeutique) alors que dans la deuxième, alerta à l’hypnothérapeute sur les émotions qui peuvent naître pen- dant la réalisation de la technique (Lynn & Kirsch, 2006. Cité par Robin, 2013).

En 2014, Polito, Barnier et McConkey (Cité par Martin Carbonell, 2016) rappro- chent ces deux théories pour donner une nouvelle vision de l’hypnose, où ils propo- sent l’hypnose comme un « état vs non-état ». Pour ces auteurs, dans la pratique de l’hypnose, il est aussi important le produit comme la façon que l’hypnothérapeute a pour faire arriver à la personne à un état de conscience hypnotique. C’est ici, que pour ces auteurs que les facteurs sociocognitifs des personnes acquièrent une valeur signi- ficative. En effet, les personnes expérimentent l’hypnose (le produit) parce qu’il y avait

une façon de faire l’induction pertinente qui dépend du contexte de la personne et donc des variables sociocognitives. Ils soulignent alors que l’hypnose est une compré- hension tant du processus (la technique d’induction mise en place par l’hypnothéra- peute) que du produit (l’état de conscience que la personne arrive à avoir).

Nous présenterons, ensuite quelques approches explicatives au sujet de l’effica- cité de l’hypnose dans le soulagement de la douleur aiguë induite par les soins, ainsi que quelques travaux qui ont retenu notre intérêt.

1.3.3. Études en lien avec la pratique de l’hypnose dans le