• Aucun résultat trouvé

1. LA DOULEUR AIGUË DANS LES SOINS

1.4. L’ÉTHIQUE DANS LES SOINS

1.4.4. Études portant sur l’éthique dans les soins

Malgré les critiques reçues par les recherches sur les principes éthiques, ils sont encore d’actualité, tant d’un point de vue empirique que dans la littérature scientifique. Nous présenterons trois études empiriques en lien avec les principes éthiques. Dans le chapitre suivant du présent travail, nous avancerons d’autres travaux.

1.4.4.1. L’étude de Van Thiel & Van Delden (2001)

But : développer un autre concept d’autonomie dans le contexte des soins infirmiers,

en comprenant les jugements moraux des infirmières et des médecins, travaillant en services de soins de longue durée. Dans ce contexte particulier, étant donné la dépen- dance et la vulnérabilité des patients, le concept du respect de l’autonomie comme élément de base pour de bonnes pratiques de soins n’est plus satisfaisant.

Méthode : les chercheurs ont utilisé 10 vignettes. Chacune d’elles présentait quatre

options à choisir, sur la base de quatre approches, précisant le respect du principe d’autonomie : (1) le patient est indépendant et libre de faire ses propres choix, jusqu’à que sa dépendance soit évidente. Ceci impliquait que les soignants n’intervenaient pas dans la vie du patient ; (2) le patient est libre de faire ses propres choix, mais avec un regard attentif des soignants ; (3) les soignants décident sur les normes et valeurs qui sont importantes dans la vie du patient et (4) les soignants et les patients décident, sur la base d’une relation et une attitude bienveillante, sur le projet de vie du patient. Les variables étudiées étaient : la compétence du patient (autonome vs dépendant), la de- mande du patient (oui vs non), le bénéfice pour le patient tant de la situation que de la demande (oui vs non) et la charge de travail (élevée vs normale). Les participants ont choisi l’option qui reflétait le mieux leurs idées en lien avec le principe d’autono- mie, dans leur pratique quotidienne. La question était, d’une part de savoir sur quel point de vue général se positionnaient les soignants, s’ils avaient eu à se décider sur l'un des points de vue. D’autre part, il s’agissait également de comprendre, en situa- tions particulières, quelle approche ils préféraient.

Participants : l’échantillon était composé de 94 infirmières et de 31médecins travail-

lant en 50 établissements de soins de longue durée (SLS) dont la spécialité était la médecine et la psychogériatrie. Le choix des établissements a été effectué aléatoire- ment parmi 190. L’expérience professionnelle des participants variait entre trois mois et 20 ans.

Résultats : après une analyse de régression logistique multivariée et le calcul du pour-

centage de la valeur prédictive de combinaison de variables, ont montré que le con- cept des bonnes pratiques dans les soins n’a pas une influence significative sur le choix de certaines approches en situations particulières. Les participants ont une opinion différente quant au respect de l'autonomie dans des circonstances spécifiques. Ainsi, le jugement moral des participants est effectué en fonction des différentes conditions et/ou situations rencontrées. Il n'y a pas de différence significative dans les jugements

moraux entre les hommes et les femmes, entre médecins et infirmières, quels que soient l’âge et les années d’expérience.

Conclusion : les infirmières donnent un poids important au principe du respect de

l’autonomie, alors qu’en pratique, elles sont en difficulté pour répondre aux critères visant à la respecter. Tant pour les médecins que pour les infirmières, raisonner avec les patients au sujet de leurs souhaits et besoins, ainsi que prendre en compte leur histoire et leurs habitudes de vie, dans le but d’établir un projet de vie, est une bonne attitude.

1.4.4.2. L’Étude de Page (2012)

But : deux objectifs, d’une part, d’évaluer les principes de l’éthique médicale, et

d’autre part, de déterminer le classement de ces principes, utilisés dans la prise de décision éthique dans les scénarii proposés.

Méthode : la méthodologie a suivi les principes du processus de hiérarchie analytique

(AHP) de Saaty (1980) afin de déterminer l'importance relative que les participants de l’Université de Queensland, en Australie, donnent aux principes éthiques étudiés. Les quatre principes proposés par Beauchamp et Childress (2001, 2013) ont été étudiés, auxquels les chercheurs ont rajouté deux autres principes, le respect de la confiden- tialité et de la vérité, intégrés dans le principe d’autonomie (Beauchamp et Childress, 2001, 2013). Ces principes éthiques ont été mis en conflit dans les quatre scénarii proposés. Un scénario concerne les questions de propriété, d’autonomie et de la vie privée. Deux scénarii, concernent la confidentialité et la fin de vie. Et, enfin le qua- trième, concerne une transfusion de sang pour un enfant de Témoins de Jéhovah. Au total, 15 paires d’énoncés ont été formalisées, obligeant les sujets à choisir entre les principes éthiques qui sont en conflit. Les participants ont répondu aux deux ques- tions posées, la première, « comment cette action est-elle éthique ? », et la deuxième, concer- nant leurs intentions d’agir de la même manière s’ils étaient dans la même situation. Ils ont répondu, pour chaque question, sur une échelle de Likert à 7 points.

Participants : 94 étudiants en psychologie de l’Université de Queensland, en Austra-

lie, 65 femmes et 29 hommes âgés entre 17 et 58 ans, ont participé à cette étude.

Résultats : ils montrent qu’il n’y a pas de corrélations significatives entre les juge-

ments éthiques des participants pour les quatre scénarii et les principes d’éthique pré- sentés, ce qui exclut toute possibilité de prédire des comportements. En moyenne, les participants ont une préférence significative pour le principe de « non-malfaisance », son poids est deux fois plus important que celui des autres principes. Cependant, cette

préférence ne semble pas se rapporter à des jugements appliqués dans des dilemmes éthiques. Le principe de justice est également considéré comme très important pour 50% des participants. Dire la vérité et respecter la confidentialité sont les principes les moins importants.

Conclusion : les participants déclarent la valeur des principes présentés. Cependant,

ils ne les prennent pas en compte dans leurs processus de décision utilisés dans les scénarii présentés. Cette conclusion, chez les futurs psychologues, ne diffère pas de l’étude réalisée par Van Thiel et Van Delden, en 2007 chez les infirmières, où elles étaient en difficulté pour répondre aux critères visant à respecter le principe d’auto- nomie, alors qu’elles lui accordaient une haute importance. Pour les auteurs, la limite de cette méthodologie est précisément l’absence d’un modèle comportemental expli- quant, au niveau cognitif, comment les participants combinent le poids des différents principes dans leur prise de décision.

1.4.4.3. L’étude de Leuter, La Cerra, Calisse, Dosa, Petrucci & Lancia

(2017)

But : analyser les connaissances des infirmières et des médecins, dans le domaine

éthique ainsi que leur expérience et leur propension à utiliser des consultations d’éthique.

Méthode : les participants ont rempli un questionnaire semi-structuré de 21 items

repartis en quatre volets : (1) caractéristiques démographiques et profession des par- ticipants; (2) connaissances dans le domaine de l’éthique (mesurés par l’auto-percep- tion, la formation spécifique d’approfondissement de l’éthique et les connaissances découlant de l’expérience lors des activités cliniques); (3) expérience des questions d’éthique (mesuré par plusieurs situations de soins avec des options de réponse entre « 0 » (jamais) et « 3 » (souvent) et un score total de 0 à 30) et enfin (4) propension à demander des consultations d’éthique (mesuré par le besoin dans leur pratique par le passé et la disponibilité des consultations d’éthique sur leurs lieux de travail).

Participants : 351 infirmières et 128 médecins dans quatre hôpitaux italiens ont par-

ticipé à l’étude.

Résultats : en ce qui concerne les caractéristiques démographiques, les femmes

étaient plus nombreuses parmi les infirmières et chez les médecins, le groupe plus âgé était davantage représenté. La répartition selon l’unité de travail et l’expérience pro- fessionnelle était assez homogène dans les deux groupes. Les infirmières avaient un meilleur jugement sur leurs propres connaissances que les médecins alors que ceux-ci

avaient déclaré plus de formations approfondies sur l’éthique. En ce qui concerne l’expérience des questions éthiques, plusieurs situations ont été dégagées (aide au pa- tient au refus du traitement, effectuer des traitements disproportionnés, désaccord avec la famille…). Des différences entre infirmières et médecins ont été constatées, les médecins trouvaient plus souvent les ressources pour résoudre les problèmes re- lationnels avec les patients et leur famille que les infirmières. Ils sont, selon les auteurs, les interlocuteurs privilégiés pour la famille du patient.

Conclusion : les problèmes éthiques que les infirmières et les médecins rencontrent

dans les soins sont une expression du conflit entre leurs valeurs éthiques et, à la fois, les droits des patients et leurs attentes ainsi que leurs obligations envers l’organisation.

1.4.4.4. Étude de Slovackova & Slovacek (2007)

But : (1) créer une version tchèque et slovaque, du questionnaire allemand (version

Lind et al, 1985) pour mesurer la compétence de jugement moral et les attitudes mo- rales (Test de jugement moral) et son application à une situation ; (2) évaluer les com- pétences en jugement moral et attitudes morales des étudiants en médecine, dans le cadre de leurs études en premier cycle ; (3) comparer les jugements en fonction des semestres ; (4) comparer les jugements entre les Tchèques, les Slovaques et les étran- gers (ni Tchèques ni Slovaques).

Méthode : enquête transversale et descriptive. Le test présentait différents niveaux

de jugement moral à partir deux dilemmes ainsi que des arguments positifs et négatifs, en favorisant certains types de comportements. Il évalue la cohérence entre les diffé- rents arguments et la structure des jugements moraux. Chaque dilemme présentait une situation problématique (l’une sur un professionnel de santé et l’autre sur un mé- decin) sous forme d’une histoire, suivie par 12 arguments (6 pour et 6 contre). Les participants ont, d’abord répondu s’ils sont d’accord ou non avec le comportement, puis sur une échelle, ils ont noté le degré d’acceptabilité. Une fiche de renseignements a aussi été remplie : âge, sexe, nationalité et religion

Participants : 380 étudiants de médecine générale (280 Tchèques et 30 Slo-

vaques [147 hommes et 163 femmes]; 70 étrangers [41 hommes et 29 femmes]), âgés entre 18 et 26 ans.

Résultats : après une analyse multivariée de variance avec p < ,05. (1) la compétence

de jugement moral chez les Tchèques et Slovaque a diminué significativement au fil des années d’études. Le niveau était plus élevé pour les étudiants qui n’avaient assisté qu’à quelques semestres. Cependant les attitudes morales ne changeaient pas. (2) les

différences de jugement moral en fonction du sexe n’ont pas été démontrées. (3) Pas plus que l’influence de la religion ou de la nationalité.

Conclusion : le comportement influe positivement sur le jugement moral même si

l’éthique est enseignée seulement par la transmission des connaissances déontolo- giques et la pertinence des Lois. Sur la base des résultats, des changements importants ont été faits dans la formation des médecins, en travaillant davantage la discussion de dilemmes moraux dans l’enseignement de l’éthique.

.

1.4.4.5. L’étude de Kim, Park & Han (2007)

But : déterminer les différences de jugement moral idéaliste et réaliste entre les étu-

diants en soins infirmiers et les infirmières qualifiées et identifier les facteurs affectant ces jugements dans la prise de décisions des infirmières qualifiées.

Méthode : étude longitudinale. Un questionnaire portant sur le jugement dans les

décisions de soins infirmières (version coréenne développée par Kim, 1999), a été présenté aux participants. Il est composé des comportements idéaux lorsqu’il n’y a pas des restrictions dans l’organisation et des comportements réalistes que les infir- mières devraient avoir en fonction des restrictions. Les 6 situations présentées impli- quaient des dilemmes sur les comportements idéaux ( l’infirmière doit faire ou ne pas faire quelque chose) ou réels (l’infirmière est susceptible de faire ou pas faire quelque chose) , avec un total de 39 questions sur : (1) protection d’un patient ; (2) non-sincé- rité entre médecin et patient ; (3) conflit d’intérêt patient-infirmière (faire une autopsie dans l’intérêt du progrès médical) ; (4) offrir un médicament en essai clinique ; (5) pénurie de personnels infirmiers et qualité des soins et enfin (6) traitements chez un patient en phase terminale. Les critères pour fonder la pertinence d’un jugement sont basés sur les codes de déontologie du Conseil international des infirmières et l’Ame- rican Nurses Association.

Participants : 100 étudiants et 80 infirmières ont participé.

Résultats : (1) les infirmières qualifiées avaient un jugement moral idéaliste significa-

tivement plus élevé que les étudiants en soins infirmiers ; (2) les infirmières qualifiées avaient, en général, des jugements moraux idéalistes et réalistes plus élevés que quand elles étaient étudiantes ; (3) concernant la recherche médicale, les infirmières qualifiées avaient des scores plus bas que lorsqu’elles étaient étudiantes. Cependant, elles portent une attention particulière aux droits des patients et au consentement éclairé ; (4) le

niveau économique entraîne de différences dans le jugement moral idéaliste. Aucun autre facteur n’était pas statistiquement significatif.

Conclusion : dans la pratique, pour prendre de bonnes décisions, les infirmières ont

besoin des jugements moraux réalistes basés sur des jugements moraux idéalistes, eux- mêmes fondés sur des droits et des devoirs. Cependant, leur expérience profession- nelle a une influence sur leurs jugements moraux (idéalistes et réalistes), ce qui facilite leurs prises de décision. Les auteurs ont conclu qu’il est nécessaire d’offrir plus d’en- seignements centrés sur l’éthique, et qu’un environnement qui donne l’occasion de participer en groupe à la prise de décision partagée et à la prise de responsabilité dans les conséquences des actions tend à faciliter le jugement moral.

1.4.4.6. L’étude de Gaudine, LeFort, Lamb & Thorne (2011)

But : évaluer les conflits d’éthique organisationnelle que les médecins et les infir-

mières ont rencontrés lors de leurs pratiques ainsi que leurs perceptions des obstacles et des facilitateurs.

Méthode : étude descriptive qualitative qui s’inscrit dans un projet dans lequel les

auteurs évaluent la structure, la fonction et les résultats des comités d’éthique de quatre hôpitaux canadiens. Un guide d’entretien semi-directif a été utilisé. Les entre- tiens ont duré 1h et ont été enregistrés et retranscrits. Une analyse de contenu a en- suite été effectuée.

Participants : 34 infirmières dont 10 cadres de santé et 31 médecins, travaillant en

médecine ; chirurgie, oncologie, soins intensifs, urgences, psychiatrie... Ils ont été choisis dans un premier temps, par commodité, puis en boule de neige. Ils ont donné leur consentement par écrit.

Résultats : 5 thèmes de conflit éthique commun aux infirmières et aux médecins ont

été identifiés (le manque de respect pour les professionnels, l’insuffisance des res- sources rares ou les impacts sur la vie au travail et les soins aux patients, différentes pratiques organisationnelles avec lesquelles les professionnels ne sont pas en accord, pas de réaction de la part de l‘administration face à un problème (fermer les yeux) et manque de transparence ou d’ouverture de l’organisation). Un thème spécifique aux infirmières (manque d’investissement dans le développement professionnel des infir- mières) et un autre spécifique aux médecins (manque de mesures préventives).

Conclusion : Tous les conflits portent sur un thème central : le respect pour les four-

nisseurs et les bénéficiaires des soins. Les auteurs suggèrent aux administrateurs d’éta- blir des plans pour atténuer les sources de conflit éthique, en particulier en lien avec les ressources limitées.

1.4.4.7. L’étude de Horntvedt, Romoren & Solvoll (2014)

But : identifier les problèmes éthiques rencontrés par les infirmières dans les situa-

tions liées à l’administration des liquides intraveineux et/ou antibiotiques.

Méthode : étude qualitative réalisée à partir d’entretiens semi-directifs d’une durée de

52 à 85 minutes, enregistrés et retranscrits intégralement. Une analyse du contenu des 88 pages a été effectuée à partir d’une approche herméneutique. Un consentement éclairé écrit a été obtenu.

Participants : 26 infirmières expérimentées, travaillant en services de soins de suite

et rééducation (soins de longue durée) et psychiatrie.

Résultats : ont mis en évidence des prises de décision difficiles sur la pression externe

(interactions avec les patients et leurs proches et facteurs organisationnels) et la pres- sion interne (vécu des infirmières de se sentir inadaptée dans des situations où il est difficile de protéger la dignité du patient). La pression externe était déclenchée dans des situations : (1) où la fonction cognitive du patient ou d’autres conditions n’étaient pas claires ou si le patient n’était pas en capacité de donner son consentement ; (2) la relation patient-famille était difficile : désaccords entre patient et famille sur l’oppor- tunité de prendre le médicament, désaccords entre infirmières et famille au sujet de la gestion des soins.

Conclusion : la responsabilité de prendre soin des proches et l’importance d’une

bonne collaboration ont été mises en évidence. De même, les auteurs ont rendu ma-

nifeste que les problèmes éthiques surgissent lors des situations de prise de décision.

1.4.4.8. L’étude de Rejeh, Ahmadi, Mohamadi & Kazemnejad (2009)

But : décrire les défis éthiques auxquels font face les infirmières iraniennes lors de la

prestation de soins aux patients après intervention chirurgicale.

Méthode : étude qualitative réalisée à partir d’entretiens semi-directifs, enregistrés et

retranscrits. Une analyse de contenu avec codification et classement de données a été effectuée. Tous ont signé un consentement écrit.

Participants : 26 infirmières (24 femmes et 2 hommes), âgées de 23 à 50 ans, avec

une expérience minimum de 2 ans dans des services de chirurgie (2 à 26 ans).

Résultats : ont mis en évidence trois catégories de difficultés éthiques : (1) les limita-

tions institutionnelles (l’insuffisance des ressources et le droit à la vérité du patient - problèmes avec la hiérarchie médicale-) ; (2) l’implication dans la gestion de la douleur et la souffrance des patients (les infirmières plus expérimentées ont perdu leur sensi- bilité à la gestion de la douleur) et (3) faillibilités des infirmières (difficulté à accepter les plaintes et la douleur des patients en particulier lorsqu’ils demandaient plus de stupéfiants ou autres analgésiques, la douleur et la souffrance sont inhérentes à la chirurgie et aux conséquences des mauvaises décisions et des erreurs).

Conclusion : les infirmières sont au plus près de la souffrance des patients. Elles font