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Synthèse bibliographique

2. L’huître creuse Crassostrea gigas

2.1. Systématique et répartition

Crassostrea gigas (Thunberg 1793) est un mollusque bivalve dont la classification est :

Règne : Animalia ; embranchement : Mollusca ; classe : Bivalvia ; sous-classe : Pteriomorphia ; ordre : Ostreoida ; super-famille : Ostreoidea ; famille : Ostreidae ; sous-famille : Crassostreinae ;

Genre : Ostrea).

Source : World Register of Marine Species (www.marinespecies.org)

L’huître japonaise (ou huître du Pacifique) est originaire du Japon. Ses grandes capacités d’adaptation et ses exigences écologiques peu restrictives (espèce euryèce) ont permis de l’introduire dans de nombreux pays à l’échelle globale. Cela a permis d’implanter l’ostréiculture là où elle n’était pas pratiquée (Figure 12) ou de remplacer des stocks affectés par des maladies afin de redynamiser la production (ex : France en 1969).

Figure 12 : Principaux pays producteurs d'huître japonaise (source : www.fao.org)

2.1. Ecologie

L’huître japonaise est une espèce sessile benthique colonisant les substrats durs (rochers ou autres huîtres) des zones intertidales comme subtidales (jusqu’à 40 m). C’est un organisme poïkilotherme (température interne non régulée et identique à celle du milieu) présentant une grande tolérance face aux variations thermiques (eurytherme) ou de salinité (euryhaline) (Miossec et al., 2009). Ces caractéristiques expliquent sa présence dans des zones estuariennes présentant des salinités de 15 psu et dans des zones océaniques plus salées (35 psu). Son optimum de salinité est cependant situé autour de 20-25 psu et son optimum thermique autour de 15-25°C.

Crassostrea gigas étant cultivée essentiellement en milieu ouvert, et son mode de reproduction étant externe, il est logique de la retrouver à l’état sauvage. Dans le bassin d’Arcachon, cet organisme peut former de véritables récifs, faisant d’elle une véritable espèce « ingénieur de l’écosystème » puisque sa

50 présence va structurer physiquement le milieu de vie et l’accès à certaines ressources pour d’autres espèces (Salvo, 2010).

Ses importantes capacités de colonisation lui ont permis de se répandre rapidement dans certaines régions comme en Europe du Nord où elle perturbe d’autres activités aquacoles voire cause des problèmes en se fixant dans les systèmes de refroidissement de certaines centrales électriques. On la retrouve ainsi classée avec les espèces invasives d’après la base de données globale des espèces invasives (GISD – Invasive Species Specialist Group, 2005).

2.2. Anatomie et biologie générale

Crassostrea gigas possède une coquille inequivalve formée d’une valve gauche (inférieure) très creuse par laquelle l’organisme se fixe au substrat et d’une valve droite (supérieure) plate légèrement convexe. Les deux valves sont rattachées par un ligament charnière au niveau du crochet. L’aspect général de la coquille est irrégulier et la forme (longueur, hauteur, largeur) s’adapte aux pressions de l’environnement telles que la densité d’individus (Troost, 2010).

Cette coquille sert à protéger le corps mou de l’organisme, et se compose à la base d’une matrice à la fois protéique et calcique sécrétée par le manteau. Cet organe présente deux lobes qui couvrent la totalité de l’organisme, hormis en face ventrale où une ouverture entre la cavité palléale et l’extérieur est aménagée pour permettre les échanges avec le milieu. L’ouverture et la fermeture des valves pour la respiration et la nutrition sont contrôlées par un muscle adducteur dont l’empreinte est visible dans la coquille (Levine et al., 2012).

Le système circulatoire de l’huître est ouvert : la circulation de l’hémolymphe (fluide circulatoire) à travers l’organisme est assurée par l’action d’un cœur musculaire situé entre le rectum et le muscle adducteur (Figure 13). Ce cœur présente un ventricule et deux oreillettes. Il expulse l’hémolymphe par le ventricule et la récupère par des sinus. L’hémolymphe ne possède pas de pigment respiratoire chez l’huître et baigne les organes pour que l’oxygène dissout diffuse directement dans les cellules. On y trouve également les hémocytes, cellules de la défense immunitaire impliquées entre autres dans la phagocytose d’agents pathogènes (Levine et al., 2012). L’huître ne possède pas de système nerveux central, mais présente des ganglions nerveux.

La respiration chez les bivalves est réalisée par l’intermédiaire des branchies qui séparent la cavité palléale en deux dans le cas de l’huître. Ces organes lamellaires (4 feuillets) prélèvent l’oxygène de l’eau de mer mais servent également à filtrer les particules en suspension grâce au mucus dont elles sont couvertes (Miossec et al., 2009). L’huître est un organisme filtreur suspensivore, ce qui signifie que ces particules peuvent être nutritives (ex : phytoplancton, bactéries) et acheminées vers la bouche par des battements ciliaires ou non nutritives et agglomérées puis excrétées sous-forme de pseudo-fécès (tri réalisé au niveau des palpes labiaux).

51 Figure 13 : Schéma et photo de l'anatomie de Crassostrea gigas (source : Miossec et al., 2009)

Illustration : J.-P. Joly (IFREMER)

2.3. Reproduction

L’huître japonaise est un animal fonctionnellement dioïque présentant un hermaphrodisme alterné protandre. Cela signifie que le premier cycle sexuel de ces organismes est un cycle mâle. L’hermaphrodisme se manifeste par la suite par un changement de sexe d’une saison de reproduction à l’autre selon des mécanismes encore peu clairs (Levine et al., 2012). Des cas d’hermaphrodisme (mâle et femelle simultanément) sont observables de façon marginale. Aucun dimorphisme clair ne permet de différencier les mâles des femelles sans observation microscopique. La fécondation est externe, c’est-à-dire que les gamètes sont émis dans le milieu et que le zygote est formé dans l’eau de mer. La larve pélagique nageuse (ou veligère) se développe alors durant une vingtaine de jours en se nourrissant de phytoplancton et de bactéries de petites tailles, jusqu’à atteindre le stade de « larve en fixation » (Troost, 2010).

Le cycle de reproduction de l’huître creuse (Figure 14) présente une place centrale dans la vie de l’organisme et oriente une grande partie des ressources énergétiques. Après une période de repos hivernal (températures basses, absence de nourriture), la croissance des huîtres reprend à la faveur d’une hausse des températures et d’une augmentation de la ressource trophique (floraisons printanières). La gamétogenèse (production des gamètes) débute à cette période et se caractérise par une accumulation de glucides (pic en mai) progressivement transformés en lipides (pic en juin) pour

52 les réserves énergétiques des cellules gamétiques. L’effort de reproduction dépend grandement de la qualité et de la quantité de la nourriture pendant la période printanière. La température est un paramètre important puisqu’il contribue à la vitesse de maturation et au déclenchement des émissions gamétiques (ou « pontes », frai) qui ont lieu entre mi-juin et mi-septembre (Perrière-Rumèbe, 2012).

Figure 14 : Développement de C. gigas après fécondation (Perrière-Rumèbe, 2012) pour une température de 22 à 24°C

2.4. Utilisation en écotoxicologie

Les organismes bivalves et filtreurs ont toujours présenté un grand intérêt en écotoxicologie (Zhou et al., 2008). Leurs modes de nutrition et de respiration associés à leur immobilité, permet en effet à ces organismes d’intégrer les variations de leur milieu à la fois au niveau de la colonne d’eau, mais également du sédiment puisqu’ils sont benthiques (épibenthique dans le cas de l’huître).

Son statut d’espèce consommée présente par ailleurs un intérêt en termes de santé publique. Certains travaux ont déjà montré que C. gigas présentait des capacités de bioaccumulation des contaminants métalliques supérieures à d’autres mollusques (Baudrimont et al., 2005). La résistance naturelle de cet organisme au stress de manière général est également un paramètre intéressant permettant d’étudier l’effet de contaminants à des niveaux subléthaux assez élevés sans risquer de tuer l’animal. La répartition globale de cette espèce permet également d’envisager des comparaisons avec d’autres sites. Le Tableau 1 présente quelques exemples illustrant l’emploi de C. gigas en écotoxicologie.

53 Tableau 1 : Quelques exemples d'approches expérimentales en écotoxicologie avec Crassostrea gigas

Polluant Organe Dose Stade Biomarqueur Effet Référence

Cadmium Br. / Gd. 0,01 – 0,1 ppm 1 an ARN de hsp90 et mt + (Choi et al., 2008)

Hém. Activité aspartate et alanine

aminotransférase +

Zinc Br. / Gd. 10,2 mg/L 3 ans ARN mt + (Mottin et al.,

2012)

Pesticides cocktail Hém.

. 4,55 µg/L adultes

Phagocytose - (Gagnaire et al., 2007) ARN de 19 gènes -

Pesticides cocktail M. / Gd. 17 µg/L adultes

Protéines HSP et MT /

(Collin et al., 2010) ARN ferritin, NifU, ribosomal

protein P2-like / Cadmium Br. 0,01 – 0,1 ppm 1 an ARN sodmt + (Park et al., 2009)

Hém. Activités glutamate oxaloacetate et

pyruvate transaminase +

Tributylétain

Br.

5 – 20 ppb

ARN sodmt +

Hém. Activités glutamate oxaloacetate et

pyruvate transaminase + Cadmium Br. / Gd. 4 µM adultes Protéines HSP et MT + (Moraga et al., 2005) Cuivre + Cd + Cu 0,2 + 0,2 µM + Cadmium Br 0,13 µM 1 an (2n et 3n) ARN coxI + (Achard-Joris et al., 2006) Zinc 15,3 µM / Cd + Zn 0,13 + 15,3 µM + Cadmium Br 15 µg/L 1 an (2n et 3n) ARN mt1 et mt2 + (Marie et al., 2006b) Zinc 1 mg/L / Cd + Zn 15 µg/L + 1 mg/L ARN mt2 + Argent Br. 20 µg/L Protéines MT + (Géret et al., 2002) Cadmium Br. / Gd. 200 µg/L + / + Cuivre Br. 40 µg/L + Mercure Br. / Gd. 20 µg/L + / + Zinc Br 1 mg/L + Fluorène

Hém. 10-9 mg/mL adultes Phagocytose - (Bado-Nilles et al., 2008)

Pyrène -

Diuron Hém. 0,3 – 3 µg/L 3 ans Paramètres hémocytaires

(phagocytose, granulocytes…) +

(Bouilly et al., 2007)

HAP (mix fraction

fioul soluble) Gd. 0,1% volume

adultes ARN gst + (Boutet et al., 2004a) Atrazine + Diuron + Isoproturon Gd. / Br. 2 + 0,5 + 1 µg/L + / - Glyphosate Gd. / Br. 2 µg/L + / - Benzo[a]pyrène / 0,2 nM – 2 µM embryons

Test comète + larves D anormales +

8-oxo-7,8-dihydro-2’-desoxyguanosine

+

(Wessel et al., 2007)

17α-ethinylestradiol / 0,02 – 1,7 nM Test comète + larves D anormales /

endosulfan / 0,5 – 500 nM +

Atrazine + Diuron +

Isoproturon Gd. / Br. 2 + 1 + 0,5 µg/L adultes Expression différentielle de 137

gènes (hybridation soustractive)

(Tanguy et al., 2005)

Glyphosate 2 µg/L

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