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Synthèse bibliographique

3. Contamination chimique et stress oxydant

3.2. Les contaminants métalliques

3.2.1. Généralités

Les métaux sont étudiés depuis longtemps dans les systèmes aquatiques. Il s’agit de composés naturels dont la présence dans les écosystèmes est liée à (1) leur abondance dans la croûte terrestre et (2) aux rejets dus à l’anthropisation. Pendant longtemps le terme de « métaux lourds » a été employé pour désigner les contaminants métalliques. Ce terme n’a cependant pas de définition scientifique solide (Duffus, 2002), ce qui explique qu’on lui préfère aujourd’hui le terme « d’éléments traces métalliques » ou ETM (Rollin et Quiot, 2006).

56 Ces ETM peuvent être nécessaires pour le bon fonctionnement de certaines fonctions cellulaires. On désignera ces métaux comme « essentiels », pouvant être utilisés dans le cœur catalytique de nombreuses enzymes ou protéines (fer dans l’hémoglobine, cuivre ou zinc dans les superoxyde dismutases ou dans la cytochrome oxydase…). Une définition des métaux essentiels a été donnée : “An element is considered essential to an organism when a decrease of its accumulation below a certain limit results consistently in a reduction in a physiologically important function, or when the element is an integral part of the organic structure performing a vital function in the organism.” (cité par (Mason, 2013)).

Il est toutefois important de noter que ces éléments essentiels peuvent rapidement devenir toxiques si ils sont accumulés en excès (ex : cuivre). Ils sont donc soumis à une homéostasie telle que leurs niveaux sont régulés de manière active. D’autres ETM à l’inverse ne présentent aucune fonction physiologique connue et peuvent être « simplement » toxiques pour la cellule (ex : mercure).

Trois types de mécanismes peuvent être schématiquement proposés pour décrire l’entrée des ETM dans les cellules (Mason, 2013): (1) la diffusion passive ; (2) le transport facilité et 3) le transport actif et l’endocytose (Figure 16).

(1) La diffusion passive est le transfert du contaminant à travers la membrane phospholipidique de la cellule en suivant son gradient de concentration. Elle concerne principalement les métaux complexés sous forme neutre et dépend à la fois de l’hydrophobicité du complexe, de sa taille et de sa forme.

(2) Le transport facilité (ou diffusion accélérée) permet l’internalisation de composés chargés qui ne pourraient pas traverser la membrane phospholipidique. Ce processus n’est pas consommateur d’énergie et se base sur l’utilisation des protéines membranaires de types canaux ou pores permettant les échanges entre le milieu extérieur et le cytosol. Bien que spécifiques à leurs substrats, la conformation des protéines impliquées peut entraîner l’internalisation d’ions/complexes métalliques proches en termes de taille/structure du substrat naturel.

(3) Le transport actif est un mode de transfert consommateur d’énergie permettant l’internalisation d’ions métalliques « contre leur gradient de concentration » par des protéines transmembranaires de type ATPases (ex : Na+/K+ ATPase). Il peut s’agir de transports « uniport », « symport » ou « antiport » avec lesquels les contaminants métalliques peuvent interagir sous leur forme ionique ou complexée.

Une dernière voie d’entrée des ETM, particulièrement sous forme complexée, serait la pinocytose qui consiste en une invagination de la membrane cellulaire et la formation de microvésicules contenant « du milieu extracellulaire » (Puckett et al., 2010).

L’entrée des ETM dans la cellule est cependant un processus complexe. Elle dépend des interactions entre plusieurs paramètres à la fois biologiques (organisme, stade de développement, mode de nutrition…) et chimiques en lien avec la spéciation du contaminant ou sa forme chimique (ion libre,

57 complexe inorganique, complexe organique, forme particulaire). Cette spéciation est par ailleurs tributaire des conditions physico-chimique du milieu (pH, salinité, présence de particules ou de ligands organiques…).

Figure 16 : Principales voies d'entrée des métaux dans la cellule (adapté de Mason, 2013)

L’outil de modélisation a donc été employé pour prédire l’entrée des ETM dans les organismes et leurs effets, en se basant sur l’interaction entre le métal et un « ligand biologique » localisé à l’interface « organisme – milieu extérieur » : c’est le « Biotic Ligand Model » (BLM). Les trois éléments centraux de ce modèles sont : (1) la chimie du milieu extérieur qui conditionne la spéciation du contaminant ; (2) la présence de ligands biologiques à l’interface « organisme – milieu extérieur » (ex : surface des branchies) et 3) la relation entre la fixation du contaminant au ligand et les effets biologiques associés (Paquin et al., 2002). Bien que ce modèle considère à la base une toxicité induite par le métal sous forme ionique, les recherches s’orientent vers la prise en compte d’effets causés par des complexes « métal – matière organique » (Paquin et al., 2002).

Les sous-sections suivantes s’intéresseront plus particulièrement aux trois métaux étudiés lors de nos approches de terrain : le cadmium (Cd), le zinc (Zn) et le cuivre (Cu).

3.2.2. Le cadmium

Ce métal (CAS : 7440-43-9) présente des abondances naturelles dans la croûte terrestre relativement faibles (1-2 µg/kg - (Bisson et al., 2011)). C’est un élément chalcophile (affinité pour le soufre) présent naturellement sous forme minérale associé au zinc (blende, sphalérite) dont il est proche en termes de structure ionique (Rollin et Quiot, 2006). On le retrouve de manière prépondérante dans les roches sédimentaires riches en carbones, sulfures et phosphates.

Le cadmium est souvent obtenu comme sous-produit de l’extraction du zinc (calcination des minerais), ce qui lui a valu un intérêt particulier dans l’étude de la contamination du continuum fluvio-estuarien Garonne-Gironde (Arini et al., 2011).

58 Il est principalement utilisé pour la métallisation des surfaces (cadmiage), dans la fabrication d’accumulateurs électriques (oxyde de cadmium), de pigments (chlorure, sulfate et sulfure de cadmium), de stabilisants pour matières plastiques (chlorure de cadmium) et dans certains alliages (Bisson et al., 2011).

Les principaux apports atmosphériques sont naturels (éruptions volcaniques, entraînement de particules du sol) et anthropiques (métallurgie, incinérateurs, combustion du charbon). Le lessivage des sols et des décharges industrielles et minières est à l’origine de sa présence dans les eaux où il est retrouvé sous forme cationique (Cd2+) ou complexée (CdSO4, CdHCO3

+

, CdCl+, CdCl2) ce qui accroît sa mobilité (Rollin et Quiot, 2006).

D’après le règlement UE n°494/2011 du 20 mai 2011 (Commission Européenne, 2011a) le cadmium et l’oxyde de cadmium sont désormais classés cancérogènes de classe 1B et comme présentant pour les milieux aquatiques une toxicité aigüe et chronique de catégorie 1 (Commission Européenne, 2011a). L’utilisation de ce métal est désormais prohibée dans les équipements électriques, électroniques dans les colorations et la stabilisation de certains produits (dont le PVC) et dans les traitements de surface (Brignon et al., 2004). Face à la toxicité de ce métal, des réglementations ont été mises en place au niveau européen.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande une dose journalière provisoire (une semaine) à ne pas dépasser de 7 µg Cd/kg poids corporel (WHO and FAO, 2003). L’UE impose par ailleurs depuis 1998 (Conseil de l’Union Européenne, 1998) de ne pas dépasser 5 µg Cd/L dans les eaux destinées à la consommation humaine (recommandation OMS : 3 µg/L). En fonction de la dureté de l’eau, des PNEC (Predicted Non Effect Concentrations) de 0,21 µg Cd/L (pour une dureté inférieure à 50mg de CaCO3/L) et de 0,75 µg Cd/L (pour une dureté supérieure à 50mg de CaCO3/L) ont été déterminées pour le Cd (Bisson et al., 2011). Les Normes de Qualité Environnementale en Moyenne Annuelle pour les eaux de surfaces intérieures (NQE-MA) fixées par l’UE varient avec la dureté de l’eau également, et se répartissent de 80 ng/L à 250 ng/L (Parlement européen et Conseil de l’Union Européenne, 2008).

3.2.3. Le zinc

Le zinc (CAS : 7440-66-6) est un métal très présent dans la croûte terrestre où il abonde dans des concentrations comprises entre 70 et 132 mg/kg (Rollin et Quiot, 2006). On le retrouve sous différentes formes minérales telles que la sphalérite ou blende (sulfure dans les roches magmatiques), la smithsonite (carbonate – Zn CO3), la calamine (silicate) et la franklinite. Il est également présent dans les minerais de plomb où il est toujours associé au cadmium (Bisson et al., 2005a).

Il est très utilisé dans nos sociétés sous différentes formes : chlorure de zinc (fonderie, soudure, agents conducteurs, synthèse de médicaments, teintures…) ; distéarate de zinc (stabilisant PVC, lubrifiant, caoutchouc, papier, textile, cosmétique…) ; oxyde de zinc (caoutchouc, verre, céramiques, médicaments…) ; phosphate de zinc (pigment anticorrosion) ; sulfate de zinc (fertilisants, pesticides, médicaments…).

59 Les sources d’exposition naturelles sont similaires à celles du cadmium. Trois types d’activités anthropiques sont cependant à l’origine de sa présence dans les milieux naturels (Bisson et al., 2005a) : les sources minières et industrielles (raffinage, constructions de toitures, pigments, plastiques…) ; les épandages agricoles (alimentation des animaux) ; les activités urbaines et le trafic routier (érosion des éléments riches en zinc). Ce métal présente également un intérêt dans l’étude des écosystèmes aquatiques de par son utilisation dans la confection d’anodes sacrificielles dans la fabrication des bateaux (Mottin et al., 2012).

On le retrouve dans les milieux aquatiques sous forme d’ions divalents (Zn2+

) ou sous-forme complexée (ZnOH+, Zn(OH)2, Zn(OH)3

-,chlorures, sulfates…). Il peut également se fixer à la matière organique dissoute (acides fulviques, humiques) et particulaire. Sa spéciation comme celle de nombreux métaux dépend des conditions de physico-chimie du milieu (ex : pH).

Il s’agit d’un des métaux essentiels les plus importants (Salgueiro et al., 2000). Chez l’être humain, son rôle est avéré dans le fonctionnement d’environ 200 enzymes. Le zinc est notamment impliqué dans la lutte contre le stress oxydant, et des carences peuvent mener à diverses pathologies (retards de croissance, perturbation de la réponse immunitaire etc…).

Le caractère essentiel de ce métal le soumet chez la plupart des organismes à une régulation interne (homéostasie). Les concentrations rencontrées habituellement dans les eaux de boissons ne posant pas de problème toxicologiques, aucune réglementation n’a été instaurée en Europe pour le zinc. L’INERIS propose cependant, au regard des études écotoxicologiques déjà menées, une PNEC dans le compartiment aquatique de 8,6 µg Zn/L (Bisson et al., 2005a).

3.2.4. Le cuivre

Ce métal (CAS : 7440-50-8) existe à l’état natif dans la croûte terrestre dans des abondances allant de 45 à 70 mg/kg (Rollin et Quiot, 2006). Cet élément chalcophile est présent dans de très nombreux minerais associés à d’autres métaux tels que le plomb, le zinc ou le cadmium. On le retrouve également dans la malachite et sous formes de sulfures dans la chalcocite, la tétrahédrite ou l’énargite et d’oxydes dans la cuprite (Bisson et al., 2005b).

Sa conductibilité électrique et thermique fait de lui l’un des métaux les plus employés par l’Homme. Il est utilisé notamment sous-forme d’acétate de cuivre (catalyseur, pigments, fongicide, insecticide), de chlorure cuivrique (catalyseur, désodorisant, encres, raffinage des métaux…), d’oxyde cuivrique (pigments, peintures anti-salissures des bateaux, insecticide, catalyseur…), de sulfate de cuivre (« bouillie bordelaise », antiseptique, pigments…) etc…

Ses sources d’exposition naturelles sont les mêmes que celles citées précédemment. Son origine anthropique est liée à l’industrie métallurgique, l’industrie du bois, l’incinération des ordures ménagères, la combustion du charbon, la fabrication de fertilisants. Plus spécifiquement, sa présence dans l’eau dépend de l’érosion des sols par les cours d’eau et de son utilisation sous-forme de sulfate de cuivre (bouillie bordelaise).

60 Sa biodisponibilité pour les organismes aquatiques est tributaire de sa spéciation, et donc des conditions physico-chimiques du milieu. On le retrouve dans les eaux sous diverses formes allant de l’ion libre (Cu+

et Cu2+) à des complexes plus volumineux (CuCO3, Cu(OH)2, Cu(OH)3

-, Cu(OH)2

-, chlorures, sulfates…), voire complexé à la matière organique (acides humiques, fulviques, particules).

A l’instar du zinc, le cuivre présente un aspect essentiel en entrant dans la composition du cœur catalytique de certaines enzymes (cytochrome c oxydase, superoxyde dismutase etc…). Son homéostasie implique une régulation à la fois intra et extra-cellulaire (Festa et Thiele, 2011). Il présente cependant un toxicité avérée si il est présent en excès dans la cellule, notamment par sa capacité à catalyser la production d’EROs par la réaction de Fenton (Balamurugan and Schaffner, 2006).

Cette toxicité ne lui a cependant pas valu de classification particulière par l’UE. Des seuils ont cependant été établis par l’UE pour la qualité des eaux de consommation en accord avec les recommandations de l’OMS : 2 mg Cu/L (Bisson et al., 2005c). En se basant sur les études toxicologiques réalisées, l’INERIS a estimé une PNECeau douce de 1,6 µg Cu/L et une PNECeau marine de 0,8 µg Cu/L. Ce contaminant présente un intérêt particulier dans l’étude du bassin d’Arcachon puisqu’il est employé dans les peintures antisalissures des bateaux depuis l’interdiction du tributylétain (Claisse et Alzieu, 1993).