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Du XIXe siècle au milieu du XXe siècle, une lente gestation

Il est d'usage de considérer que, malgré des chercheurs de génie et des découvertes innovantes, la

142 Séverin Graveleau, « Les facultés de médecine se dotent d'une charte éthique », Le Monde, 9 novembre 2017, article consulté le 10 août 2018.

recherche scientifique, et la recherche médicale en particulier, sont restées balbutiantes jusqu'à l'après-seconde guerre mondiale. Sur le plan des institutions en tout cas, de leur architecture d'ensemble et financements par les pouvoirs publics, quelques établissements de pointe, les instituts Pasteur et Curie par exemple, ne formant pas à eux seuls un système intégré, cohérent. Jean- François Picard, dans son texte consacré à la recherche médicale de la médecine expérimentale (1865) à l'INSERM (1964), décrit la situation du XIXesiècle comme suit : la France, du fait de la

prédominance de sa tradition humaniste, clinicienne, aurait raté le tournant d'une médecine véritablement scientifique. C'est pourtant dans ce pays, paradoxalement, que sont posées les bases de la médecine moderne : Claude Bernard s'oppose à la nosologie, qui voyait dans la maladie un objet en soi (lui défend la conception d'une « variation quantitative se produisant au sein de l'organisme »), et souhaite, dans son ouvrage célèbre Introduction à l'étude de la médecine

expérimentale (1865), créer une médecine expérimentale qui s'immiscerait dans la clinique144. Mais

cela heurte la conception humaniste, individuelle, qui s'observe dans la formation des médecins, le système d'enseignement, dont la fonction est moins « de cultiver une science que de décerner un brevet d'aptitudes professionnelles145 ». Ce n'est qu'en 1893 qu'un certificat de sciences physiques,

chimiques et naturelles est requis pour s'inscrire en faculté de médecine. Encore la clinique y reste- t-elle prédominante, la recherche étant perçue principalement comme une investigation auprès des malades, au sein des établissements hospitaliers146. La science expérimentale prônée par Bernard

reste donc cantonnée dans un petit nombre de laboratoires hors de l'hôpital. André Mayer, docteur en médecine et professeur de physiologie au collège de France, doit ainsi créer un nouvel organisme, l'Institut de biologie physico-chimique (IBPC), pour mener à bien ses recherche – grâce à une donation d'Edmond de Rothschild, signe à nouveau de l'importance de la philanthropie pour la recherche médicale à ses débuts. L'idée de cet institut, ajoute Jean-François Picard, avait surgi de conversations entre André Mayer (qu'on retrouvera quelques années plus tard, anticipe l'article, lors de la création du CNRS) et Claude Bernard : « il s'agissait de réunir des chercheurs issus de différentes disciplines en vue d'approfondir la connaissance des mécanismes de la vie, avec en arrière plan semble-t-il, le souci de nouvelles thérapies anticancéreuses147 ».

Après Claude Bernard, le texte se penche sur une seconde figure de savant renommé, Louis Pasteur. Si le premier avait tenté de conduire les médecins au laboratoire, le second est celui qui impose le laboratoire en médecine. Il créé son institut, inauguré en 1888 à côté d'un hôpital construit à cette fin, ce fait suggérant la persistance d'une distance entre la recherche médicale scientifique et le

144 Jean-François Picard, « Où se trouve la recherche médicale ? De la médecine expérimentale (1865) à l'INSERM (1964) », Histrecmed : http://www.histcnrs.fr/ColloqDijon/Picard-medecine.pdf, p. 2.

145 Ibid. 146 Ibid. 147 Ibid., p. 2-3.

système hospitalo-clinique. Beaucoup de pasteuriens sont médecins, mais ce n'est pas le cas de tous. L'institut recrute peu d'anciens internes. Parallèlement, les disciplines pasteuriennes tiennent une faible place à la faculté de médecine, celle de Paris avant la première guerre mondiale n'abritant pas de chaire de bactériologie, « alors que ces recherches se révèlent sans cesse plus indispensables à la thérapeutique148 ». Ces deux milieux demeurent donc largement séparés et c'est dans son coin que

l'Institut Pasteur mène ses recherches, qui le conduiront pendant l'entre-deux guerres à la découverte des antibiotiques, notamment des premiers sulfamides (le « 1162 F », après avoir sauvé un enfant de huit ans d'une méningite à streptocoque, est commercialisé par l'entreprise Rhône-Poulenc), ainsi qu'à l'exploration d'une nouvelle biologie, cellulaire, puis moléculaire149.

On le voit : ce n'est pas de la biologie que procédera l'organisation nationale de la recherche en France. Mais, plutôt, de préoccupations de santé publique, des nécessités liées à la lutte contre les grandes maladies sociales, tuberculose, puis syphilis et cancer. C'est la lutte antituberculeuse qui, à la suite de la première guerre mondiale, motive le premier ministère de la santé. Elle débouchera aussi, avec le soutien de la Fondation Rockefeller, sur un Office national d'hygiène social chargé d'enquêtes épidémiologiques et de prophylaxie antituberculeuse, en 1924150. De manière générale,

on assiste alors, dans la France des années 1930, à un « néocolbertisme à la française » caractérisé par des politiques dirigistes dans un certain nombre de secteurs, notamment la recherche et la santé. Un Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSRS) est installé, à l'initiative d'André Mayer et Jean Perrin, déjà à l'origine de l'IBPC (on mesure combien pragmatique, peu idéologique, est le choix pour les savants d'alors de se diriger vers des organes publics ou privés), celui-ci gagnant en 1938 une section de médecine expérimentale où Robert Debré, parmi d'autres, fait ses premières armes151. C'est lui (le CSRS) qui, dans un second temps, décide le lancement du Centre national de

la recherche scientifique (CNRS), dans un contexte de préparation à la guerre. Les premiers programmes du centre reflètent cette préoccupation : fabrication et conservation du plasma sanguin, en vue de transfusions, ou dans le domaine des vitamines. Les recherches liées à la nutrition prennent de l'importance après la défaite : production d'ersatz alimentaires à base de tourteaux d'arachide, ou utilisation de déchets de poisson à fins alimentaires152. Parallèlement est créé en 1941

l'Institut national d'hygiène, mentionné en introduction, conçu comme le département statistique du ministère de la santé pour dresser le bilan sanitaire du pays.

La Libération est-elle l'occasion d'une réconciliation entre biologie et médecine ? Jean-François Picard y voit, au moins dans un premier temps, une occasion manquée. Ce n'est pas faute de

148 Ibid., p. 3. 149 Ibid., p. 3-4. 150 Ibid., p. 4. 151 Ibid. 152 Ibid., p. 5.

partisans : le biochimiste Louis Rapkine, responsable d'une mission scientifique installée à Londres après 1945 (il y obtient, notamment, la fourniture de souches de pénicillium à l'Institut Pasteur), plaide pour calquer l'organisation du CNRS sur le Medical Research Council anglais, où l'on trouve trois quarts de scientists pour un quart de médecins. Le pasteurien André Lwoff, dans une note adressée à Frédéric Joliot-Curie, argumente en faveur d'une « démédicalisation de la recherche », pointant notamment le mauvais enseignement de la microbiologie dans les facultés par des professeurs non spécialistes, ce fait ayant provoqué selon lui une « crise très grave » de cette discipline153. Un autre pasteurien, André Lacassagne (l'Institut est alors quasiment l'égal du CNRS

en termes d'effectif et de budget, et ses membres se trouvent fréquemment dans les commissions du centre) a des mots plus durs encore : fonder la recherche sur la clinique ? On ne peut partir de ce qui n'existe pas : l'assistante publique, à ses yeux, refuse toute activité de recherche au sein des hôpitaux, par crainte des réactions des patients et de l'opinion. « Elle redoute la recherche. Celle-ci doit donc se faire en fraude. En matière de dissection, par exemple, les prélèvements d'organes ne sont autorisés qu'une fois ceux-ci rendus inutilisables par la putréfaction. Quant à la faculté, elle est prise par la formation des médecins. Il faut donc casser le monopole universitaire. (…) Tout établissement devrait aussi fonctionner comme centre d'enseignement et de recherche...154 ». Autant

dire que la distance entre ces deux champs ne s'est pas résorbée. Quant aux projets visant à installer de nouveaux laboratoires, pour le moment, ils échouent, faute de crédits, ou du fait d'une conception restrictive de ses missions par l'Assistance publique parisienne155. Du côté de l'INH, une évolution

commence à s'observer, mais reste incomplète : le nouveau directeur de l'institut, Louis Bugnard, développe un système de bourses à destination des médecins afin d'encourager les stages aux États- Unis et au Royaume-Uni, les médecins se voyant ainsi incités, plus que par le passé, à mener une activité de recherche, en revanche le problème des infrastructures demeure. « Payer des médecins pour faire de la paillasse, soit, mais la question reste de savoir où installer leurs laboratoires156. »

Le tournant des années 1960

C'est au cours de cette décennie qu'on assiste à la rencontre, enfin, de la médecine et de la biologie. On aura compris de ce qui précède que pour les « modernisateurs », le principal obstacle en France serait « une sorte de déficit scientifique de la clinique ». Les positions de Robert Debré, l'instigateur

153 Ibid., p. 6.

154 Comment développer en France la recherche scientifique dans le domaine de la médecine expérimentale? par A. Lacassagne, 6 mars 1945. CNRS 80284, liasse 216., dans Jean-François Picard, art. cit., p. 6-7.

155 Jean-François Picard, art. cit., p. 7. 156 Ibid.

du nouveau système hospitalo-universitaire, sont de ce point de vue révélatrices : celui-ci se réfère fréquemment, en des termes louangeurs, au système américain, en particulier à l'action avant la première guerre mondiale de Simon Flexner à la fondation Rockefeller. Il note que la France, qui avait compté plusieurs prix Nobel de médecine avant 1914, ne peut se prévaloir que d'un lauréat pendant l'entre-deux-guerres. Quant à la période suivant la Libération, le cas de son élève André Cournant, nobélisé en 1956 pour ses recherches en cardiologie... menées aux États-Unis, le frappe comme un « avertissement grave157 ».

C'est au colloque de Caen que Debré, avec d'autres, parvient à faire valoir ses vues. André Lwoff reprend ses arguments pour la démédicalisation de la recherche. Mais c'est surtout une nouvelle génération de cliniciens modernisateurs, parmi lesquels Jean Bernard, Jean Hamburger et Jean Dausset, qui fait entendre sa voix. Ces hommes, qui ont la particularité d'être passés par le laboratoire au début de leur carrière, à l'Institut Pasteur ou en faculté de sciences (une rareté dans la médecine française d'alors), et ont aussi en partage leur activité dans la Résistance pendant la guerre, se distinguent à ce moment par un autre trait commun : un intérêt croissant pour les pathologies chroniques, cancers, néphrites, maladies cardiovasculaires, au détriment des maladies infectieuses, alors en passe d'éradication – c'est l'émergence du Sida qui, 25 ans plus tard, les remettra sur le devant. Or ce type de recherche (par exemple les greffes de rein de Jean Hamburger, qui posent des questions d'histo-compatibilité et nécessitent, pour comprendre les rejets, d'aborder l'histologie à l'échelle cellulaire) suppose des laboratoires. C'est à cette fin qu'est créée, avec l'aide de l'Assistance publique de Paris, désormais dirigée par des modernisateurs (Xavier Leclainche, conseillé par le pneumologue Raoul Kourilsky), l'Association Claude Bernard, qui a vocation à installer de nouveaux laboratoires dans les hôpitaux. On en dénombre huit en 1956, quatre ans après la création de l'association, plusieurs dirigés par les hommes précédemment cités : le centre de Jean Bernard à Saint Louis pour la leucémie, de Jean Hamburger pour la néphrologie à Necker, ou de Raoul Kourilsky pour la pneumologie à Saint Antoine158.

D'indéniables succès pendant les années suivantes (la réussite des greffes rénales par Hamburger, celle des premières greffes de moelle osseuse par George Mathé à Saint Louis, débouchant sur une première guérison de la leucémie en 1967) expliquent probablement, avec le retour du général de Gaulle, l'intérêt accru pour la science médicale de la puissance publique. Un comité des Sages, le Comité consultatif de la recherche scientifique et technique (CCRST) est mis sur pied, ainsi qu'une délégation générale DGRST, les deux formant un quasi-ministère du fait de la tutelle financière qu'ils exercent sur l'ensemble des organismes scientifiques publics au moyen de « l'enveloppe

157 Ibid., p. 8. 158 Ibid., p. 8-9.

recherche ». Ajoutons que le fils du professeur Debré est alors premier ministre, que Jean Bernard a été choisi parmi les 12 premiers « sages » et que, peut-être partiellement pour ces raisons, le secteur biomédical jouit d'une attention particulière à l'intérieur des programmes nationaux : sur les douze premières actions, toutes disciplines confondues, cinq concernent la médecine ou la biologie : « neurophysiologie et psycho-pharmacodynamie », « nutrition », « génétique », « cancers et leucémies » et « biologie moléculaire », cette dernière menée par le pasteurien Jacques Monod, avec le soutien de George Mathé159.

Celui-ci, par ailleurs conseiller du ministre de la santé Raymond Marcellin, va être au cœur de la transformation de l'INH en INSERM. Au-delà du changement de sigle et de direction, la principale évolution tient à une nette réorientation, de la santé publique à la science, comme l'indiquent les intitulés des treize conseils scientifiques de la nouvelle institution (« pathologie cellulaire et tissulaire, cancérologie », « génétique, immunologie et pathologie moléculaire » et ainsi de suite). Celle-ci adopte en outre la pratique d'implantation de laboratoires dans les hôpitaux, prenant la suite sur ce point de l'Association Claude Bernard, dont la raison d'être, de ce fait, va s'étioler160. Et

l'historien de conclure : l'INSERM « incarne donc les aboutissements réussis d’une politique volontariste de la science dont l'effort principal tendait à rapprocher la médecine de la biologie161 ».

Avant de questionner l'équilibre ainsi atteint (satisfaisant?) entre la clinique et le laboratoire. L'Institut, en continuant de privilégier les voies de la biologie, et aujourd'hui de la génétique pour la médecine prédictive, ne se serait-il pas excessivement éloigné du lit du malade ? L'auteur en pointe les conséquences possibles : « d’une part des rivalités avec les autres établissements scientifiques fondamentalistes qui lui disputent ses labos (rivalités avec Pasteur ou le CNRS), de l'autre le regret parfois exprimé dans le corps médical de le voir négliger la santé publique, la part de l'héritage INH162 ».

L'on a choisi de suivre pas à pas cette présentation, la plus synthétique et précise que nous ayons trouvée. On peut toutefois, arrivé à la conclusion, poser les questions suivantes : cette vision d'un tâtonnement jusqu'à la mise en place des principales institutions de supervision et de financement de la recherche médicale, l'INSERM en particulier dans les années 1960, n'est-elle pas légèrement téléologique ? Surtout, l'angle biologie versus clinique, combat des modernes contre les anciens qui scande ce récit des origines, n'est-il pas trop étroit (ou « resserrant » à juste titre) au vu de l'ensemble des débats, concernant le contenu de la recherche comme son organisation, qui se sont

159 Ibid., p. 9. 160 Ibid., p. 10. 161 Ibid. 162 Ibid., p. 11.

tenus pendant ces cent ans d'histoire ? On aimerait par ailleurs connaître le point de vue des cliniciens, ici guère mis à l'honneur : les médecins que nous avons interrogés sur la thèse de l'historien ont pu se montrer sceptiques, jugeant cette dichotomie recherche scientifique versus clinique un peu théorique, et surtout extérieure à la pratique, où il est besoin des deux163. Il est vrai

que Jean-François Picard nuance en conclusion le jugement apparemment sévère porté sur le conservatisme de la médecine d'alors, reconnaissant qu'on ne peut parler de « médecine scientifique aux côtés d'une autre qui ne le serait pas164 », puis interrogeant les conséquences d'une

démédicalisation trop poussée de la recherche faisant écho à la crainte, parfois exprimée par les praticiens d'aujourd'hui, d'une perte de l'inspiration humaniste hier au cœur de la médecine française. Il propose en outre, dans une autre étude, le tableau suivant165, indiquant plutôt une

double progression de la médecine, du côté des cliniciens comme des biologistes : l'histoire des sciences médicales s'apparente plus ici à des progrès simultanés dans chaque champ qu'à une victoire de la biologie sur la clinique.

163 Signalons dans cette veine un article du professeur André Lemaire, « Recherche scientifique et médecine » (Le

Monde, 21 avril 1955, consulté le 11 août 2018), où il déplore que les hommes de science jugent toujours les

médecins incapables de s'adonner à la recherche avec succès. « Comment ceux qui font métier de soigner leurs semblables pourraient-ils être de vrais chercheurs ? Ils sont observateurs, certes, par profession, mais préoccupés de cas particuliers ; ils glanent leurs moyens d'action dans toutes les disciplines, mais se disent volontiers empiriques ; ils sont curieux de tout, mais dispersés, et le mode de raisonnement que leur valent leur formation et l'objet même de leurs études n'est pas toujours cartésien, ni même logique. Une vieille discussion d'école nous l'a appris : la médecine n'est qu'un art dont les desservants appliquent tant bien que mal les acquisitions des sciences, aux progrès desquelles ils n'ont pas participé. Pasteur, s'il eût été médecin, aurait-il pu faire ses découvertes et bouleverser la médecine ? Claude Bernard eût-il rénové la physiologie s'il avait pratiqué la médecine ? N'est-ce pas dans les facultés de médecine elles-mêmes qu'on réserve à des non-praticiens l'enseignement des sciences dites fondamentales et aux seuls praticiens celui des connaissances cliniques ? N'est-il pas évident que les mots recherche, science, médecine, jurent d'être accordés ? ». André Lemaire le reconnaît : cela « fut peut-être partiellement vrai il y a quelques décades, et je me souviens que le professeur Leriche présidant avant guerre un congrès de chirurgie avait, dans son discours d'ouverture, dénoncé, non sans malice, le travers de ceux de ses confrères qui décidaient un beau matin d'entreprendre sans plus de préparation une " petite expérience " qu'ils ne poursuivaient pas. Cette boutade signifiait seulement que la recherche médicale ne s'improvise pas, mais elle n'implique pas que les médecins n'y peuvent pas prétendre. La biologie de l'homme malade est un objet valable de connaissance, dont l'intérêt n'est pas moindre que celui de n'importe quel autre phénomène naturel. En bonne logique c'est aux médecins qu'en incombe l'étude, et il est temps de faire justice d'une manière d'être et de penser plaisamment perpétuée depuis Molière, mais qui de nos jours est devenue préjudiciable aux Français et à la France. » Et d'enfoncer le clou : « [la recherche médicale] repose nécessairement sur l'homme malade, elle exige de ceux qui la dirigent une longue patience, beaucoup de temps, un grand nombre d'observations. Il y faut moins d'intuition géniale qu'une forte expérience : en biologie médicale l'âge moyen des grands créateurs est plus élevé qu'en mathématique pure. » Dans le même esprit, Henri Péquignot défend ainsi, quelques années plus tard, la recherche clinique à l'hôpital, qu'il estime un peu négligée au profit de la recherche « planifiable » : « [p]our essayer de la définir d'une anecdote (un peu démagogique, je l'avoue), je dirai que la doctrine actuelle appelle "recherche " le travail du chimiste et du pharmacologiste qui ont mis au point la Thalidomide, et n'appelle pas recherche le travail des cliniciens qui ont découvert que ce produit était à la source de malformations fœtales. » Henri Péquignot, « Financer la recherche hospitalière : un impératif pour le progrès thérapeutique », Le Monde, 4 mai 1967, article consulté le 14 août 2018. 164 Jean-François Picard, art. cit., p. 11

165 Jean-François Picard et Suzy Mouchet, La métamorphose de la médecine, Paris, Presses universitaires de France, 2009, p. 9.

Enfin, si le texte va bien au-delà d'une histoire des origines de l'INSERM, et donne à voir quasiment tous les acteurs importants pour la recherche médicale au cours de ces cent ans, il laisse curieusement de côté un point pourtant central qui est, en 1958, la naissance des CHU – que l'auteur aborde dans d'autres de ses travaux, notamment son ouvrage déjà cité sur la Fondation Rockefeller. S'il n'est pas utile de revenir longuement sur cet épisode, évoqué dans l'introduction, rappelons tout de même l'idée-phare de l'historien : en intégrant facultés de médecine et hôpitaux dans les