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Structure des bandes dessinées

STRUCTURE DES BANDES DESSINÉES

II.2.1. Ordre de lecture des bandes dessinées

II.2.1.3. L’expression du mouvement en bandes dessinées

Nous savons qu’en bandes dessinées, le premier souci des auteurs c’est de relater une histoire ; outre la parole et le temps qui sont représentés de différentes manières, les mouvements aussi en bandes dessinées sont incarnés et indiqués d’une façon très représentative. Pour ce faire, un découpage du scénario est en premier lieu requis par le dessinateur, c’est-à-dire l’ensemble de vignettes qui vont composer les cases ainsi que les planches de la bande dessinée. Ensuite, le dessinateur choisit avec pertinence les plans, les effets visuels, les angles de vue et les cadrages afin de donner un dynamisme à ces vignettes et les rendre plus vives et animées.

La représentation des mouvements en bandes dessinées est considérée comme un art à part entière ; c’est le géni du dessinateur et sa grande compétence d’imaginer, puis de décrire minutieusement le mouvement à travers une image qui font preuve en effet. Ce géni, en confrontant les lois de la physique, tente incessamment de ramener l’image qui n’est en réalité qu’une représentation en deux dimensions, à une autre image en trois dimensions, similaire dans la plupart des situations à celle que nous retrouvons dans le cinéma.

Cependant, le procédé le plus utilisé par le dessinateur afin de militer contre cette contrainte, c’est bien le jeu sur la perspective, ou, comme nous avons vu plus haut, la profondeur de plans. A titre d’exemple, un personnage qui se déplace rapidement dans un décor, son mouvement est désigné et figuré par des traînées graphiques aux bords de ses bras et surtout de ses pieds ; ce qui, aux yeux du lecteur,

119 donne l’impression qu’il y a de l’air qui vient s’inscrire derrière ce personnage. Ces traînées graphiques sont le plus souvent graduées car le dessinateur doit tenir compte de la vitesse du personnage dans le décor.

II.2.1.3.1. Le mouvement dans l’image

Comme nous avons vu, un dessinateur de bandes dessinées peut suggérer le mouvement d’un sujet en déplacement sur l’image à travers certains procédés, ce que l’image de cinéma ne peut offrir quand elle est prise individuellement. Il peut ajouter à l’image des éléments qui impliquent explicitement et naturellement des mouvements tels que la pluie « figure 111 », le vent qui souffle sur un arbre, la fumée, la rivière, etc.

Figure 111. Le mouvement (la pluie)154.

154 Ibid. p. 51.

120 Sur l’image de la figure 111, le lecteur peut constater le mouvement naturel de la pluie, ce mouvement est transcrit par le dessinateur sous forme de lignes un peu verticales par rapport aux personnages ; de petites gouttes d’eau terminent parfois ces lignes verticales, et le lecteur peut même remarquer la présence de ces goûtes aux contours des deux casquettes de Jojo et de Nicolas.

Il y a un autre effet de stylisation utilisé par les dessinateurs afin de représenter un mouvement ; pour que l’image exprime le mouvement d’un sujet, une voiture par exemple, le dessinateur illustre cette animation par des traits derrière le véhicule, ce qui permet au lecteur de comprendre que la voiture roule. Il faut souligner que ces traits sont additionnés au sujet ou au personnage dans le sens du mouvement en tenant compte de deux paramètres aussi importants l’un que l’autre : d’abord, il faut que les traits que le dessinateur rajoute soient toujours reliés par rapport au centre de gravité du sujet ou du personnage concerné ; ensuite, il faut que ces traits prennent uniquement pour désignation les bouts et les limites, si le sujet représenté est un objet, et les pieds et les mains, s’il s’agit d’un personnage « figure 112 ».

A noter que l’effet de stylisation est purement relatif à l’action ; c’est-à-dire, plus le dessinateur veut accentuer l’effet de vitesse, plus il faudra qu’il augmente le nombre des traits. Ces traits, quand ils sont dessinés légèrement et en peu de nombre, évoquent un mouvement lent, et quand ils sont dissemblablement épais et très nombreux, le mouvement représenté exprime une vitesse plus élevée. Pour mieux illustrer le mouvement dans l’image, nous avons repris pour deux situations différentes la même vignette de l’exemple précédent que nous avons déformé volontairement selon deux critères « figures 113 et 114 » : dans la première situation, nous avons démultiplié les traits qui marquent le mouvement, tandis que dans la deuxième situation, nous avons éliminé tous les traits concernant ce mouvement.

121 Figure 112. Le mouvement

désigné par les traits155.

A partir de cette modification, nous avons pu obtenir deux autres vignettes qui, de par la compréhension du mouvement évoquée par les traits, offrent au lecteur deux actions tout à fait différentes de la première sachant qu’il s’agit de la même scène ; dans la première situation, le lecteur peut facilement comprendre que Nicolas est en pleine action de chute, logiquement parlant, il va tomber sur la tarte, mais si nous demandions au même lecteur de comparer cette situation avec celle se trouvant dans la vignette originale de la figure 112, à ce moment là, il va directement déduire que la vitesse du mouvement dans la situation (01) est plus rapide que celle dans la vignette qui n’est plus défigurée ; et par là, il peut saisir que, dans la situation (01), Nicolas tombe d’un endroit plus élevé que celui dans l’image source.

De même, dans la situation (02), quoi que Nicolas, dessiné en position de déséquilibre, semble aussi en train de tomber, mais il n’y a rien au fait sur la vignette qui peut indiquer ce mouvement, ce qui ramène le lecteur à trouver une certaine

155 Ibid. p. 39.

122 difficulté pour inférer la compréhension la plus juste : Est-ce que Nicolas est en pleine action de chute, ou est-ce qu’il est drôlement suspendu en l’air ?

Figure 113. Situation (01) Figure 114. Situation (02)

II.2.1.3.2. L’effet stroboscopique

Il s’agit là, d’un autre procédé qui sert à traduire le mouvement en bandes dessinées. Il consiste en effet à décomposer à l’intérieur de la même image le mouvement du sujet ou du personnage représenté. L’effet stroboscopique permet au lecteur de mieux saisir l’action dans sa globalité ; autrement dit, depuis son commencement, jusqu’à son aboutissement final.

Le principe de ce procédé ressemble en quelque sorte à la technique de la répétition en flash que nous pouvons retrouver dans le cinéma. Par le biais de ce moyen, le dessinateur peut offrir au lecteur une image au ralenti, l’objet en question est marqué donc par de lentes transformations ou métamorphoses que le dessinateur représentera – afin de donner une sensation d’illusion à l’action – en tenant énormément compte de l’enchaînement des différents angles de vue. En ce qui concerne le lecteur, son travail consiste à reconstruire lui-même le chemin ou la

123 trajectoire du déplacement avec ses yeux. Ajoutant que dans la plupart des cas, l’effet stroboscopique est représenté de gauche à droite en respectant le sens de lecture et ce, pour ne pas donner l’impression au lecteur que le mouvement est en arrière et donc, l’action est inversée.