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B/ L’EXISTENCE DE MULTIPLES INTERVENTIONS DU GOUVERNEMENT HORS DU CADRE DU DROIT D’AMENDEMENT

Chloé SERGENT AVOCAT

B/ L’EXISTENCE DE MULTIPLES INTERVENTIONS DU GOUVERNEMENT HORS DU CADRE DU DROIT D’AMENDEMENT

1. En droit

L’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen dispose que : « La Loi est l'expression de la volonté générale. »

L'article 3 de la Constitution dispose que : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants... ».

Le Conseil Constitutionnel a jugé au visa de ces articles que : « ces dispositions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire » Décision n° 2015-712 DC du 11 juin 2015 L’article 44 de la Constitution dispose que :

par une loi organique.

Après l'ouverture du débat, le Gouvernement peut s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la commission.

Si le Gouvernement le demande, l'Assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement ».

Le Conseil Constitutionnel a jugé que :

« 3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :

"La loi est l'expression de la volonté générale..." ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 de la Consti-tution : "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants..." ; que ces dis-positions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ; (…) . En ce qui concerne l'article 26 de la résolution : 11. Considérant que l'article 26 donne une nouvelle rédac-tion de l'article 46 du règlement ; qu'il définit les condirédac-tions dans lesquelles les commissions organisent la publicité de leurs travaux ;

12. Considérant que les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, qui s'appliquent aux tra-vaux des commissions, imposent qu'il soit précisément rendu compte des interventions faites devant celles-ci, des motifs des modifications proposées aux textes dont elles sont saisies et des votes émis en leur sein ; qu'il en va notamment ainsi pour les projets et propositions de loi dont la discussion porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie ; 13. Considérant que, sous cette réserve, l'article 26 de la résolution n'est pas contraire à la Constitution » Décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009 - Résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale.

2. En fait

Ce texte a été de plus fort remanié par le gouvernement, bien au delà du pouvoir d’amendement.

2.1 Sur la modification en dehors des règles de procédures

Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, les amendements du gouvernement doivent être publics et déposés pour être examinés en séances.

Or la proposition de loi a été retirée le 14 octobre 2020, modifiée sur demande du gouvernement qui l’a re-déposée le 20 octobre 2020.

• Le rapport du Sénat indique :

« I. UNE PROPOSITION DE LOI PROFONDEMENT REMANIÉE PAR LE GOUVERNEMENT AVANT SON EXAMEN

A. INTIALEMENT DESTINÉE À RENFORCER LA COMPLÉMENTARITÉ DES FORCES DE SÉCURITÉ, LA PROPOSITION DE LOI A ÉTÉ COMPLÉTÉE PAR DE MULTIPLES AJOUTS DU MINISTÈRE DE L'INTÉ-RIEUR ET A PÂTI DE L'ABSENCE D'ÉTUDE D'IMPACT ET DE SAISINES DU CONSEIL D'ÉTAT ET DE LA CNIL

(…) Le Gouvernement ayant souhaité adapter et enrichir son contenu avant son examen en première lecture par l'Assemblée nationale, la proposition de loi initialement déposée a été retirée le 14 octobre 2020 au profit d'un nouveau texte, déposé le 20 octobre par les mêmes députés.

C'est ce second texte, sur lequel l'influence du ministère de l'intérieur a été particulièrement forte, qui est en cours d'examen par le Parlement. En plus d'aborder les sujets initialement envisagés par les auteurs de la proposition de loi, il comporte des dispositions relatives à la question de la protection des forces de l'ordre dans le cadre des opérations de police, à l'usage des drones et caméras de surveillance et à la sécurité dans les transports.

Il est à noter qu'en se saisissant d'un texte d'initiative parlementaire, le Gouvernement a contourné l'obligation de publication d'une étude d'impact, de même que la saisine préalable du Conseil d'État et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ». https://www.senat.fr/rap/l20-409/

l20-4090.html#toc12

La présentation est à la fois étonnante de naïveté et fallacieuse.

Étonnante de naïveté car le rapporteur assume le fait que le gouvernement, hors toute procédure parlemen-taire ait modifié une proposition de loi.

au long des compte rendu accessibles sur le site de l’assemblée nationale et devant la commission des lois.

• Ils l’assument aussi dans la presse. Ci-après un exemple de confirmation par la députée Alice Thourot :

« La proposition de loi a d'ailleurs été présentée en avant-première en 2019 à Montélimar. Elle a ensuite été retravaillée à l'automne, nourrie conjointement avec le ministère de l'Intérieur et le Président de la République qui a reçu les syndicats de police en octobre 2020 à l'Elysée, puis mise à l'ordre du jour à la rentrée 2020 ».

https://www.alicethourot.fr/proposition-de-loi-vers-une-securite-globale

https://www.ledauphine.com/edition-drome-ardeche-sud/2019/12/24/une-proposition-de-loi-sur-la-securite-tres-importante-avant-les-jo-de-2024

La Gazette des Communes précise la part apportée par le Premier Ministre :

« Plus de deux ans après la présentation de leur rapport sur le continuum de sécurité, les députés LREM Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot touchent au but. Après avoir déposé une première version de leur proposition de loi « Vers une sécurité globale », directement inspirée de leurs travaux, le 14 janvier, ils ont finalement mis au point une nouvelle mouture adaptée aux récentes annonces du gouvernement.

En effet, le texte mis en ligne le 20 octobre sur le site de l’Assemblée nationale intègre la création du cadre juridique de l’expérimentation de l’élargissement des compétences des policiers municipaux initié par le Premier ministre Jean Castex lors d’un déplacement à Nice le 25 juillet dernier ».

https://www.lagazettedescommunes.com/702593/continuum-de-securite-la-proposition-de-loi-fauvergue-thourot-regonflee/

Fallacieuse car le gouvernement ne s’est pas saisi d’un texte d’initiative parlementaire : il s’agit d’un texte gouvernemental qu’il a commandé, en fixant les thèmes, les orientations les demandes.

Dès les le texte est d’origine gouvernementale et modifié à sa guise par le gouvernement.

2.2 Sur la modification en dehors des règles de publicité

• Lors de l’examen en commission des lois de l’assemblée nationale, le Ministre de l’Inté-rieur s’est exprimé sur ce texte, tel qu’il ressort du 3eme compte rendu de séance, du mercredi 4 novembre sur cette loi :

« Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Lundi, le ministre de l’intérieur, M. Gérald Darmanin, était présent parmi nous pour exprimer la position du Gouvernement sur ce texte. Il nous rejoindra ultérieurement pour participer à l’examen des articles ».

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_lois/l15cion_lois2021017_compte-rendu Or le compte rendu du lundi 2 novembre 2020 ne porte aucune mention de Monsieur Gérald Darmanin.

Seule la désignation du rapporteur d’application est mentionné au titre de la loi sécurité globale. Aucun autre compte rendu ‘est disponible pour ce jour sur le site de l’assemblée nationale.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_lois/l15cion_lois2021016_compte-rendu

• Enfin lors de la commission mixte paritaire, le Ministre de l’Intérieur est également interve-nu pour influencer la commission et donner des instructions politiques pour qu’un accord soit trouvé, tel que la presse l’a largement relayé.

Ainsi « La lettre A, le quotidien de l’influence et des pouvoirs » titrait le 24 mars 2021 « Gérald Darmanin veut boucler la loi sur la sécurité globale ».

Le quotidien écrivait « Le ministre d l’Intérieur fait pression sur les rapporteurs du texte à l’assemblée natio-nale Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot pour trouver un terrain d’entente avec les sénateurs en amont de la commission mixte paritaire prévue le 29 mars ».

La Commission Mixte Paritaire n’est pas une chambre d’enregistrement de négociation. intervenues en de-hors de ce cadre : elle est le lieu organisé par les textes constitutionnels, avec les garanties afférentes pour que ces discussions soient réalisées.

La commission Mixte Paritaire qui s’est tenue le 29 mars 2021, a duré moins de trois heures.

Ces interventions en dehors de la procédure parlementaire, qui n’est pas facultative mais bien garante de l’élaboration de la norme en conformité avec la Constitution, caractérisent également une violation de la sé-paration des pouvoirs.

II/ LA MECONNAISSANCE DES PRINCIPES PARLEMENTAIRES PORTANT ATTEINTE A LA

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