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Sur la délégation de certaines missions de police judiciaire à des sociétés privées 1. En droit

Contribution extérieure sur la saisine n° 2021-817 DC portant sur la Loi pour un nouveau pacte sur la sécurité respectueux des libertés

I - SUR L’EXTENSION DES POUVOIRS DE POLICE MUNICIPALE ET DES AGENCES DE SECURITE PRIVEES

A. Sur la délégation de certaines missions de police judiciaire à des sociétés privées 1. En droit

. Selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 « Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » (cons. 66) :

« les modalités de l'exercice des missions de police judiciaire ne sauraient toutefois être soumises à la volonté de personnes privées ; que, par suite, en créant un fonds de soutien à la police technique et scientifique et en lui affectant des contributions versées par les assureurs, l'article 10 méconnaît les exigences constitutionnelles résultant des articles 12 et 13 de la Déclaration de 1789 ».

. Selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 « M. Rouchdi B.

et autre [Mesures administratives de lutte contre le terrorisme] » (cons. 27) :

« Les dispositions contestées confèrent aux agents de la force publique la possibilité de se faire assister, pour la mise en œuvre des palpations de sécurité et des inspections et fouilles de bagages, par des agents agréés exerçant une activité privée de sécurité. Ce faisant, le législateur a permis d'associer des personnes privées à l'exercice de missions de surveillance générale de la voie publique. Il résulte des dispositions contestées que ces personnes ne peuvent toutefois qu'assister les agents de police judiciaire et sont placées « sous l'autorité d'un officier de police judiciaire ». Il appartient aux autorités publiques de prendre les dispositions afin de s'assurer que soit continûment garantie l'effectivité du contrôle exercé sur ces personnes par les officiers de police judiciaire. Sous cette réserve, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences découlant de l'article 12 de la Déclaration de 1789. »

. Selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 « Mlle Danielle S. [Hospitalisation sans consentement] » (cons. 14) :

PARTIE 2 - L’ATTEINTE AUX DROITS FONDAMENTAUX

« dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ».

2. En fait

. Le Livre Blanc, dont les rapporteur ont indiqué qu’il avait inspiré la modification de la loi intervenue entre le 14 octobre et le 20 octobre 2021, indique qu’il s’agit, une fois que la sécurité juridique sera accrue concernant les agences de sécurités privées, de les intégrer dans le continuum de sécurité et de donner la capacité à ces agences d’armer leurs salariés, avec des armes non létales – type Taser ou LBD40-.

. Ces entreprises de sécurité privée, dont les compétences sont élargies, dépendent pour leur fonctionnement d’un Conseil National des Activités Privées de Sécurité.

Selon l’article L.632-1 du code de la sécurité intérieure :

« Le Conseil national des activités privées de sécurité, personne morale de droit public, est chargé :

1° D'une mission de police administrative. Il délivre, suspend ou retire les différents agréments, autorisations et cartes professionnelles prévus par le présent livre ;

2° D'une mission disciplinaire. Il assure la discipline de la profession et prépare un code de déontologie de la profession approuvé par décret en Conseil d'Etat. Ce code s'applique à l'ensemble des activités mentionnées aux titres Ier, II et II bis ;

3° D'une mission de conseil et d'assistance à la profession.

Le Conseil national des activités privées de sécurité remet au ministre de l'intérieur un rapport annuel dans lequel est établi le bilan de son activité. Il peut émettre des avis et formuler des propositions concernant les métiers de la sécurité privée et les politiques publiques qui leur sont applicables. Toute proposition relative aux conditions de travail des agents de sécurité privée est préalablement soumise à la concertation avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs. »

Le CNAPS est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur (http://www.cnaps.interieur.gouv.fr/Le-CNAPS/Organisation/Organisation).

Il ne s’agit donc pas d’une autorité administrative indépendante.

Son collège est notamment composé de personnes issues des activités privées de sécurité.

. Or, les articles 7 à 19 de la proposition de loi organisent la délégation de certaines compétences de police judiciaire au CNAPS en charge du contrôle des agents de sécurité privée.

L’article 8 alinea 4 dispose que :

« 2° La section 1 du chapitre IV est complétée par des articles L. 63432 et L. 63433 ainsi rédigés :

« Art. L. 63432. – Les agents du Conseil national des activités privées de sécurité qui sont commissionnés par son directeur et assermentés sont habilités à rechercher et à constater par procèsverbal, à l’occasion des contrôles qu’ils réalisent, les infractions prévues au présent livre.

« Les procèsverbaux qu’ils établissent, qui peuvent comporter les déclarations spontanées des personnes présentes lors du contrôle, sont transmis au procureur de la République territorialement compétent.

« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 63433. – Pour l’établissement des procèsverbaux mentionnés à l’article L. 63432, les agents du Conseil national des activités privées de sécurité mentionnés au même article L. 63432 sont habilités à recueillir ou à relever l’identité et l’adresse de l’auteur présumé de l’infraction.

« Si ce dernier refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, l’agent qui dresse le procèsverbal en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter surlechamp la personne concernée ou de la retenir pendant le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d’un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle. À défaut d’un tel ordre, l’agent du Conseil national des activités privées de sécurité ne peut retenir la personne concernée.

« Pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’officier de police judiciaire, la personne concernée est tenue de demeurer à la disposition de l’agent du Conseil national des activités privées de sécurité. La violation de cette obligation est punie de deux mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.

Le refus d’obtempérer à l’ordre de suivre l’agent pour se voir présenter à l’officier de police judiciaire est puni de la même peine. »

Selon l’article 8 al. 5 de la proposition de loi sur la sécurité globale, les agents de la CNAPS « sont habilités à rechercher et à constater par procès‑verbal, à l’occasion des contrôles qu’ils réalisent, les infractions prévues au présent livre. »

Selon l’article 8 al. 8 les agents ne sont pas soumis au contrôle de l’autorité judiciaire, sauf dans le cas où l’auteur présumé de l’infraction « refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité ».

. D’une part, il résulte qu’en accroissant les pouvoirs des entreprises de sécurité privée, financées par nature par des fonds privés, la loi organise de manière générale la soumission desdites activités à la volonté de personnes privées. En ce sens, l’ensemble du dispositif est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au financement de la force publique.

En conséquence, les dispositions sont contraires à l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.

. D’autre part, à considérer que certaines activités puissent être déléguées à des entreprises de sécurité privée, encore faut-il que le législateur organise le contrôle de ces dernières par l’autorité judiciaire.

En ce sens, des agents de sécurité privée peuvent être associés à des missions de police judiciaire, mais si et seulement si elles sont placées sous l’autorité d’un officier de police judiciaire, laquelle doit prendre des dispositions pour que soient continûment garantie l'effectivité du contrôle exercé sur ces personnes par les officiers de police judiciaire.

En l’état, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence en ne prévoyant pas que les sociétés privées soient placées de manière générale et par principe sous l’autorité d’un officier de police judiciaire.

. Enfin, la proposition de loi prévoit de ne pas soumettre directement les entreprises de sécurité privée elles- mêmes au contrôle de la police judiciaire, mais du CNAPS – qui n’est pas une autorité administrative indépendante.

La proposition de loi prévoit, à l’article 8, d’accroître les pouvoirs du CNAPS, tout en limitant l’intervention du pouvoir judiciaire.

En effet, dans le cas où les agents du CNAPS constateraient une infraction commise par une entreprise de sécurité privée, la proposition de loi a seulement prévu qu’intervienne la police judiciaire dans le cas où l’auteur présumé de l’infraction refuserait ou se trouverait dans l’impossibilité de justifier de son identité.

Même dans ce dernier cas, le fait que ce soit l’agent du CNAPS qui « rende compte » de cette impossibilité, sans qu’il soit contraint de le faire, faute de contrôle préalable de l’officier de police judiciaire ou de mécanisme de sanction postérieur dans le cas où il contreviendrait à cette obligation, constitue un défaut de garantie. Le législateur n’a donc pas épuisé, non plus, sur ce point, sa compétence.

En conséquence, les dispositions sont contraires à l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen et à l’article 34 de la Constitution.

. Enfin, l’organisation de la sécurité privée sans contrôle de l’autorité judiciaire prive de garanties les citoyens quant à l’exercice de leur liberté individuelle.

En effet, le Conseil constitutionnel impose non seulement un encadrement par l’autorité judiciaire, mais encore que les modalités d’intervention de l’autorité judiciaire soient elles-mêmes adaptées en fonction des atteintes qui peuvent être portées à la liberté individuelle.

Le recours à des sociétés de sécurité privée rend impossible ces deux niveaux de garantie de la liberté individuelle.

En conséquence, les dispositions sont contraires à l’article 66 de la Constitution.

B. Sur l’extension des compétences de la police municipale

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