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2. LA RECHARGE RAPIDE DANS LE MONDE

2.2. L’Estonie, leader européen de la recharge rapide

L’Estonie, pays peuplé d’environ 1,3 millions d’habitants, vient au second rang mondial pour la proportion de son parc de véhicules qui sont propulsés à l’électricité : une voiture sur 1000 y est électrique (Voelcker, 2013). Ce pays se distingue toutefois des autres quant à la stratégie de déploiement préconisée de ses infrastructures de recharge. En effet, l’Estonie a rapidement pris position dans le fameux dilemme de « la poule et de l’œuf » en implantant le premier réseau de bornes de recharge rapide à échelle nationale dans le monde (Gerdes, 2013). Cette nation se démarque donc essentiellement sur deux points : d’abord de par le choix de déployer une infrastructure publique de recharge couvrant l’ensemble de son territoire, et ensuite de par la décision d’opter pour la technologie de la recharge rapide au détriment des plus traditionnelles bornes de niveaux 1 et 2. Selon le responsable du projet de déploiement Jarmo Tuisk, ce dernier choix technologique est justifié essentiellement par le fait que la recharge rapide permet de mieux répondre aux différents besoins de recharge identifiés sur le territoire, notamment la recharge routinière en milieu public, la recharge d’urgence ou encore la recharge liée aux déplacements touristiques (Tuisk, 2013a). La priorité de ce projet est de réduire les craintes des adopteurs

précoces de véhicules électriques quant à l’autonomie et au temps de recharge de leur voiture et d’inciter à court terme la demande pour ce type de véhicules dans le pays (Tuisk, 2013b). À plus long terme, l’Estonie vise la réduction de l’impact environnemental des transports dans le pays en misant sur un marché des véhicules électriques qui soit économiquement viable (idem).

L’initiative, qui s’inscrit dans le cadre plus large d’un programme national d’électromobilité, a permis de déployer sur l’ensemble du territoire estonien un « écosystème » de 165 points de recharge rapide standardisés CHAdeMO, chacun mettant également à disposition des utilisateurs une borne de niveau 2 (Morris, 2013). Sur les 165 bornes déployées, 100 sont localisées dans des stationnements de commerces et d’institutions publiques à l’intérieur même des villes, alors que les autres équipements de recharge se retrouvent sur des sites similaires en bordure des principaux axes routiers qui sillonnent le pays (Estonian Electromobility program 2011-2013 (ELMO), s.d; Gerdes, 2013). À la fin de la phase de déploiement, qui s’est déroulée de septembre 2012 jusqu’aux derniers jours de janvier 2013, pratiquement chaque ville de 3000 habitants ou plus était minimalement dotée d’une borne de recharge rapide, alors que les villes comptant 10 000 résidents ou plus recevaient généralement une borne CHAdeMO par tranche de 10 000 habitants (Tuisk, 2013b). Pour leur part, les bornes localisées en bordure de routes étaient séparées au maximum d’une distance de 60 kilomètres (idem). Au moment du déploiement du projet, on dénombrait 619 véhicules électriques en Estonie, dont près de 500 Mitsubishi i-MiEV appartenant à l’État dans le cadre d’un vaste projet de démonstration, pour un ratio d’environ une borne de recharge rapide pour quatre véhicules électriques, ou 250 installations pour 1000 véhicules électriques. Ce ratio est huit fois plus élevé que celui du Japon. En parallèle de ce réseau de recharge rapide, 500 bornes de recharge de niveau 2 ont également été déployées dans le pays (Morris, 2013; ABB, 2013). L’objectif visé pour 2013 consiste à doubler le nombre de véhicules électriques détenus par des particuliers ou des acteurs du secteur privé afin que le décompte dépasse les 200 unités. Il est à noter que les bornes de recharge publiques estoniennes sont alimentées à 90 % par une production éolienne d’électricité (Gerdes, 2013).

Le financement des bornes de recharge rapide du projet provient en totalité d’une entente conclue avec Mitsubishi Corporation pour la vente de près de dix millions de crédits de carbone issus du Protocole de Kyoto (Tuisk, 2013b; Morris, 2013). Cette entente incluait non seulement le financement du réseau de recharge, mais aussi celui des 500 i-MiEV de la flotte gouvernementale et du programme de subvention à l’achat qui peut s’élever jusqu’à 50 % de la valeur du véhicule (Voelcker, 2013; Tuisk, 2013a). La gestion du programme national d’électromobilité estonien est assurée par un organisme public, Kredex, et tous les actifs (bornes, système de gestion du réseau, connexions au réseau de distribution électrique, etc.) sont la propriété de l’État. Pour leur part, la

fabrication et l’installation des équipements de recharge, de même que la gestion de l’ensemble des services connexes offerts aux utilisateurs, sont assurées par le géant suisse ABB, qui a remporté l’appel d’offre public lancé pour le projet grâce à une proposition qui a été jugée la plus technologiquement avancée (Tuisk, 2013a; Morris, 2013).

Trois options de tarification sont offertes aux utilisateurs des équipements de recharge : l’option « Flex » impose un tarif de 5 euros par recharge, la formule « Combi » exige le paiement d’un montant forfaitaire mensuel de 10 euros ainsi qu’un tarif de 2,50 euros par recharge et l’option « Volume » commande un paiement mensuel de 30 euros qui permet de se recharger sur le réseau jusqu’à une limite maximale de 150 kWh par mois (Tuisk, 2013a). Les options de paiement sont donc assez flexibles et les usagers peuvent s’acquitter de leur tarif de recharge directement au moyen de leur téléphone mobile après chaque plein d’électricité. Sur le plan technique, l’une des particularités des bornes de recharge rapide installées en Estonie est qu’elles sont dotées d’un système de chauffage qui permet aux équipements de fonctionner malgré des températures hivernales de 30 degrés Celsius sous le point de congélation qu’il est parfois permis d’observer en territoire estonien, tout comme en sol québécois (Morris, 2013).