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2. LA RECHARGE RAPIDE DANS LE MONDE

2.4. Conclusions à tirer du portrait mondial

Malgré le fait que les réseaux de bornes de recharge non-résidentielles pour véhicules électriques aient connu un essor depuis 2010 dans de nombreux pays, leur financement demeure, de manière globale, insuffisant pour répondre aux besoins criants exprimés par les utilisateurs de ce type de véhicules. Si les autorités publiques ont jusqu’à maintenant semblé prioriser des investissements permettant d’améliorer l’efficacité des véhicules électriques ainsi que la réduction de leur coût d’achat, le passage à une adoption de masse des véhicules à propulsion électrique nécessitera des dépenses plus importantes afin de structurer des réseaux de recharge adaptés au contexte de chaque territoire d’application. Certains pays semblent avoir pris position plus rapidement que d’autres dans le fameux dilemme relatif au rôle d’incitatif ou de support que doivent jouer les équipements de recharge sur le marché des véhicules électriques, résultant en des réseaux plus ou moins développés qui présentent des approches de déploiement très différentes selon les choix stratégiques effectués. Si la plupart des nations semblent privilégier la recharge lente à la recharge rapide, notamment pour des raisons techniques et de coût d’implantation, quelques rares pays ont opté de manière plus ou moins marquée pour la technologie rapide. En lien avec ce constat, deux cas ont été présentés afin d’illustrer le déploiement de tels réseaux axés sur la recharge rapide dans des contextes présentant certaines similitudes avec le Québec, que ce soit au niveau des conditions climatiques (Estonie) ou des principales caractéristiques relatives au réseau routier, aux déplacements des individus, à la structuration du réseau de recharge à 240 volts et au marché des véhicules électriques (États-Unis). Ces retours d’expérience peuvent être considérés comme des expérimentations dont le Québec doit s’inspirer dans le cadre de l’implantation d’un réseau de bornes incluant la technologie de la recharge rapide.

Si l’on désire dresser un bref résumé des deux études de cas présentées, il est permis de constater quelques grandes similitudes entre le déploiement des infrastructures de recharge rapide en Estonie et dans l’Ouest américain. D’abord, les deux territoires d’application bénéficiaient a priori d’un avantage comparatif majeur dû à un approvisionnement en électricité de source locale et renouvelable, permettant d’optimiser les bénéfices économiques et environnementaux du projet. Ensuite, chaque projet s’inscrit dans un cadre politique et économique plus large visant à réduire l’impact environnemental du secteur des transports par une action concertée des parties prenantes du territoire visant à promouvoir les modes de déplacement électriques. Dans les deux cas, le choix technologique (la recharge rapide standardisée CHAdeMO) a été motivé par l’élimination des craintes relatives au temps de recharge et à l’autonomie des véhicules tout électriques sur de longues distances, toujours en supposant que la majorité des besoins en recharge sont d’abord comblés en milieu résidentiel. Également, ces retours d’expérience sont en lien avec le sujet de l’essai puisque des bornes ont été localisées en bordure des principaux axes routiers du territoire d’application, séparées de 40 à 80 kilomètres, en misant sur des partenariats de type public-privé afin d’implanter les équipements de recharge sur des sites commerciaux et institutionnels. Finalement, autant en Estonie que dans le cas de la West Coast Electric Highway, on note une présence importante d’infrastructures de recharge lente parallèlement au réseau de bornes CHAdeMO, dont la fabrication, l’installation et la gestion des équipements de recharge rapide sont assurées par un fournisseur unique qui a remporté un appel d’offre public sur la base de la qualité technologique de sa proposition.

Toutefois, il a été permis de dégager quelques différences notoires entre ces deux retours d’expérience. Premièrement, la couverture territoriale du réseau de recharge estonien est beaucoup plus complète et inclusive que dans les États de Washington et de l’Oregon, essentiellement dû au choix d’implanter des bornes de recharge rapide à l’intérieur des villes du pays. Il est important de nuancer ce constat en mentionnant que le réseau déployé en Estonie est un réseau national, alors que la West Coast Electric Highway est une initiative qui complémente d’autres projets importants d’implantation d’équipements de recharge (l’EV Project, notamment) ou de juridiction régionale. Deuxièmement, le financement des deux cas d’étude est complètement différent. En effet, dans le cas estonien, la vente des crédits de carbone qui a permis le déploiement du projet n’a rien coûté aux contribuables, contrairement aux programmes de financement américains qui provient implicitement des recettes fiscales du palier fédéral. Troisièmement, il a été permis de constater une stratégie d’électrification des transports globalement beaucoup plus agressive en Estonie, où on offre notamment une subvention à l’achat de véhicules électriques pouvant atteindre 50 % de la valeur d’achat. Quatrièmement, on a pu remarquer un contexte d’implantation qui, en termes relatifs, est beaucoup plus propice en Estonie,

qui présentait déjà au moment de déployer le réseau de recharge rapide le deuxième taux de véhicules électriques le plus élevé au monde. Néanmoins, avec les signes encourageants des ventes de véhicules électriques en Oregon, l’écart entre les deux cas tendra peut-être à se rétrécir avec le temps.

Finalement, en raison de la récence du déploiement des deux initiatives présentées, bien peu de résultats concrets et quantifiés ont été divulgués pour l’instant. Si les tendances observées semblent plutôt encourageantes, il sera très intéressant de suivre au cours des prochaines années l’évolution des deux projets et surtout les résultats qui en découleront. Il faudra toutefois faire preuve de vigilance et de discernement dans l’analyse de ces résultats, qui devront être mis en relation avec l’ensemble beaucoup plus large d’incitatifs en place sur le territoire. Néanmoins, ces études de cas auront fourni de précieuses informations quant aux meilleures pratiques de déploiement d’un réseau de bornes de recharge rapide, qui doivent toujours être adaptées au contexte du nouveau territoire d’application.